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ACTUALITÉ JURIDIQUE

Baux hôteliers

LES TRAVAUX PRÉVUS PAR LA LOI DE 1964  

Les hôteliers sont amenés à faire de gros investissements pour rénover et moderniser leurs établissements. La loi du 1er juillet 1964 leur permet de faire certains travaux, et ce, malgré l'opposition du propriétaire, qui ne pourra, en outre, se servir de ces travaux pour augmenter le loyer. Ne méconnaissez pas cette loi avantageuse pour les hôteliers.

Si les hôteliers sont soumis au décret du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux, ils bénéficient aussi d'une loi spécifique du 1er juillet 1964, qui leur permet, pour certains travaux qu'ils veulent faire effectuer, de ne pas avoir à demander l'autorisation du propriétaire, mais une simple information, et surtout une fois ces travaux effectués, la loi accorde à l'hôtelier un délai de 12 ans pour amortir les travaux. Ce qui veut dire que pendant cette durée, ces travaux ne pourront servir à augmenter le loyer.

Les travaux concernés
L'article 1 de cette loi prévoit que le propriétaire d'un immeuble dans lequel est exploité un hôtel classé comme hôtel de tourisme ne peut s'opposer, nonobstant toute stipulation contraire, à l'exécution des travaux d'équipement et d'amélioration que le locataire, propriétaire du fonds de commerce, réalise à ses frais et sous sa responsabilité lorsque ces travaux concernent :
w La distribution de l'eau, du gaz et de l'électricité
w L'installation du téléphone, d'appareils récepteurs de radiodiffusion et de télévision
w L'équipement sanitaire, du déversement à l'égout
w L'installation du chauffage central ou de distribution d'air chaud ou climatisé
w L'installation d'ascenseurs, monte-charge et monte-plats
w L'aménagement des cuisines et offices
w La construction de piscine
A l'origine, la loi de 1964 avait prévu que ces dispositions concernaient uniquement les hôtels classés comme hôtels de tourisme, mais une loi du 5 juillet 1979 a étendu son application à l'ensemble des hôtels (garnis, meublés, hôtels de préfecture).
Le propriétaire de l'immeuble ne peut s'opposer, nonobstant toute stipulation contraire (c'est-à-dire même si une clause du bail prévoit le contraire), à l'exécution de ces travaux même si ceux-ci doivent entraîner une modification dans la distribution des lieux. Bien entendu, le locataire doit respecter néanmoins les autres clauses du bail relatives aux travaux.
Ainsi, il est le plus souvent prévu que : "Les travaux devront être exécutés sous le contrôle de l'architecte de l'immeuble dont les honoraires seront supportés par le preneur."
Par ailleurs, cette loi de 1964 précise également que les travaux sont réalisés sous la responsabilité du locataire, qui devra donc s'adresser à une ou des entreprises qualifiées disposant des assurances nécessaires.

La procédure à suivre
Elle est fixée par l'article 2 de la loi de 1964. Avant d'entreprendre les travaux, le locataire doit notifier son intention au propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception.
Il doit joindre à cette notification un plan d'exécution, ainsi qu'un devis descriptif et estimatif. A ce stade, il convient de distinguer selon que les travaux envisagés touchent ou non au gros œuvre de l'immeuble.
Si les travaux n'ont pas d'incidence sur le gros œuvre, le locataire peut entreprendre immédiatement leur exécution (dès le retour de l'accusé de réception).
Si les travaux touchent au gros œuvre, le propriétaire a la faculté de s'y opposer, dans un délai de 2 mois, à compter de la réception de la notification.
A défaut d'opposition dans ce délai, le propriétaire est réputé les avoir acceptés.
En cas d'opposition du bailleur sur tout ou partie des travaux envisagés, le désaccord est tranché par une commission paritaire spécialisée, créée auprès de la préfecture de chaque département.
Cette commission est composée de représentants d'exploitants hôteliers et de représentants des propriétaires d'immeuble.
La commission est saisie par lettre recommandée avec accusé de réception, à laquelle sont joints copies de la notification du plan descriptif, du devis estimatif, de l'opposition du propriétaire et de tous documents utiles (bail, extrait K Bis, statuts, état des lieux avant travaux). Le bailleur est invité par la commission à fournir dans les 15 jours, tous documents de nature à justifier son point de vue.
La commission doit rendre un avis dans un délai de 3 mois.
Si la commission n'a pas rendu son avis dans un délai de 3 mois, ce défaut de réponse équivaut à un avis défavorable, quant aux travaux envisagés par le locataire.
Dès réception de l'avis de la commission, l'exploitant peut procéder aux travaux pour lesquels l'avis de la commission est favorable.

L'incidence de ces travaux sur le loyer
En application de l'article 3 de la loi de 1964, le propriétaire ne peut demander aucune augmentation de loyer pendant une durée de 12 années, à compter de l'expiration du délai d'exécution prévu à l'article 2.
Cette disposition n'empêche pas, cependant, la variation triennale (ou annuelle s'il existe une clause d'échelle mobile) du loyer, en fonction de l'indice Insee du coût de la construction.
Le délai de 12 ans s'applique pendant la durée du bail en cours, ainsi qu'au cours du bail renouvelé suivant.
Le point de départ du délai est :
w Pour les travaux ne touchant pas au gros œuvre : la date de réception de la notification.
w Pour les travaux touchant au gros œuvre : soit la date à laquelle le bailleur a manifesté son accord, soit l'expiration du délai de 2 mois suivant la réception de la notification, s'il ne répond pas.

Précisions jurisprudentielles
Dans un jugement du 13 juin 1990, le TGI de Paris juge ainsi : "Que le délai de 12 ans court à compter de l'expiration du délai de 2 mois à l'issue duquel le locataire est effectivement autorisé à entreprendre l'exécution des travaux sans que sa computation puisse être reportée à la date de l'achèvement des travaux et laissée en définitive à l'appréciation du preneur en fonction de la date d'échéance de son bail en cours."
Ce mécanisme de blocage du loyer, instauré par la loi, semble de prime abord peu compatible avec le principe selon lequel le loyer des locaux 'monovalents' est déplafonné lors du renouvellement et fixé selon les usages en vigueur dans la branche d'activité considérée (en l'espèce Méthode hôtelière).
Pour résoudre cette contradiction, les experts et les juridictions appliquent un abattement sur la valeur locative, de manière à faire abstraction des travaux réalisés et calculer ainsi un loyer avant travaux.
On aura donc un loyer de renouvellement à '2 vitesses' :
w un loyer minoré jusqu'à l'expiration du délai de 12 ans,
w un loyer déplafonné après et jusqu'à l'expiration du bail.
Il a été jugé par le TGI de Paris le 23 octobre 2000, à propos d'un hôtel 2 étoiles de 25 chambres, situé dans le XXe arrondissement, un loyer à deux vitesses.
Au cours du bail expiré, le locataire avait notifié au bailleur son intention de réaliser des travaux loi de 1964, le 28 décembre 1984.
A défaut de réponse du bailleur, avant le 28 février 1985, le locataire a fait exécuter les travaux. Le délai de 12 ans s'écoulait donc jusqu'au 28 février 1997. Le congé avec offre de renouvellement a été donné pour le 1er juillet 1996.
L'expert suivi par le tribunal retient un loyer de 195 000 F (29 727,56 e), pour la période du 1er juillet 1996 au 28 février 1997 (avec un abattement de 30 %) et un loyer de 278 500 F (42 457 e) à compter du 1er mars 1997.
Le formalisme prévu par la loi de 1964 doit être impérativement respecté par le locataire pour pouvoir en bénéficier.
Ainsi, dans un arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon le 3 novembre 1994, la cour retient que si le locataire avait bien fait procéder à d'importants travaux correspondant à ceux énumérés dans la loi, il n'en avait pas informé le bailleur, même si ces travaux avaient été accomplis au vu et au su de ce dernier.
Il s'en suit que la modification du prix du loyer du bail renouvelé, pendant une période de 12 ans, n'est plus interdite, dans la mesure où l'omission des formalités prévues a empêché de déterminer le point de départ de ce délai.
Dernièrement, la Cour de cassation a confirmé cette jurisprudence dans une décision du 1er mars 2000, en précisant qu'il s'agissait d'une formalité substantielle, dont l'omission privait le locataire de tout droit à invoquer les dispositions de cette loi.
Le respect du formalisme est donc essentiel, quelle que soit la nature des travaux, qu'ils affectent ou non le gros œuvre.
Dans une autre affaire, le locataire avait bien informé le propriétaire de son intention de réaliser des travaux par lettre recommandée avec accusé de réception et avait attendu l'expiration du délai de réponse de 2 mois, avant de commencer les travaux.
Cependant le plan d'exécution et le devis descriptif et estimatif des travaux n'avaient pas été joints à la notification.

Conséquences de ces travaux en fin de bail
L'article 4 de la loi de 1964 prévoit également, qu'au moment du départ du locataire, les lieux sont restitués au propriétaire, dans l'état où ils se trouvent sans que celui-ci puisse exiger la remise des lieux dans leur état antérieur.
Le deuxième alinéa du même article envisage l'hypothèse où le bailleur donne congé sans offre de renouvellement à l'expiration du bail.
Dans ce cas, il doit être tenu compte dans le calcul de l'indemnité d'éviction de la plus value apportée au fonds de commerce, par l'exécution des travaux.
Bien entendu, il conviendra, là encore, que le locataire ait respecté scrupuleusement le formalisme prévu par la loi.
E. Duroux (Avocat au barreau de Paris) zzz62

En cas de désaccord

En cas d'oppostion du propriétaire sur les travaux envisagés, une commission paritaire spécialisée au sein de la préfecture tranche les litiges. Pour Paris le dossier doit-être envoyé à l'adresse suivante :

Préfecture de Paris - Commission des travaux d'équipement dans les immeubles affectés à l'hôtellerie
Direction de l'action économique et sociale
Bureau de la réglementation économique
50, avenue Daumesnil - 75012 Paris

En province, consultez la préfecture dont vous dépendez.

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L'Hôtellerie n° 2761 Hebdo 21 Mars 2002 Copyright ©

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