Drôle d'anniversaire : pour ses 10 ans, Le Bistrot du Palais risque de perdre sa terrasse-véranda édifiée en dur sur l'espace public. Jean-Paul Lacombe parle d'injustice et d'acharnement à son égard. Allusion à cette demande de destruction résultant d'un choix de l'architecte des Bâtiments de France. Le tribunal de Lyon a mis la décision finale en délibéré jusqu'en septembre.
Les notes de l'happy
birthday ont failli être écrasées par le bruit d'engins de chantier venant détruire
une terrasse-véranda vouée à la démolition ! Au Bistrot du Palais, en face du...
nouveau palais de justice et à quelques pas des halles de Lyon, le 10e anniversaire n'a
pas été célébré avec l'enthousiasme habituel. Depuis 3 ans, à la requête de
l'architecte des Bâtiments de France (ABF), une menace de destruction est dans l'air.
Doté de pouvoirs discrétionnaires, l'homme a décidé que la perspective sur la bourse
du travail voisine - un bâtiment de style néo-stalinien à l'intérêt architectural
limité - était perturbée par cette érection sauvage. A grands coups de recours devant
le tribunal, Jean-Paul Lacombe a fait repousser l'échéance...
Le 10 février 1992, ajoutant une unité à ses Bistrot de Cuisiniers, il s'était porté
acquéreur du Duguesclin, un simple restaurant du quartier de la Part Dieu. 7 ans plus
tard, pour ce qui était devenu Le Bistrot du Palais, il décidait l'aménagement d'une
terrasse fermée : les travaux débutaient. Une autorisation verbale de la municipalité
semblait alors suffisante. Point de permis de construire ? Sans doute. Mais qui en demande
à Lyon pour édifier une véranda sur l'espace public ?
Longtemps dans la ville, on a fonctionné à la bonne franquette et dans une joyeuse
pagaille. Une poignée de main, une bouteille de champagne pour sceller l'accord tacite :
nul ne semblait se plaindre de la procédure. A l'exception de l'ABF, qui, à défaut de
se pencher sur le cas de nombreuses terrasses construites dans des conditions similaires,
semble s'être polarisé sur celle de Jean-Paul Lacombe.
"Il n'y a jamais eu de vraie politique en la matière et l'on a longtemps
procédé n'importe comment", admet Georges Sorel qui, au sein de la nouvelle
équipe municipale arrivée en mars 2001, a hérité du dossier au titre d'adjoint chargé
du Commerce et de l'Artisanat. "C'est un peu l'anarchie et certains
établissements sont pénalisés par rapport à d'autres. En fait, s'il existe à Lyon une
trentaine de terrasses fermées, deux seulement disposent d'un permis de construire en
bonne et due forme. Les autres ont bénéficié d'un accord plus ou moins oral",
ajoute-t-il.
C'est bien sur ce genre d'éléments que s'appuient les avocats de Jean-Paul Lacombe qui,
s'ils admettent la faute de leur client, plaident sa bonne foi dans la mesure où "tout
le monde a fait comme lui".
En 1999, le tribunal de Lyon n'a pas été sensible aux arguments développés, et la
destruction de la terrasse a été ordonnée. L'appel a permis de sauver la trentaine de
places ainsi créées. Et le 29 mai dernier, l'ultime décision a été repoussée au 25
septembre 2002.
Présent dans l'enceinte du tribunal où les défenseurs de Lacombe l'avaient fait citer
comme témoin, l'ABF n'est pas revenu sur sa décision initiale. "En constatant
que cette terrasse de 40 m2 s'édifiait sans consultation aux abords immédiats d'un
bâtiment historique, nous avons demandé sa destruction. Une demande préalable doit
être faite et cela n'a pas été le cas. Cette construction masque l'alignement de la
rue, et comme moi, la direction de l'Equipement a ordonné la destruction de la
construction litigieuse. Je rends donc un avis défavorable à la réalisation actuelle."
Des projets architecturaux
Le discours n'a guère changé. Lorsque nous avions rencontré Pierre Franceschini,
l'homme voulait balayer sa réputation de "grand méchant" pour
s'attacher à un "rôle de conseil" beaucoup plus important à ses yeux.
"Ma mission essentielle est d'insérer les projets architecturaux dans le milieu
environnant et d'émettre des avis quand les constructions se situent dans un rayon de 500
m autour d'un monument ou site historique", dit-il. Soit. Mais la bourse du
travail n'est pas le seul à Lyon !
"Notre avis tient compte des caractéristiques du lieu, des perspectives dans
l'environnement. Il y a rupture de l'alignement urbain et le traitement du
rez-de-chaussée vient masquer l'architecture de l'immeuble du XIXe siècle."
Sans doute. Mais est-ce le seul cas à Lyon ? "La question se pose dans quelques
cas. Chaque lieu, chaque projet est différent. Il n'y a aucune notion d'avis subjectif ou
personnel mais par rapport à l'intérêt du lieu. Il semble difficile d'avoir une
généralisation car la demande commerçante est très disparate. Le lieu reste le point
essentiel."
Tout le discours du représentant du ministère de la Culture est là. Et si l'on évoque
le cas de Paris où les disparités semblent encore plus grandes, le problème est éludé
: "On ne peut pas comparer : l'objectif n'est pas de vouloir ressembler à une
autre ville. Chacune a ses traditions et ses spécificités."
Pour Jean-Paul Lacombe, sur le gril depuis 3 ans, le discours passe mal. Il a le net
sentiment que le fonctionnaire est doté de tous les pouvoirs et s'acharne sur son cas !
"La loi est claire, soit. Mais pourquoi l'applique-t-on seulement dans ce cas
précis ?
Y aurait-il deux justices ? Je suis en droit de me demander s'il n'y a pas de comptes
à régler à mon égard (1). Je suis révolté qu'un homme représentant une
administration dispose d'autant de pouvoirs et qu'il n'y ait aucune concertation possible
: ce n'est pas ma vision du service public. Alors j'éprouve un réel sentiment
d'injustice."
C'est ce qui a été développé à la barre. Alors que l'avocat général s'est
félicité que "l'esprit des paillotes ne gagne pas Lyon", l'avocat de la
défense a simplement fait remarquer qu'alors elle est censée être aveugle "dès
lors que la justice ne s'applique pas de la même manière à tous les citoyens, elle est
injuste", avant de s'interroger sur ce qu'apporterait "le fait de
démolir cette construction".
Les mots ont porté, et l'exécution de la sentence a été reportée. On sait d'ores et
déjà que le jugement, qui sera rendu le 25 septembre prochain, sera suivi avec attention
du côté de l'Hôtel de Ville de Lyon. Outre le fait que le maire doit contresigner une
éventuelle demande de démolition, son adjoint avoue être "condamné à attendre
le jugement. Avant d'émettre l'idée d'établir une sorte de charte avec l'architecte des
Bâtiments de France. Utopique ?"
J.-F. Mesplède zzz22v
(1) Toujours à propos de travaux "contraires à la logique de l'alignement urbain des façades", dont il semble avoir fait son cheval de bataille, l'ABF avait également montré du doigt les réalisations de Jean-Paul Lacombe dans 2 autres de ses bistrots : Maison Villemanzy à Lyon et Terrasse Saint-Clair à Caluire.
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L'Hôtellerie n° 2775 Hebdo 27 Juin 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE