Discrimination raciale à l'embauche
Dans un jugement du 14 novembre, le tribunal correctionnel de Paris a condamné à 4 000 euros d'amende l'hôtel La Villa à Paris pour discrimination raciale à l'embauche.
Si le montant de l'amende est
nettement inférieur à celui infligé au Moulin Rouge pour des faits similaires, le MRAP
(Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) se déclare malgré tout
satisfait de cette condamnation de principe.
Outre le montant de cette amende, la propriétaire de l'hôtel La Villa, Christine
Horbette, a aussi été condamnée à verser à chacun des deux candidats malheureux 150
euros de dommages et intérêts et 100 euros au titre de l'article 475-1 du Code pénal,
ce qui comprend principalement les frais d'avocat.
Les associations qui se sont portées partie civile à l'instance - le MRAP, la Licra
(Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), la ligue française pour la
Défense des Droits de l'homme et du citoyen - ont obtenu respectivement 1 euro symbolique
au titre des dommages-intérêts, mais 300 euros au titre de l'article 475-1 du Code
pénal. Quant à SOS Racisme, il obtiendra aussi l'euro symbolique, mais uniquement 100
euros au titre de l'article 475-1 du Code pénal.
A l'origine de cette affaire, des CV portant la mention 'Black, non' laissés sur le
comptoir de la réception et trouvés par un salarié d'origine africaine, Sébastien
Essindi. Ce dernier adressera une lettre de demande d'explication à sa directrice, lettre
qui restera sans réponse. Pour sa défense, la directrice dira qu'elle n'avait pas pris
au sérieux cette histoire de CV, et c'est la raison pour laquelle elle n'avait pas jugé
utile de contacter son assistant de direction à ce sujet.
Sébastien Essindi composera alors le 114, numéro vert mis en place en mai 2000 par la
Coda (Commission départementale d'accès à la citoyenneté) pour les victimes ou
témoins de discrimination raciale. A la suite de cette plainte transmise au MRAP, sera
diligentée une enquête par le procureur.
Le directeur de l'époque reconnaissait avoir porté ces mentions, mais à la demande de
sa direction.
Lors de cette enquête, qui durera pas moins de 2 ans, les enquêteurs retiendront que 2
salariés de couleur ont été affectés à des postes qui étaient moins en relation avec
la clientèle. Une salariée qui s'occupait du service de la cafétéria, en remplacement
de sa supérieure, s'est vue affectée au service du linge. Quant au salarié à l'origine
de cette affaire, il est passé du poste de réceptionniste à celui du bar, car il aurait
été moins en contact avec la clientèle de l'hôtel. La patronne de l'établissement
aura beau justifier ces changements de poste pour des raisons de réorganisation de son
entreprise, ces arguments ne seront pas entendus.
Il faut dire que le témoignage de 2 de ses salariés sera accablant pour elle. Son ancien
directeur, qui a démissionné depuis, déclarera aux enquêteurs que c'est bien lui
"qui avait fait figurer ces mentions 'Black, non' sur les CV, mais à la
demande de ma patronne, qui venait de reprendre l'hôtel et souhaitait voir moins de
salariés de couleur dans l'établissement". Ce témoignage sera corroboré par
celui de la gouvernante qui a été licenciée aussi entre-temps pour motif économique.
Mais celle-ci considère que la véritable raison de son licenciement consistait dans le
fait qu'elle avait continué à employer des extras de couleur malgré les instructions de
sa nouvelle patronne. Christine Horbette tentera de justifier le licenciement économique
de sa gouvernante par la reprise du poste par elle-même, et de l'attitude de son
directeur qui se retrouvait, suite à cette reprise, passé du statut de responsable à
celui de directeur assistant, mais rien n'y fera.
Les policiers qui enquêtent révéleront que l'hôtel employait de nombreux extras, et
que, suite à la reprise de l'hôtel, une employée noire avait vu ses extras diminuer
fortement et qu'elle avait été remplacée. Son contrat se transformera en CDI, mais en
raison d'une intervention de l'inspection du travail.
Des vérifications seront effectuées auprès d'une société d'Intérim, à laquelle la
société avait recours pour se fournir en extras. L'agence contestera avoir reçu des
directives sur la couleur des salariés, mais l'examen du listing des personnes envoyé
pendant 6 mois montrera qu'aucune personne de couleur noire n'avait été proposée à
l'hôtel. C'est sur l'ensemble de ces faits que l'hôtel La Villa s'est vu condamner par
le tribunal.
P. Carbillet zzz36v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2797 Hebdo 28 Novembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE