Ruinés du fait du mauvais fonctionnement de la justice
Mercredi 29 mai 2002, la cour d'appel d'Angers avait à définir et à évaluer le montant du préjudice subi par un couple de restaurateurs, qui s'était vu ruiné suite à un mauvais fonctionnement de la justice, où un juge reconnaissant son erreur par la suite avait conclu un peu trop rapidement à l'état de ruine de leur hôtel-restaurant à Fougères (35).
Ce jour-là, les
époux Esnault avaient rendez-vous pour la 42e fois avec la justice afin de voir le
prologue d'une affaire qui les a mobilisés pendant plus de 16 ans. Ils espèrent que le
tribunal de grande instance d'Angers leur donnera raison et réparera le préjudice, tant
moral que financier, qu'ils ont subi du fait du mauvais fonctionnement de la justice.
Si l'Etat a déjà été condamné par un jugement du 27 novembre 2000 à payer 1,2 MF de
dommages-intérêts aux époux Esnault, ces derniers considèrent le montant bien trop
insuffisant par rapport à 20 ans de travail de 14 à 16 heures par jour, et réclament en
conséquence une indemnisation de l'ordre de 6 MF.
16 ans de procédure
En 1978, Jacques Esnault et son épouse Nelly reprennent le Saint-Pierre, un
hôtel-restaurant à Fougères. Tout marche bien, le chiffre d'affaires croît
régulièrement. Cependant, malgré l'activité de l'établissement, il devient
nécessaire de procéder à des travaux de rénovation qui sont estimés à 220 000 F à
l'époque, et qui incombent normalement aux propriétaires des murs, qui refusent de faire
ces travaux. Les époux Esnault saisissent donc la justice pour les obliger à effectuer
ces travaux. Malheureusement, celle-ci les déboutera de leurs demandes. En première
instance devant le tribunal de Fougères au motif que "les grosses réparations
invoquées par les locataires constituent en réalité des travaux de reconstruction de
l'immeuble". Le couple fait alors appel de cette décision devant la cour d'appel
de Rennes. Mais dans un arrêt du 6 novembre 1986, la 4e chambre civile, présidée par
Alain Le Caignec, confirmera le jugement, mais surtout, le renforcera en déclarant la
ruine du bâtiment, dégageant par-là même les propriétaires de tous travaux et de
toute responsabilité quant à l'état de cet établissement. Une tempête au mois
d'octobre 1987 endommagera la toiture de leur établissement et les conduira à nouveau
devant les tribunaux. Cette fois-là, les tribunaux leur donneront raison et mettront les
travaux à la charge des propriétaires.
L'autorité de la chose jugée
Mais c'était sans compter sur la Cour de cassation qui cassera les précédents jugements
au motif "de l'autorité de la chose jugée". On ne peut pas juger deux
fois sur les mêmes faits. Ne pouvant plus exploiter l'hôtel, le chiffre d'affaires du
restaurant commence lui aussi à chuter inexorablement pour finir par un dépôt de bilan
en 1994.
En septembre 1995, le juge Alain Le Caignec, qui avait déclaré l'état de ruine du
Saint-Pierre, avait reconnu dans un courrier adressé aux époux Esnault l'erreur qu'il
avait commise en raison d'une surcharge de travail : "Que le réexamen des pièces
lui laissait une impression désagréable d'arrêt plus ou moins loupé." Fort de
ce courrier, très contesté, Jacques et Nelly Esnault ont assigné l'Etat français. Le
TGI de Rennes condamnera l'Etat à leur verser 1,2 MF à titre de dommages-intérêts en
raison "d'un fonctionnement défectueux de la justice qui procède de la faute
lourde".
Après avoir toujours renié sa responsabilité dans cette affaire, l'Etat demandait
mercredi 29 mai confirmation du précédent jugement dans "un souci d'apaisement",
mais estime que les 1,2 MF réparent largement le préjudice des époux Esnault. "Il
aura fallu attendre 16 ans pour que l'Etat reconnaisse enfin son erreur, déclare
Jacques Esnault, mais il ne veut toujours pas payer." Aujourd'hui, Jacques et
Nelly Esnault demandent 6 MF. Le délibéré sera rendu le 11 septembre prochain.
P. Carbillet zzz22v
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L'Hôtellerie n° 2772 Hebdo 6 Juin 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE