du 3 avril 2003 |
RESTAURATION |
Un cuisinier peut-il servir une vraie cuisine pour 11,50 e ? Vincent Chirat le démontre à la satisfaction d'une clientèle qui se bouscule au Petit Frère.
Vincent Chirat : "Je gagne ma vie et ne cherche pas à être
millionnaire."
Jouer la carte de
la qualité à prix doux peut parfois s'apparenter à une tentative de résoudre le
problème de la quadrature du cercle. Coût de la matière première, contraintes liées
à la durée de travail du personnel et au loyer, ratios à respecter pour que l'affaire
reste rentable et, à défaut, d'autoriser à mener la grande vie, permettre de vivre.
Tout simplement.
A l'heure des comptes, tous les facteurs sont à mettre dans la balance. Depuis son
installation à Lyon en septembre 1999, Vincent Chirat s'y est employé. Son parcours est
rectiligne, sa trajectoire prévisible. Première étape à Saint-Jean-la-Bussières. Il a
14 ans et envie de réussir les fritures et omelettes du menu de l'Auberge de la Vallée. "C'était
agréable à faire. J'avais beaucoup de libertés et j'évoluais au fur et à
mesure." L'apprentissage se poursuit à l'Hôtel de la Poste de Montagny, à une
quinzaine de kilomètres de Roanne. La maison est plus cotée, le travail plus technique
et le métier rentre. Ce sont ensuite le CFA de Mably, le Domaine du Moulin Blanc à
Cavaillon où Vincent découvre de nouveaux produits aux côtés de Bruno Thierry qu'il
suit lorsqu'il s'installe dans l'Ardèche, à Chomerac. La grande rencontre est encore à
venir. Celle de Stéphane Gaborieau, copain de Thierry qui lui a recommandé son commis.
Vincent Chirat débarque aux Eaux Vives, le restaurant de l'Hôtel Lyon Métropole. Il se
rend ensuite à la Chèvre d'Or à Eze-Village et au Chanteclerc de Le Stanc à Nice avant
le retour à Lyon, avec Gaborieau, désormais chef étoilé des Terrasses de Lyon, et
Bernard Mariller formé à l'école Lameloise, au Gourmet De Sèze quitté en septembre
1999.
La main à la pâte zzz22v
"Je pensais depuis un moment à m'installer. A 26 ans, il me semblait raisonnable
de l'envisager et j'ai saisi l'opportunité." Il rachète une pizzeria, fermée
depuis un an. Pour les travaux de rénovation, le chef met la main à la pâte et
travaille en famille. Le choix du nom du restaurant s'impose comme une évidence : Petit
Frère, le surnom que donnait sa grand-mère au cadet d'une famille de 3 frangins.
"Mon souci était de disposer d'une structure pour travailler des produits
classiques. Je voulais faire une cuisine de tradition française : ce que j'avais appris
et qui me venait à l'esprit."
5 cartes par an, celle d'été jusqu'à fin septembre et celle d'automne très courte. Un
choix judicieux des matières premières et une volonté bien arrêtée de proposer des
prix doux et de toucher "tout le monde". Avec un menu à 11,50 e, le pari
de la rentabilité est audacieux. "Il est primordial de savoir acheter : alors
j'achète les premiers prix, et grâce à l'expérience acquise auprès de chefs qui
étaient heureux de m'apprendre, je fais tout moi-même. Je travaille en fonction de mon
inspiration et selon les achats, avec l'impératif de ne pas dépasser (3,07 e)
pour tout le menu."
A ce tarif-là, il ne faut pas se tromper. Vincent Chirat s'y emploie et séduit la
clientèle qui, à 85-90 %, opte pour sa première proposition, et le Petit Frère tourne
à la moyenne quotidienne de 72 couverts. "Ce n'est pas un produit d'appel puisque
ce menu est également servi le soir. Je gagne ma vie en faisant comme ça et je fais ce
qui me plaît. Le Petit Frère m'a mis le pied à l'étrier, mais je sais qu'un jour
j'aurais envie de m'agrandir, de monter les échelons. C'est un choix, comme celui d'avoir
trois salariés qui travaillent dans une bonne ambiance. Ils sont aux 39 heures, parfois
un peu moins."
Pour lui, le quotidien est différent : marché au petit matin, mise en place, service du
déjeuner, courte pause pour récupérer, mise en place du soir et service. Fermeture
hebdomadaire le samedi midi, le dimanche et le lundi. Marié depuis le mois de juillet
2001 à Christelle, Vincent n'a jamais envisagé qu'elle le rejoigne dans l'affaire. Même
si elle se charge de la comptabilité et de l'administratif, elle a conservé son métier
de fonctionnaire en milieu hospitalier. "C'est plus stable pour notre vie de
couple." Heureux en ménage et dans son travail, Vincent Chirat avoue qu'il ne "s'est
jamais autant épanoui que depuis qu'il est à son compte". Tout va pour le
mieux, au point qu'il envisage de réinvestir l'année prochaine dans son outil de
travail.
Son secret tient à l'évidence en ces quelques mots lâchés : "Je fais un
métier qui me plaît, je gagne ma vie et je ne cherche pas à être millionnaire."
L'investissement : 15 245 e pour le rachat d'une affaire d'une cinquantaine de places et 15 245 e de travaux avec l'aide de la famille. "La banque (Crédit Agricole) m'a suivie", explique Vincent Chirat qui a longtemps prospecté - "je tournais à vélo et j'ai dû visiter 80 restaurants" -, avant de trouver l'affaire idoine. Un petit prêt sur 6 ans et un loyer mensuel très bas (460 e). Les chiffres :
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L'Hôtellerie Restauration n° 2815 Hebdo 3 Avril 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE