La chambre syndicale de la Haute Cuisine française dénonce les agissements des guides et des critiques. Des chefs tentent d'organiser une fronde et les critiques de contre-attaquer.
La lettre interne,
envoyée jeudi 27 février aux membres de la chambre syndicale de la Haute Cuisine
française, n'avait pas vocation à faire les gros titres des journaux. Diffusée pourtant
par l'AFP, suite à une fuite (d'un adhérent non-solidaire de la démarche ?), reprise
par les quotidiens Libération et Le Figaro, elle alimente depuis une
semaine la polémique relative aux relations entretenues par les chefs de cuisine et les
médias, la presse et les guides en particulier. Dans cette lettre, Jacques Pourcel, le
président de la CSHCF, demande aux quelque 70 membres cuisiniers de manifester leur
mécontentement aux guides et critiques gastronomiques, responsables, selon lui, du
suicide du chef de La Côte d'Or (3 étoiles au Guide Rouge), Bernard Loiseau.
"On ne peut accepter que des guides ou des journalistes puissent amener des hommes
doués au désarroi tel qu'ils en viennent à se donner la mort", écrit Jacques
Pourcel (lire encadré ci-dessous), s'engageant à
transmettre les réactions des cuisiniers au Figaro, l'un des principaux supports
visés. Bien connu de tous les professionnels, craint par eux, mais aussi très fortement
sollicité, le journaliste François Simon, qualifié de "chien" dans la
missive, fait le premier les frais de cette fronde, ayant évoqué, pour Bernard Loiseau,
la perte hypothétique d'une étoile dans le Guide Rouge 2003, ce qui ne s'est pas
produit. Seul revers pour La Côte d'Or : la baisse de la note de 19 à 17 dans le GaultMillau,
autre parution en ligne de mire de la fronde.
"Omerta"
"Un vent souffle sur la presse gastronomique et c'est tant mieux, commentait
lundi, Jaques Pourcel. Je n'ai rien contre les journalistes et la presse gastronomique,
mais il faut mettre une fin à une certaine forme d'omerta. J'ai repris dans cette lettre
les réactions de nombreux cuisiniers professionnels, c'est tout." Le chef
triplement étoilé du Jardin des Sens à Montpellier (avec son frère jumeau Laurent) a
ajouté que "la chambre allait se réunir cette semaine et qu'un communiqué
serait diffusé dans la foulée". A l'heure où nous bouclions notre journal, la
réaction officielle du conseil de direction du guide GaultMillau n'était pas
encore arrêtée. Patrick Mayenobe, directeur exécutif du guide, qui se disait surpris
par l'attitude de "gens qui en ont largement profité", a simplement
déclaré : "Chaque année, le GaultMillau met en avant la capacité de
renouvellement d'un chef, sa créativité. Le fait d'enlever 2 points à la note de
Bernard Loiseau, c'était une façon de dire 'attention, tu mets de côté ta
créativité', mais jamais de porter atteinte à son talent."
Lundi soir, le journaliste François Simon déclarait à L'Hôtellerie qu'il
entendait porter plainte pour "diffamations et injures publiques à l'encontre de
M. Jacques Pourcel". "J'ai fait des papiers purement informatifs. Quand
j'ai écrit que certains restaurateurs risquaient de perdre 1 étoile, personne n'a
sursauté. La disparition de Bernard Loiseau n'est pas liée à cela, même si les écrits
ont pu l'affecter. Son décès est à replacer dans un autre contexte, et seule sa femme a
su en parler dans les termes les plus choisis", commente-t-il. La veille de
l'enterrement du chef de Saulieu, François Simon écrivait dans Le Figaro : "Un
grand restaurant s'efforce d'être toujours au sommet, il ne peut y rester constamment, ou
alors entre dans des sphères de glaciation passablement ennuyeuses. Voilà pourquoi aussi
des tables comme celle de Bernard Loiseau ont de bons moments et de moins bons. Est-ce
scandaleux de l'écrire ? Non, il s'agit juste de rappeler que, lorsqu'un repas est
fabuleux chez un chef (comme on le lit souvent), cela reste un grand moment d'émotion,
mais un moment rare, unique."
L. Anastassion zzz22v zzz16
La lettre : morceaux choisis
"On peut l'affirmer, ce sont les journalistes qui ont tué Bernard Loiseau."
A propos de François Simon : "Par deux fois, il a écrit que Loiseau était sur la
balance pour perdre la troisième étoile du Guide Rouge. De quel droit 'ce chien' va-t-il
se promener dans nos établissements avec une caméra cachée !"
A propos du GaultMillau : "Ils ne savent plus quoi inventer pour relancer des ventes
qui ne cessent de baisser."
Le débat est ouvert
Vous êtes d'accord avec l'initiative de la CSHCF. Au contraire, vous trouvez que les
guides et les critiques font plutôt bien leur travail. Vous pensez que les professionnels
ont une part de responsabilité dans le jeu avec les critiques.
Alors réagissez et envoyez vos lettres par e-mail : lhotellerie@lhotellerie-restauration.fr
Témoignages
Émotion de recueillement aux
obsèques de Bernard Loiseau
Article précédent - Article suivant
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
Rechercher un article : Cliquez ici
L'Hôtellerie Restauration n° 2811 Hebdo 6 Mars 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE