du 3 juillet 2003 |
L'ÉVÉNEMENT |
C'est fini : le restaurant Les Loges, que le guide Michelin avait distingué d'une étoile en mars dernier, fermera ses portes le 30 septembre prochain. Pour L'Hôtellerie, Georges-Eric Tischker, gérant de la Cour des Loges, justifie ce choix stratégique et économique.
À Lyon, c'était
devenu une rumeur persistante : le divorce devait être prononcé entre la Cour des Loges
et Nicolas Le Bec, chef talentueux et gérant non salarié (1) du restaurant de l'hôtel.
Le 27 juin 2003, un bref communiqué confirmait l'information distillée par 'radio
casseroles' : au terme de 3 ans, le contrat de location-gérance liant les deux parties ne
sera pas renouvelé le 30 septembre prochain. Une "vision non partagée sur la
gestion de la restauration d'hôtellerie" est à l'origine de cette "décision
stratégique".
"Notre clientèle hôtelière est diverse. En schématisant, business en semaine,
haut de gamme le week-end. Et nous voulons que notre offre en restauration corresponde à
ses besoins, c'est-à-dire un service de petits-déjeuners qualitatif, un room service
24h/24 et un bar ouvert 7j/7 avec de larges plages horaires. Tout cela était
difficilement compatible avec la stratégie de haute gastronomie et le produit élitiste
mis en place par Nicolas Le Bec", explique Georges-Eric Tischker, dont le souci
est de recentrer les choses, de travailler en direction des séminaires, et de miser sur
une restauration plus légère. Difficile en fait de conjuguer haute gastronomie avec les
lourdeurs (frais, personnel...) que cela suppose et une vraie rentabilité. "Nous
avions fait le choix du haut de gamme payé en 2002 par un titre de Chef de l'année pour
Nicolas, et par 1 étoile au Michelin l'année suivante. Mais il y avait divergence
entre cette option et les services dus à la clientèle de notre hôtel. Lorsque nous
avions travaillé sur la comptabilité analytique, nous avions constaté que la caféterie
et le bar gagnaient de l'argent. Il n'en était pas de même du restaurant où le
problème de la perte d'exploitation est lié aux frais de personnel et à l'achat de
marchandise haut de gamme. C'est sans doute indispensable, mais il y a inadéquation entre
le produit ainsi proposé et le service minimum que nous devons aux clients de
l'hôtel", dit-il encore. Ceci expliquant cela, il n'y aura plus de haute
gastronomie à partir du 1er octobre - "qui aurait pu passer après Nicolas
?", souligne Georges-Eric Tischker , mais un service 'classique' pour un hôtel
de ce niveau. "Je comprends le positionnement de Nicolas Le Bec, mais nous allons
nous recentrer sur la clientèle de l'hôtel. Par rapport à l'image que nous avions, cela
posera un vrai problème car les distinctions nous avaient apporté une vraie notoriété,
mais nous communiquerons en direction des clients pour leur expliquer ce qu'ils trouveront
désormais. Et nous serons capables d'orienter ceux qui cherchent de bonnes tables vers
les meilleurs talents de la ville... y compris chez Nicolas dès qu'il sera
installé."
En précisant que, dans le groupe, on "sait faire" et que l'on ne passera
pas demain au 'jambon-purée'. Georges-Eric Tischker précise que la cour intérieure,
aujourd'hui encore restaurant, perdra cette vocation pour accueillir petits-déjeuners,
cocktails, manifestations culturelles et artistiques. Et que le Café Epicerie, créé par
Nicolas Le Bec, sera désormais le restaurant sous l'enseigne Bistrot de la Cour.
"En reprenant la location-gérance, je reprends également l'ensemble du
personnel. Il sera reclassé en interne à travers le renforcement des équipes de
caféterie et de bar. Pour ceux qui sont plus marqués par la haute gastronomie, nous
verrons au cas par cas. Il y a rupture c'est vrai, mais nous souhaitons désormais que
tout se passe le plus naturellement entre nous. Il y a eu des tensions et chacun reprend
sa liberté. Pour nous, il s'agit du problème économique d'un ensemble, davantage que
d'un problème de personnes."
Le choix de la Cour des Loges signifie-t-il pour Georges-Eric Tischker que, dans des
établissements comme le sien, la haute gastronomie est fatalement condamnée ? "Je
ne peux pas parler pour mes confrères. Je sais, c'est certainement difficile pour les
jeunes chefs qui veulent conquérir des étoiles. Mais quand je vois nos comptes, et même
si l'on oublie l'investissement initial, je constate simplement que nous avons du mal à
équilibrer."
J.-F. Mesplède zzz22v
(1) Il percevait un salaire de consultant de la Compagnie des Hôtels de Montagne pour qui il supervisait toute la restauration.
La cour intérieure perdra sa vocation de restaurant haut de gamme pour
accueillir cocktails et petits-déjeuners, mais aussi manifestations culturelles et
artistiques.
En chiffres Le 1er juillet 2000, la Sigestel (1) de Jocelyne et Jean-Louis Sibuet et Georges-Eric Tischker s'associait (70 % pour les premiers nommés, 30 % pour le second) au sein de la SAS Siti (2) pour la reprise de la Cour des Loges. Pour le rachat de ce luxueux hôtel du vieux Lyon, 3,05 Me (20 MF à l'époque) étaient investis. Les années suivantes, 915 000 e supplémentaires étaient injectés dans la réfection des chambres, des parties communes et des cuisines du restaurant Les Loges, créé le 1er octobre 2000. Pour la circonstance, la Cour des Loges signait un contrat de location-gérance avec la Société Restaurant Les Loges (50/50 entre Nicolas Le Bec d'une part, Jean-Louis Sibuet et Georges-Eric Tischker d'autre part). Pour le 1er exercice (en 2001), Les Loges affichaient un CA de 1,350 Me HT avec un résultat négatif de 200 000 e. Pour le second (en 2002), un CA de 2,025 Me avec un résultat négatif de 98 000 e. L'équilibre était espéré pour le 3e exercice. Pour la Cour des Loges - dont les résultats d'exploitation sont positifs depuis la reprise par Sibuet-Tischker -, le CA est de 3 Me pour 2002 et devrait flirter avec les 3,4 Me en 2003 avec un prix moyen de 235 e (en 2002) et 225 e (en 2003), et un taux de remplissage passant de 56,8 % (en 2002) à 64 % (en 2003). (1) C'est la société d'exploitation de la Compagnie des Hôtels de Montagne, avec 4 établissements à Megève (Fermes de Marie, Lodge Park, Mont Blanc et Coin du Feu), à Menerbes (Bastide de Menerbes et exploitation viticole) et Saint-Tropez (Villa Marie). Le groupe (100 % famille Sibuet) compte aussi 2 chalets à Megève et 3 maisons à Menerbes. (2) Ce pourrait être 'city', puisque l'objectif avoué est l'implantation en ville : Strasbourg dans un premier temps à l'horizon 2005, puis Paris, voire Marseille selon les opportunités. |
Vos réactions : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
Rechercher un article : Cliquez ici
L'Hôtellerie Restauration n° 2828 Hebdo 3 Juillet 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE