du 13 novembre 2003 |
À LA LOUPE |
Chef à domicile et consultante culinaire, Fumiko Kono a mis au point la carte du Kong, le dernier restaurant de Laurent Taïeb sur le toit de l'ex-Samaritaine, et développe une activité traiteur depuis la rentrée.
Née en 1969 au Japon, Fumiko Kono ne connaît
pas un mot de français quand elle arrive à Paris en 1993. A 24 ans, à peine sortie de
ses études de lettres et d'un cocon familial sévère et protecteur qu'elle n'a jamais
quitté plus de quelques heures, elle rêve de devenir journaliste. Fumiko n'a jamais
envisagé de faire de la cuisine son métier. Elle se souvient que, petite, sa santé
fragile l'obligeait à rester à la maison, où son oncle s'appliquait à lui préparer
des plats typiques et sophistiqués. C'est la cuisine française, dont les produits et la
technique lui sont complètement étrangers, qui feront naître cette vocation tardive. A
Paris, elle s'inscrit au Cordon Bleu ("il n'y a pas beaucoup de choix pour les
étrangers qui ne sont pas résidents") où elle passe à la fois l'examen
cuisine et pâtisserie et ressort première de sa promotion. "Je ne sais pas, j'ai
eu de la chance", dit-elle. Mais le vrai choc culinaire a lieu à l'Arpège, chez
Alain Passard, où elle est invitée par une amie. "J'ai eu un coup de foudre.
C'était encore différent de la cuisine française traditionnelle. J'ai donc demandé si
je pouvais y faire un stage, dans le tout petit espace de pâtisserie au sous-sol",
où les employés s'évanouissent parfois à cause de la chaleur. "C'était dur,
je me suis dit que j'allais arrêter." Elle commence comme 'petit commis', et
obtient entre-temps sa carte de résidente et se fait salarier. Du sous-sol, Fumiko est
intriguée par les bruits et les conversations de la cuisine, au rez-de-chaussée. "Je
me suis dit, je dois y monter." Et trouver une bonne raison pour s'y faire
accepter. Pour se faire remarquer, elle s'attaque à l'ananas à la broche, dont la
cuisson lente et délicate pose régulièrement des soucis de justesse à l'équipe. Tous
les jours, elle s'y applique pendant 2 heures. Jusqu'à ce que le chef demande qui
réussit à ce point l'ananas rôti... Elle profite donc de cette occasion pour lui
demander de passer en cuisine, à l'étage supérieur. Demande acceptée. Elle s'occupe
des entrées froides et rencontre Lulu, alors depuis 10 ans aux côtés d'Alain Passard,
qui la prend sous son aile, et lui transmet tout son savoir. Passard remarque la vitesse
à laquelle elle apprend. Et la voilà aux fourneaux, puis aux garnitures, avant de passer
second quand Jérôme Bodereau (Le Chamarré) quitte son poste. Elle garde cette casquette
pendant 7 mois, jusqu'en septembre 2000. "Le travail de second, c'est plutôt
diriger une équipe, et moi, je voulais cuisiner." Pendant ce temps, son mari,
correspondant pour une chaîne de télévision japonaise rencontré à Paris, est renvoyé
en poste au Japon. Elle part le rejoindre et travaille pour des magazines et émissions
culinaires, mais revient régulièrement à Paris pour cuisiner pour ses amis, qui la
poussent à se lancer dans cette activité. "Ma cuisine est légère, féminine.
J'aime marier les produits étrangers, et comme je suis japonaise, la présentation est
toujours très zen. Les gens pensent que je suis spécialiste de la cuisine japonaise,
mais j'ai appris la cuisine ici, même si j'y apporte ma touche personnelle et que j'ai
envie de tenter des choses qu'on ne connaît pas en France. Le plus important c'est la
cuisson, c'est ce que j'ai appris à l'Arpège." Son plat fétiche : un Velouté
de céleri-rave à la truffe. Fumiko aime les jolies couleurs, les assiettes pas trop
chargées, les cuissons lentes. Grâce à sa clientèle haut de gamme et internationale,
elle se retrouve dans des cuisines à Athènes, San Francisco ou au Canada, et trouve
parmi les invités happy few qui ont goûté sa cuisine, Mme Chirac. Au même moment,
Laurent Taïeb cherche un chef pour son projet de restaurant Kong autour d'un concept
franco-japonais et lui propose le poste. "Je lui ai dit que ça ne m'intéressait
pas d'envoyer 180 couverts et que je n'en étais pas capable." Un an et demi plus
tard, il lui demande de mettre en place la carte du restaurant. Dans les cuisines du Bon
2, elle prépare près de 280 recettes-tests pour le Kong. Un travail de titan. "Le
cahier des charges était précis : original, japonais mais pas trop, pas trop compliqué
à réaliser, féminin et léger." Quelque chose qui ressemble à sa cuisine
justement... Si elle n'exclut pas d'ouvrir son restaurant un jour, pour l'instant, elle
aime cette position de cuisinière 'nomade' qu'est le chef à domicile où elle "continue
à apprendre plein de choses". A 33 ans, Fumiko poursuit également ses
activités de consultante et de styliste, notamment pour le magazine Elle à Table,
avant de se lancer en septembre dans la branche traiteur. Affaire à suivre.
K. Kulawick
Les bonnes adresses de Fumiko Kono
a L'Astrance 4, rue Beethoven 75016 Paris Tél. : 01 40 50 84 40 a Arpège a Toraya |
a Azabu 3, rue André Mazet 75006 Paris Tél. : 01 46 33 72 05 a Martin Berasategui |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2847 Hebdo 13 novembre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE