Corrèze
Malgré un chiffre d'affaires annuel de plus de 1 Me en 2002, une fréquentation record, et le passage d'environ 500 000 visiteurs par an, l'un des plus réputés restaurants corréziens vient de fermer ses portes.
Ainsi se termine la
belle histoire du Cantou, table reconnue de Collonges-la-Rouge, implantée au cur de
l'un des plus beaux villages de France. Camille et Jacques Breuil, les propriétaires,
affichaient pourtant complet la plupart des week-ends entre avril et novembre dans leur
établissement ouvert au sein de l'un des sites les plus courus de la région, proposant
une cuisine à l'ancienne de très haute qualité. Distingués depuis 1998 par un bib au Guide
Rouge (qui vantait le décor rustique chic, les nappes anciennes, la convivialité du
lieu au passé prestigieux en grès rouge du XVe siècle), ils étaient également cités
dans la plupart des autres grands guides.
La décision - surprenante - du couple Breuil est motivée par un seul souci, celui du
personnel. Employant en pleine saison jusqu'à 17 salariés (dont 5 en cuisine), ils ont
eu à déplorer absences et départs, sans possibilité de trouver des remplaçants
qualifiés.
"Cet été, nous n'avions plus un moment avec seulement 3 personnes en cuisine, et
nous n'arrivions pas, malgré nos recherches, à combler ce vide, explique Camille
Breuil. Nous avons dû fermer plus de 48 heures, alors que les clients se bousculaient
à la porte, et encore, ce n'est là qu'un exemple mineur d'une situation de plus en plus
catastrophique s'apparentant à une véritable galère." Un autre sujet de
mécontentement, la décision prise par la DDE de la Corrèze bloquant la construction
d'un hôtel de 14 chambres imaginé par les restaurateurs, projeté à 5 km de Collonges.
De quoi baisser les bras devant l'accumulation de ces coups négatifs, tandis que, de son
côté, l'activité potentielle allait plutôt croissant.
Une disparition "inéluctable"
"C'est un crève-cur, précise le couple, mais nous ne pouvions plus
répondre aux exigences de qualité que nous nous étions nous-mêmes imposées après
avoir beaucoup investi. Le Cantou ne pouvait plus être le Cantou que nous voulions, et sa
mort devenait inéluctable."
Camille Breuil, ex-infirmière, avait repris en 1990 l'établissement tenu par sa mère,
avec son mari. Ils en avaient fait une table gastronomique qui recevait tout le monde, à
des prix abordables (moins de 20 e le ticket moyen), et sur laquelle s'arrêtaient des
célébrités, comme le couple royal de Belgique. Une aventure rentable, mais, d'après
leurs propos, "de plus en plus difficilement vivable".
"Nous avons tout essayé, se souvient Camille Breuil. Alors que nous
servions 130 à 140 couverts par service, nous faisions les ANPE, les annonces,les divers
services de recherche. Nous ne trouvions que des gens qui voulaient travailler le moins
possible tout en étant payés correctement, ou qui ne savaient rien faire de bon. Les
hommes politiques locaux - qui fréquentaient assidûment Le Cantou - n'ont pas bougé le
petit doigt. C'est désespérant. Dites bien à ceux qui vous lisent que ce métier est en
danger, avec la RTT, les taxes et autres freins à l'expansion, mais je crois qu'ils le
savent déjà. Nous aurions pu continuer sur notre réputation et sur notre impact avec un
emplacement idéal, mais en servant de la mauvaise restauration. Et cela, nous nous y
refusons."
Le Cantou est donc devenu une simple brasserie avec un plat du jour et des menus beaucoup
moins ambitieux, même s'ils restent de bonne qualité, à base de produits du terroir.
Camille Breuil a transformé une partie du restaurant en boutique de souvenirs, d'articles
de bonne facture, de porcelaines et autres productions régionales. Quand le personnel ne
suit plus, la question est de savoir combien de restaurateurs, demain, risquent de
connaître, malgré leur talent, la même fin.
J.-P. Gourvest zzz22v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2806 Hebdo 30 Janvier 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE