du 22 janvier 2004 |
RESTAURATION |
La rumeur qui circulait avec insistance dans le milieu culinaire a été confirmée : en juillet prochain, où il fêtera son 60e anniversaire, Derek Brown, le 'patron' des guides Michelin, fera valoir ses droits à la retraite. Pour la première fois dans l'histoire de la maison clermontoise, ce n'est pas un homme du sérail qui lui succédera !
Propos recueillis par J.-F. Mesplède
Bernard
Naegellen, Derek Brown et André Trichot : les trois patrons de l'ère moderne du Michelin.
L'Hôtellerie : On a beaucoup extrapolé sur
votre départ, certains laissant même entendre que vous étiez remercié. On parle
aujourd'hui de retraite...
Derek Brown : Les faits sont clairs et ne souffrent
d'aucune équivoque : je suis arrivé à l'âge de prendre ma retraite (N.D.L.R. : il aura
60 ans le 28 juillet 2004). Il n'y a donc rien d'exceptionnel en la matière, et lorsque
j'ai été nommé, nous le savions déjà.
L'Hôtellerie : Mais pourquoi n'a-t-on pas,
comme à l'habitude, opté pour une promotion interne pour vous remplacer ?
Derek Brown : Il n'y a rien de sinistre (sic). Le
poste a changé. Ce qui n'est peut-être pas évident de l'extérieur est totalement
visible en interne. Il demande une certaine expérience dans de nombreux domaines, et nous
n'avons pas trouvé dans les équipes une personne capable de les assumer, ce qui explique
le choix de Jean-Luc Naret qui connaît bien l'hôtellerie internationale, le business, la
communication.
L'Hôtellerie : Mais beaucoup de rumeurs ont
circulé, de changement de cap pour le guide Michelin...
Derek Brown : Lorsque l'on embauche quelqu'un, ce
n'est jamais secret. Au cas précis cependant, les rumeurs allant plus loin que les faits,
nous avons choisi de communiquer. J'ai entendu toutes les spéculations : on a prétendu
que j'avais démissionné parce que je n'avais plus envie d'habiter en France. La vérité
est simplement que dans une grande société comme Michelin, on prend sa retraite à 60
ans. A ce moment-là, si Jean-Luc Naret est prêt, je partirais. Sinon, je resterais le
temps qu'il faudra. Pour le reste, les guides se feront toujours comme nous les faisons
aujourd'hui : il sera directeur et chef d'orchestre, mais les musiciens continueront à
jouer.
L'Hôtellerie : Intervient-il sur le
guide 2004 et sera-t-il présent lors de son lancement ?
Derek Brown : J'assume totalement le guide 2004 et je
resterai responsable exécutif jusqu'au dernier jour et le passage du témoin avec mon
successeur. Actuellement Jean-Luc Naret étudie les différents niveaux de notre
activité, les guides, les ventes, le marketing, la communication, en France, mais aussi
dans tous les pays où nous sommes présents. Pour le guide 2005, il sera impliqué et en
assumera l'élaboration.
L'Hôtellerie : Pour le guide 2004 qui paraîtra
le 27 février prochain, Michelin est-il à la croisée des chemins ?
Derek Brown : Notre guide est en permanente
évolution. Je préfère conserver un peu de mystère à cet égard, mais je doute que les
gens soient indifférents. Nous avons la volonté de rester identiques, et de donner le
meilleur à nos lecteurs.
L'Hôtellerie : On imagine qu'après la brutale
disparition de Bernard Loiseau, le problème des 3 étoiles s'est posé à Saulieu...
Derek Brown : Plusieurs hypothèses peuvent être
envisagées, mais pour moi, c'est très simple. Ce restaurant aura ce que nous estimons
qu'il mérite en fonction de nos expériences de l'année, ni plus, ni moins. Nous
attribuons les étoiles à une cuisine et aux prestations qui vont avec. Ce n'est pas une
médaille pour un cuisinier. Nous ferons donc pour Loiseau à Saulieu la même chose que
dans tous les autres cas, avec le seul souci d'avoir un dossier solide pour soutenir notre
décision pour que le client en bénéficie. Même si l'inspiration originale disparaît,
mais que l'on fait toujours aussi bien, quel intérêt aurait-on à dire aux clients que
ce n'est pas bon ?
La disparition de Bernard Loiseau fut une tragédie pour tout le monde et il faut laisser
les choses se calmer. Je le répète, la seule question que nous nous posons est : que
vaut la prestation aujourd'hui ? Et nous répondrons aussi objectivement et humainement
que possible. Nous n'avons pas intérêt à faire autre chose qu'être totalement
objectifs avec ce restaurant et avec ses clients. Ce sera le choix des inspecteurs. Le
guide Michelin est d'abord le guide des inspecteurs, qui prend aussi en compte le
sentiment des lecteurs...
Naret, le
successeur... Il le dit lui-même : Derek Brown fera valoir ses droits à la retraite et quittera son bureau du 46, avenue de Breteuil à Paris à l'été 2004. Jusque-là, Jean-Luc Naret, qui a rejoint l'équipe cartes et guides le 1er décembre dernier, l'épaulera et sera associé à toutes les décisions concernant les guides 2005 dont les premières parutions sont programmées à l'automne 2004 (Allemagne, Italie, Suisse et Espagne). Agé de 42 ans, marié et père de 3 enfants, Jean-Luc Naret est entré dans le Groupe Michelin en septembre 2003, Diplômé de l'école hôtelière de Paris, a été responsable de grands hôtels en France et à l'étranger. Après René Pauchet, premier directeur du guide Michelin de l'histoire de la maison, André Trichot, ancien adjoint de Pauchet et directeur des guides de 1968 à 1985, Bernard Naegellen qui lui succéda et occupa la fonction jusqu'à l'arrivée de Derek Brown en mars 2001, Jean-Luc Naret sera donc le 5e 'patron' de l'ère moderne. Le premier qui ne sera pas directement issu du sérail (Bernard Naegellen et Derek Brown avaient travaillé sous les directives d'André Trichot), ce qui marque un changement important dans l'histoire d'un guide né en 1900 de l'imagination de deux frères : André et Edouard Michelin. zzz18p |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2856 Hebdo 22 janvier 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE