Quand Marc Veyrat,
l'un des chefs les plus créatifs de sa génération, et certainement l'un des plus
autorisés à faire de telles déclarations, s'insurge devant l'excès de conservatisme
des chefs français qui ont laissé sur le banc de touche des cuisiniers comme Gagnaire,
Bras, Passard, Roellinger, sous prétexte qu'ils allaient trop loin, il provoque, c'est sa
nature, pour que les choses évoluent, pour que la créativité aille chaque jour toujours
plus loin. Il suffit de goûter sa cuisine pour comprendre la dimension de la créativité
en matière culinaire. A partir de sa culture, de son histoire personnelle, de sa
sensibilité, de la maîtrise parfaite des techniques de cuisine, de ses bases les plus
fondamentales, il a su exacerber les saveurs, les textures de ce que la nature de son
terroir lui a offert, mais il a aussi eu la curiosité d'aller au-delà de sa culture, de
ce terroir qui l'a façonné, pour découvrir autre part, dans d'autres régions du monde,
d'autres produits, d'autres techniques, d'autres saveurs. Son talent de créateur ne
repose pas sur le simple fait qu'il ait osé les marier, il repose sur le fait que ce
qu'il en a fait est gustativement et émotionnellement exceptionnel. D'autres cuisiniers
en France, avec un autre terroir, avec une autre histoire, arrivent à des résultats du
même niveau. C'est en cela qu'ils sont réellement des créateurs.
De leur audace, de leur exigence, de leur talent, dépend bien sûr l'évolution de la
cuisine française, et c'est parce que dans d'autres pays quelques chefs se sont lancés
avec succès dans l'aventure créatrice que quelques chefs français tirent la sonnette
d'alarme et en appellent à une mobilisation. Pour que la créativité française perdure
avec la même vivacité, et que personne ne s'endorme sur des certitudes héritées des
gloires passées. Mais, sachons relativiser le discours des cuisiniers passionnés, et par
pitié, ne laissons pas certains plumitifs déclarer que les cuisiniers français
s'ennuient et n'ont plus d'imagination pour mieux mettre en avant le talent créatif des
cuisiniers... anglais ! C'est pourtant ce que l'on pouvait lire dans les colonnes du Figaro
voici quelques jours, et de nous expliquer que l'un d'entre eux, français, installé
depuis plusieurs dizaines d'années au pays de la perfide Albion, en était à un stade de
créativité tel qu'il s'imaginait revenir en France prochainement... pour relever quelque
peu le niveau de cette cuisine française qui ne savait plus se trouver quand elle se
cherchait... L'humilité n'est certainement pas ce que l'on apprend le mieux au royaume de
sa Gracieuse Majesté... Dommage... Il paraît que certains y apprennent la cuisine...
PAF zzz80
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L'Hôtellerie n° 2771 Hebdo 30 Mai 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE