Prêt illicite de main-d'uvre
Un couple dirigeant deux entreprises dans l'Ariège a été mis en examen pour marchandage et prêt illicite de main-d'uvre. Ils proposaient des services aux hôtels dans toute la France, ce qui a entraîné la garde à vue de 61 gérants d'hôtel économique, clients de cette société.
Suite à un
contrôle effectué par l'inspection du travail au début de l'année 2002, il a été
constaté que 2 sociétés ariégeoises, VSAD et Maxi Home, se comportaient comme une
agence de travail temporaire sans en avoir le statut. Ces 2 sociétés, dirigées par
Alain Desmassias et son épouse Violette, se sont implantées en 1999 à Tourtouse, dans
une zone de revitalisation rurale de l'Ariège, pour bénéficier de dégrèvements sur
les charges sociales. Pas moins de 2 600 déclarations à l'embauche ont été
enregistrées, mais aucun salarié ne travaillait en Ariège.
Le 19 novembre, une vaste opération de police judiciaire a été menée pour conduire le
lendemain à la mise en examen de ce couple pour marchandage et prêt illicite de
main-d'uvre. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de
gérer. Les sociétés se présentaient comme prestataires de services assurant le ménage
dans des hôtels de catégorie économique situés dans toute la France. Mais selon les
gendarmes de l'Ariège, "elles ne faisaient que le social, salaires et charges".
Toute l'organisation du travail et l'autorité étaient confiées aux gérants des
hôtels. Parmi ces gérants d'hôtel, on trouve principalement des enseignes appartenant
au groupe Accor, Formule 1, Etap Hotel, mais aussi quelques établissements de la chaîne
B & B. Dans le cadre de cette enquête, 76 gérants de l'Hexagone ont été entendus,
61 d'entre eux ont été mis en garde à vue et relâchés le 21 novembre. Ils pourraient
être réentendus en fonction des développements de l'enquête.
A l'initiative de qui ?
L'un des objectifs de l'enquête étant de vérifier si ces procédés sont à
l'initiative des gérants ou s'ils suivaient des directives. Accor déclare qu'il "n'a
jamais donné de directive concernant ces sociétés prestataires de nettoyage impliquées
dans cette enquête".
François Branellec, président de la chaîne B & B, considère qu'il s'est "retrouvé
inclus par erreur dans cette procédure" qui visait essentiellement des hôtels
du groupe Accor, et que certains avaient conclu trop rapidement que la chaîne B & B
appartenait à ce groupe. "Dans cette affaire, nous sommes les lampistes. Nous
avons constaté que parmi nos 6 gérants qui ont été entendus, un tiers du temps de
l'audition est consacré au problème du prêt de main-d'uvre et de marchandage, et
les deux tiers restant, il leur était demandé des informations sur leur statut de
gérant mandataire, et s'ils en étaient satisfaits." Quant aux infractions
reprochées à ces gérants dont il se sent responsable moralement, il rappelle : "Il
faut savoir que dans l'hôtellerie, tout le monde a recours à la sous-traitance pour
faire le nettoyage et depuis longtemps. Mais à partir du moment où vous remettez le
planning de travail à ces femmes de ménage et que vous leur faites des remarques sur
leur travail, elles sont considérées comme vos employées et vous vous retrouvez à
pratiquer du prêt illicite de main-d'uvre." zzz36v
P. Carbillet
Les infractions reprochées |
Il faut savoir que toute opération à but lucratif qui a pour objet
exclusif de prêter de la main-d'uvre est interdite à toute société qui n'a pas
le statut d'entreprise de travail temporaire. Passer outre cette interdiction constitue le
délit de prêt de main-d'uvre illicite qui est passible d'une peine
d'emprisonnement de 2 ans et d'une amende de 30 000 e. Ces sanctions pénales
concernent non seulement l'entreprise qui fournit le personnel, mais aussi l'entreprise
cliente qui utilise ce personnel. Si le fait de prêter du personnel est interdit, en revanche, une entreprise prestataire de services peut envoyer certains de ses salariés dans une autre entreprise exécuter une tâche précise ; il s'agit alors d'un contrat d'entreprise ou de sous-traitance. Dans ce cas, le prêt de personnel à titre onéreux doit être accompagné d'une prestation de services effective (le service d'entretien ou de maintenance informatique, par exemple) pour être licite. Pour que le contrat de sous-traitance ne soit pas requalifié en prêt de main-d'uvre illicite, il faut : w une prestation spécifique fournie, qui doit être différente de l'activité générale de l'entreprise utilisatrice ; w l'organisation des équipes et son encadrement doivent être effectués par l'entreprise de sous-traitance et non par l'entreprise qui utilise ce personnel ; w l'entreprise de sous-traitance doit fournir le matériel ; w le prix payé par l'utilisateur doit être établi sur une base forfaitaire et en fonction de l'objet à réaliser. Il ne faut donc pas de paiement du travail proportionnellement aux heures effectuées. En outre, cette opération ne doit par ailleurs occasionner aucun préjudice au salarié, ni avoir pour effet d'éluder l'application de la loi ou de la convention collective pour les salariés. En effet, cela constituerait le délit de marchandage. Ce délit est puni des mêmes peines que le prêt de main-d'uvre, c'est-à-dire 2 ans de prison et 30 000 e d'amende. Très souvent, les deux infractions de prêt de main-d'uvre illicite et de marchandage sont mêlées, car elles ont le même élément matériel qui est la fourniture de main-d'uvre. Mais dans le marchandage, on prend en considération les effets de cette opération sur le personnel afin de voir si ce dernier ne subit pas un préjudice. zzz36v |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2797 Hebdo 28 Novembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE