Il a fallu l'annonce par le groupe Accor de son désengagement des Antilles françaises
pour que devienne enfin préoccupante une situation qui date de... 30 ans !
Lorsque les pouvoirs publics ont voulu développer le tourisme en Martinique et Guadeloupe
au début des années 70 afin de sortir la Caraïbe française de la quasi monoculture de
la canne à sucre et de la banane, les plages de sable blond ourlées de cocotiers bercés
par les langoureux alizés ont donné des idées. La carte postale était jolie, et ma
foi, avec quelques hôtels en bordure de mer, des routes goudronnées pour y accéder et
de jolies Créoles coiffées de madras, on devrait bien arriver à faire quelque chose.
Et cela n'a pas trop mal marché au début, avec la bénédiction des élus locaux, des
investisseurs publics et privés (parfois les mêmes ? passons), et l'enthousiasme des
nouveaux convertis à un secteur économique prometteur moins traditionnel.
Il y avait bien eu quelques signes de réticence, qui furent vite balayés par les
perspectives du vaste marché européen et du Canada français où les investissements en
marketing furent significatifs. Nul ne s'inquiéta du départ du groupe Hilton de
Fort-de-France, alors que la compagnie américaine est réputée pour la pertinence de ses
choix en matière d'investissements.
Et ce furent les ouvertures multiples, Méridien bien sûr, à l'époque aux ordres d'Air
France, donc des pouvoirs publics, mais aussi Frantel, PLM, Novotel, puis Fram, Nouvelles
Frontières, sans oublier le Club Med présent depuis longtemps dans la région. Et puis
on commença à compter les dépôts de bilan, les reconversions en catastrophes, les
déclassements,les chutes vertigineuses du haut de gamme vers les prestations dites de
masse : qui se souvient de la Plantation Leyritz quand Valéry Giscard d'Estaing,
président de la République, y recevait son homologue américain Gérald Ford ? C'était
il y a très longtemps...
On avait simplement oublié quelques données élémentaires pourtant faciles à prendre
en compte : absence de formation aux métiers de l'hôtellerie et du tourisme, inexistence
totale de sens de l'accueil, infrastructures insuffisantes, 'décalage' effarant entre les
prix et le niveau de prestations. Encore une anecdote : les clients d'Air France, qui
avaient payé plus de 10 000 francs de l'époque (disons en 1986) pour une semaine de
vacances au Méridien ou à La Vieille Tour étaient transportés dans des 747 'classe
vacances' dont le moindre des charmes, outre la densification des sièges, consistait en
des plateaux-repas qui transformaient l'appareil en fast-food avant l'heure.
Enfin, et il faut saluer le courage de notre secrétaire d'Etat au tourisme d'avoir
stigmatisé le comportement de certains, les principaux intéressés n'ont pas saisi
l'importance de l'enjeu à sa juste valeur : dans des contrées où le moindre village a
donné le nom de Victor Schoelcher à sa place principale, il aurait peut-être fallu
éviter néanmoins de confondre abolition de l'esclavage et suppression de tout travail.
Il est peut-être 'politiquement incorrect' de le souligner, mais ce sont les Antillais
d'abord qui sont victimes de cette inappétence endémique à la tâche.
La question reste entière : le tourisme a-t-il un avenir aux Antilles françaises, un si
beau pays ?
L. H. zzz80
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L'Hôtellerie n° 2795 Hebdo 14 Novembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE