Ne le nions pas : la mort
tragique de Bernard Loiseau, au firmament de la réussite professionnelle, interpelle tous
les restaurants et cuisiniers, célèbres et inconnus, des Grands Boulevards comme des
Logis d'Auvergne, artisans modestes et entrepreneurs audacieux. Au-delà de l'inévitable
battage médiatique autour de la disparition de l'un des plus grands et des plus
généreux, un peu plus de retenue s'impose que les gesticulations indécentes que
certains s'autorisent sur les ondes et dans la presse : comme le disait naguère notre
président de la République, "il y en a qui ont perdu une bonne occasion de se
taire".
Il appartient en revanche à la profession de se livrer à une indispensable analyse de
son rôle auprès du public, de son image dans la société, de ses conditions de
viabilité aussi, et, ne le nions pas, de son devenir en tant que secteur économique.
L'Hôtellerie essaie chaque semaine d'éclairer un avenir d'autant plus difficile que
l'horizon s'assombrit singulièrement. Ce n'est pas une raison toutefois pour sombrer dans
un catastrophisme hors de propos. Réfléchir exige, et ce n'est pas facile, d'évacuer
toute passion partisane. Non, Bernard Loiseau n'est pas mort en raison des insinuations
perfides auxquelles un quotidien, d'habitude mieux inspiré, s'est livré sans retenue en
vue de faire la promotion d'un guide en grande difficulté de notoriété. Non, Bernard
n'a pas plié son tablier parce que la conjoncture n'était pas au zénith à Saulieu ces
derniers temps : où le serait-elle, d'ailleurs ?
Alors ? Le métier est de plus en plus dur, y compris pour les meilleurs. La restauration
française a accompli au cours de ces vingt dernières années une formidable mutation
grâce à tous les professionnels, vedettes des médias et obscurs travailleurs
respectueux de leur savoir-faire et de leurs clients : quel pays offre aujourd'hui une
telle diversité dans la qualité de sa cuisine ? Arrêtons l'autoflagellation trop
souvent entretenue par d'irresponsables plumitifs. Au fait, qui se demandera un jour ce
que valent véritablement certaines prétendues critiques lorsqu'on peut lire, pas plus
tard que la semaine dernière, qu'"un plat au restaurant se juge comme un plombage
dentaire" (par pure humanité, on taira le nom de l'auteur de cette affligeante
réflexion) ?
Restaurateurs et cuisiniers, sachez que vous aurez toujours de votre coté le seul juge
authentique, votre client, celui qui apprécie votre établissement, sa cuisine, son
accueil, son cadre et... vous, par la même occasion.
Et pour vous remonter le moral, souvenez-vous de Voltaire, qui aimait tant les plaisirs de
la vie : "Il y a plus à profiter dans douze vers d'Homère que dans toutes les
critiques qu'on a faites de ce grand homme."
L. H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 2811 Hebdo 6 Mars 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE