Alors que la campagne pour le
premier tour de la présidentielle s'était déroulée dans un mortel ennui, la surprise
du 21 avril a réveillé les esprits et les curs après le résultat inattendu qui
oppose dimanche prochain le président sortant, Jacques Chirac, au candidat du Front
national, Jean-Marie Le Pen.
Même s'il n'est pas dans les habitudes de L'Hôtellerie de 'faire de la politique'
au sens traditionnel du terme, on se contentera d'un constat pour le moins surprenant :
les analystes les plus autorisés (il ne saurait y en avoir d'autres), nous expliquent
combien le scrutin du premier tour exprime un désir profond de changement. Or, les deux
qualifiés pour la seconde manche sont des vétérans de la vie publique française.
Jacques Chirac fut ministre pour la première fois en 1967, et Jean-Marie Le Pen décrocha
son premier mandat à l'Assemblée Nationale en... 1956 ! Pas vraiment des perdreaux de
l'année.
Mais qu'importe. Nous avons demandé à MM. Chirac et Le Pen leur programme pour la
profession afin d'éclairer le choix de nos lecteurs sur des propositions relatives à
leur métier, même s'il est évident, dans une configuration inattendue, que d'autres
critères entrent forcément en ligne de compte.
Pas difficile de s'en douter, rien de bien révolutionnaire pour les activités
touristiques qui ne sont pas vraiment au cur des préoccupations de la puissance
publique. Des deux côtés, on nous promet un ministère du Tourisme, ce qui ne constitue
pas une bouleversante nouveauté. Jacques Chirac se soucie davantage d'aménager la
fiscalité sur la transmission des entreprises que d'abaisser le taux de TVA en
restauration qu'il estime du ressort communautaire, alors que Jean-Marie Le Pen se montre
globalement plus volontariste en matière d'allégements fiscaux. Il est vrai que le
leader du Front national propose une vision de l'économie française coupée de la
réalité internationale : à l'heure où la France reste le pays le plus visité au monde
par les étrangers, difficile de ne pas s'interroger sur la pertinence d'un repli
autarcique et stérilisant.
C'est probablement dans le domaine économique que les projets de l'extrême droite
apparaissent les moins réalisables : la France ne peut envisager de quitter l'Union
européenne d'un trait de plume, et il est techniquement inconcevable de revenir au franc.
Quant à la fermeture des frontières par le rétablissement de barrières douanières,
elle relève davantage de l'argument électoral que d'une vision réaliste de l'économie
du marché.
Il n'empêche. Depuis des mois, les médias, les sondages, les commentateurs, nous
expliquaient que les jeux étaient faits : leur constance dans l'erreur n'en est que plus
révélatrice du désarroi populaire. Le 21 avril, le bon peuple a rappelé rudement les
réalités quotidiennes à une caste douillettement installée entre la rue de Varennes et
le boulevard Saint-Germain, où les voitures ne brûlent jamais, où les promeneurs ne
sont jamais (ou presque) rançonnés, les immeubles jamais tagués. Mais la 'France d'en
bas' - épouvantable expression qui illustre le mépris dans lequel ses auteurs tiennent
les citoyens de l'Hexagone -, en a assez de subir les échecs répétés de dirigeants
trop peu préoccupés du sort de ceux à qui ils doivent leur pouvoir.
Reste l'inconnue des législatives du mois de juin. Mais que le président élu obtienne
une majorité ou qu'il soit en situation de cohabitation, il faudra bien que les
gouvernants n'oublient pas les gouvernés. Ces derniers viennent d'envoyer à toute la
classe politique un avertissement sans frais. Si rien n'est fait, la prochaine sanction
risque d'être plus rude.
C. B. zzz80
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L'Hôtellerie n° 2767 Hebdo 2 Mai 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE