En 1992, le chef du Lucas Carton, à Paris, décide d'ouvrir un nouveau dialogue à table : un vin pour chaque plat.
Créations et grands classiques se partagent la nouvelle carte du restaurant Lucas
Carton. Alain Senderens y déploie non seulement un savoir-faire inégalé mais aussi le
résultat de 10 ans d'émotions.
L'expression n'appartient qu'à lui, ne revient qu'à lui, ne s'applique qu'à lui : faire plaisir au vin. Drôle d'ambition pour un homme dont la cuisine émoustille et réjouit les palais les plus difficiles de la planète depuis de nombreuses années. Il y a tout juste 10 ans cependant, le cuisinier, sans se remettre en question, se laisse porter par de nouvelles découvertes et une irrésistible attirance pour le monde du vin, qu'il connaissait jusque-là "sans connaître". Petit à petit, avec un talent et une patience d'orfèvre, le voici qui "explore la palette aromatique des vins de France et leur forme" en proposant un vin pour chaque plat. Il compose autour d'une cuvée qu'il va devoir parfois attendre plusieurs années, "respectant" ainsi "l'antériorité du vin", lui donnant une légitimité différente... ou retrouvée. Sa démarche "s'attache à l'essence même de la construction aromatique d'un vin et de ses correspondances gustatives, de densité et de forme. Car chaque vin, ajoute Alain Senderens, possède son histoire aromatique ainsi qu'un goût d'époque. Et la nôtre est riche en bouteilles sollicitant la compétence d'un chef au service du dégustateur."
Courtoisie
Il appelle cette "construction" une "cuisine de courtoisie".
Un parcours initiatique, qui se révèlera d'une richesse incomparable, d'une véhémence
inégalée. Parmi ses plus beaux souvenirs : l'association d'un champagne Dom Pérignon
vintage 85 et d'une polenta aux truffes noires, "l'onctuosité de la polenta et la
finesse du champagne s'enroulent pour terminer sur un feu d'artifices de saveurs"
commente l'artiste. Ou encore un puligny-montrachet 1969 1er cru, domaine Leroy, avec un
foie gras de canard et cèpes cuits sur un tapis de mousse en papillote. Ou un rivesaltes
cuvée Aimée Cazes 1975, domaine Cazes, avec une meringue à la menthe poivrée et sa
glace à la réglisse. Parmi ses accords fromages et vins les plus précis, les plus
réussis : un comté (48 mois) avec son pain aux noix et un côtes du jura 1990 domaine
Rolet, une fourme d'Ambert avec sa brioche épicée aux cerises noires et un porto
Graham's vintage 1990, un maroilles "crayeux à cur" avec son pain
Poilâne toasté, tranché épais sans croûte et un champagne Krug collection 1964...
Insatiable bosseur, passionné à l'extrême, ou plus humblement heureux et désireux de
faire partager des saveurs uniques, Alain Senderens a souhaité marquer d'une carte
d'exception sa décennie de quête. Deux grands banyuls accompagnent le canard Apicius
(plat de l'époque romaine...), le châteauneuf-du-pape château de Beaucastel 1985 de
J.-P. et F. Perrin est associé à un Lièvre à la royale (d'après la recette d'Antonin
Carême pour le prince de Talleyrand), le condrieu coteau de vernon 2000 de G. Vernay est
présenté avec un Homard de Bretagne et sa polenta crémeuse au corail, le saint-joseph
blanc 2000 de Bernard Gripa s'exprime, sur un Filet de rouget meunière et sa tapenade
d'olives noires, câpres, zestes de citrons jaunes et sa fougasse... Autant de 'coups de
cur'. Autant d'émotions. Entre autres.
S. Soubes zzz46f zzz422v
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L'Hôtellerie n° 2792 Hebdo 24 Octobre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE