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ÉDITO

LA DOULEUR ET LA COLERE  

Une immense tristesse, après le choc de la nouvelle : un ami nous a quittés au moment qu'il a choisi, et ses raisons n'appartiennent qu'à lui. Aussi respecterons-nous cette décision malgré la douleur et la colère que la mort de Bernard Loiseau nous inspire.
La douleur pour la perte d'un être cher et familier. Bernard faisait partie de notre patrimoine et de notre quotidien : avec Paul Bocuse, le mentor des bons et des mauvais jours, ils représentaient sur la scène médiatique toute notre gastronomie, et ce talent de la communication ne pouvait que parfois irriter des pairs tout aussi talentueux, mais moins doués pour le faire savoir. Bernard, c'était l'infatigable militant de l'excellence du travail acharné, l'enracinement dans un terroir, la recherche inlassable d'une inaccessible perfection. Et puis, au-delà de ses immenses qualités professionnelles, celles qui font de quelqu'un 'un grand', Bernard était le meilleur des hommes, avec ses enthousiasmes parfois excessifs, ses 'coups de gueule', sa spontanéité jamais feinte, son attention aux autres, son esprit de famille, sa fierté d'avoir construit sa vie entre La Côte d'Or et Dominique, qui lui avait donné Bérengère, Bastien et Blanche.
Juste un souvenir : lors de l'attribution de sa troisième étoile par le guide Michelin, Bernard fut la vedette du dîner organisé à cette occasion pour tous les nouveaux promus, ça se passait dans les somptueux salons du Ritz, du beau monde content d'être là, bien sûr, quelques 'stars' du showbiz pour faire joli et le 'gratin' de la profession. Bernard nous donna ce soir-là une très belle leçon en demandant à ses parents de l'accompagner sur scène : il avait su garder l'élégance du cœur...
Mais la colère ne s'efface pas complètement après l'issue fatale. Bernard n'avait pas le cuir assez épais, il ne cultivait pas ce cynisme salvateur qui règne dans la finance comme dans les médias. Il est aujourd'hui, hélas, bien inutile d'épiloguer sur les dernières semaines d'agitation et de tumulte autour de la parution des guides gastronomiques, et le jeu des rumeurs auquel se complurent tant de médiocres folliculaires en quête de reconnaissance ou avides d'une notoriété injustifiée : vous avez bien joué, Messieurs, on ne parle que de vous... Mais Bernard ne pouvait s'habituer à la lâcheté. C'est son honneur, respectons-le.
C. B.  zzz80

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L'Hôtellerie Restauration n° 2810 Hebdo 27 Février 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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