du 5 juin 2003 |
À LA LOUPE |
Un mois après son ouverture, L'Atelier de Joël Robuchon se dresse en temple de la gastronomie décontractée où les clients attendent en moyenne 1 heure. Mais le concept devrait se multiplier à Paris, ce qui devrait le rendre plus accessible par un plus grand nombre.
L'Atelier, une sorte de best of des tendances du moment et à venir...
A au 5, rue de Montalembert, dans le VIIe arrondissement de Paris, Joël Robuchon a mis de l'animation malgré lui. Depuis le 7 mai - date de l'ouverture -, les passants s'étonnent de ces gens qui font la queue devant ce cube de verre noir posé à même le trottoir sous l'hôtel Pont-Royal. Des curieux s'arrêtent pour jeter un il à la carte. Les plus courageux attendent 1 heure en moyenne devant la porte. Les familles avec enfants font demi-tour illico. Quelques rares (un passe-droit réservé aux très proches de Robuchon, dit-on) entrent directement. Sur la porte d'entrée, un panneau rouge indique que le restaurant est complet et que le temps d'attente sera de 90 minutes. Réservation impossible pour l'instant. Ce dimanche matin, vers 12 h 30, une dizaine de personnes attendent devant la porte. En cas d'averses, il n'y a pas d'abri pour les clients. Les plus motivés se disent que c'est la règle du jeu. Un 'Robuchon' (75 e environ) se mérite. L'hôtesse d'accueil tient plutôt du rôle de cerbère ou de physionomiste, à l'exception qu'ici, la sélection ne se fait pas à la tête, ni au look du client, mais au nombre. A chaque fois qu'elle ouvre la porte, les probabilités tombent : 3, 1, 2... selon le nombre de places disponibles côte à côte au bar. Moins on est nombreux et plus on aura la chance de passer vite... et de passer devant les autres ! Du coup, l'accueil glacial s'impose pour éviter toute négociation. Dans la file d'attente, entre clients, les langues se délient, les blagues fusent, les alliances s'arrangent. "Vous êtes à 3, je suis toute seule, donc si elle dit 4, on y va...", dit une dame âgée qui attend depuis 2 heures. Pour la convivialité, Robuchon a vu juste.
En chiffres w Carte |
Le vrai spectacle, c'est le produit
A 13 h 45, l'antre s'ouvre. "C'est à vous", sourit l'hôtesse comme si
elle venait de découvrir l'existence de notre petit groupe. Une espèce d'euphorie
envahit tous ceux qui franchissent cette porte. Entrée dans l'univers Robuchon de la
gastronomie décontractée et méritante, acharnée, et finalement reconnaissante, à
l'image de l'histoire du maître. Une façon de rappeler que rien ne s'acquiert avec
facilité. D'ici, rien ne sort, rien n'entre par hasard. Ni les clients, ni la lumière du
jour, ni les informations (le restaurant ne nous a pas permis de prendre des photos, ni de
rencontrer Joël Robuchon), ni les communications téléphoniques. Ni le chef de sa
cuisine. Même pour récupérer une carte de visite du restaurant, on attend devant la
porte. Et l'on voit à peine ce qui se trame à l'intérieur, à peine devine-t-on la
silhouette de Joël Robuchon, ultra concentré. Ici, pas de tables, mais un bar
géométrique design de 37 places qui entoure la cuisine ouverte et centrale, séparée
d'un couloir pour le service. Le ballet des silhouettes (tout le personnel est habillé en
noir) défile sous nos yeux. On en oublierait presque que la cuisine est à quelques
mètres à peine tellement ils sont discrets. Le spectacle est sous nos yeux, mais la
scène n'est pas très éclairée. Le décor, sobre, signé Pierre-Yves Rochon, est fait
de granit scintillant noir, de hauts tabourets avec dossiers en cuir rouge, de sets de
table noirs, de vaisselle blanche, de verres rouges, de bois indiens sombres, de bambous
et de lys blancs, de beaux produits frais en vitrine : fraises, langoustines, saumon,
pains, conserves de fruits, jambons suspendus... Le produit est roi, mis en exergue par un
spot qui éclaire chaque assiette devant soi. Une belle métaphore de Robuchon pour
rappeler que le vrai spectacle, c'est le produit. "Ça va ? Vous n'avez pas trop
attendu ?", s'enquiert le sommelier à un habitué. Il règne une espèce
d'humeur gaie, feutrée mais dynamique, sans brouhaha (et entièrement non-fumeurs),
favorisée par l'agencement du comptoir. Tant avec le service qu'avec les autres clients,
la convivialité est immédiate. Rien à voir avec un restaurant gastronomique
'classique'. Et la carte est un poème. Les clients apprécient. Une fois assis, ils n'ont
plus envie de partir. Certains sont là depuis plus de 2 heures. Les meilleurs moments
pour se rendre à L'Atelier : en semaine vers 14 heures ou 23 heures et le dimanche
midi... Et pour la suite, le restaurant va installer un salon d'attente jouxtant l'hôtel
Pont-Royal. 7 ans après son retrait de la cuisine 'en direct', Joël Robuchon revient,
inspiré par la culture japonaise, les phénomènes de consommation de notre époque, des
produits de qualité, une cuisine simple, du spectacle face aux clients, de la
convivialité et de la proximité, des talents (Philippe Braun, Eric Lecerf et Eric
Bouchenoire), des prix abordables, bref, une sorte de best of des tendances du moment et
à venir... L'ambition et la cuisine de Joël Robuchon sont toutes deux mondiales. Avant
Paris, il a déjà ouvert un autre Atelier à Tokyo. Le 'Papa', comme on le surnomme, est
à son Atelier parisien tous les jours de 10 heures à 2 heures du matin. Et penserait à
décliner ce concept dans d'autres adresses à Paris. Et en attendant, rien de tel qu'une
adresse où l'on se bouscule pour faire monter la sauce... La simplicité n'est pas une
mince affaire, mais elle est le plus beau luxe.
K. Kulawick zzz22v
L'Atelier de Joël Robuchon
5, rue de Montalembert
75007 Paris
Tél. : 01 42 22 56 56
(Ouvert de 11 h 30 à 15 h 30 et de 18 h 30 à minuit)
À la carte La carte zoome sur une trentaine de miniplats
de dégustation, entre 6 et 18 e. Un peu plus qu'une bouchée, un peu moins qu'une
entrée, dans l'esprit bar à tapas et sushi bar version zapping et nomadisme, mais d'une
élégance sans faille. Les plats, exécutés à la commande, arrivent rapidement et
chacun a un support unique. "Il y a de l'inspiration Girardet là-dedans",
déclare Jean-Michel, un adepte et fidèle client de Robuchon. Du Gaspacho de tomate aux
croûtons dorés (6 e) à la Côtelette d'agneau de lait à la fleur de thym (18 e), les
plats de dégustation offrent un large panel de saveurs. L'uf cocotte à la crème
légère de morille est un délice, tout comme le Tourteau en rouelles d'avocat aux
pommes, et chacun réserve une saveur, un parfum, une texture qui détone, comme ce
Fondant de légumes en gelée. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2824 Hebdo 5 Juin 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE