du 5 février 2004 |
RESTAURATION |
Dans la capitale, c'est le transfert marquant du mercato hivernal : Jean-François Piège a quitté Alain Ducasse et le Plaza Athénée pour le Crillon où il sera seul maître à bord. Premier service : le dîner de la Saint-Valentin, le 14 février prochain.
Jean-François
Piège entend disposer d'une vingtaine de personnes en cuisine pour chaque service.
Il
attend la date fatidique sans pression particulière. Jean-François Piège a fait un
choix qu'il assume totalement. Point d'angoisse de se retrouver désormais maître à bord
des cuisines d'un palace parisien. Tout juste un peu d'impatience d'entrer réellement
dans le vif du sujet, après 5 semaines de training.
Tout part d'une discussion avec Alain Ducasse en mars 2003, dans les cuisines du
Plaza Athénée où Jean-François Piège assumait les 3 étoiles du 'patron'. "Je
lui avais alors dit mon envie d'autre chose, lui précisant que si ce n'est pas la vie qui
nous met des coups de pied aux fesses (sic), c'est à soi de le faire", se
souvient Jean-François Piège, en place depuis 3 ans après trois années passées avenue
Raymond Poincaré. Envie d'autre chose donc, à 33 ans, pour ce Valentinois de naissance
qui évoque toujours avec émotion la Maison Pic. Si, professionnellement, il n'en a
jamais franchi le seuil, il avoue volontiers qu'elle l'a toujours fait rêver. "Si
je fais ce métier aujourd'hui, c'est grâce à Jacques Pic dont le restaurant était la
parfaite interprétation de la maison bourgeoise en province."
Retour à Paris où le fil de l'histoire se renoue en septembre 2003. Côtoyée au
Plaza Athénée, Franka Holtmann vient de prendre la direction générale du Crillon. Elle
a envie de neuf, pense au chef, mais se refuse à venir 'débaucher' Jean-François
Piège. L'idée de son 'envie d'ailleurs' lui est soufflée... et l'affaire se boucle. En
douceur.
"Même si je pense qu'il y avait chez Alain Ducasse une envie de me garder,
nous nous sommes séparés en bons termes. Je n'oublie pas tout ce que je lui dois : il
m'a sélectionné puis m'a permis de me créer une image professionnelle. Pour mon
parcours, Bruno Cirino (N.D.L.R. : 2 étoiles Michelin à l'Hostellerie Jérôme de La
Turbie), que j'avais rejoint aux Elysées de l'hôtel Vernet, m'avait conseillé de faire
une maison de tradition et un grand maître. C'est le cas au Crillon avec Constant
(1989-1991) puis avec Alain Ducasse", analyse Jean-François Piège qui s'offre
donc une sorte de retour aux sources, 12 ans après !
Tradition et modernité
"C'est vrai, admet-il, et c'est ce qui m'intéresse aussi. Nous avons
envie d'insuffler une modernité à cette maison. Cela passera par des changements, le
décor de la salle, un nouveau look pour la tenue des serveurs (1), et bien sûr une
nouvelle conception de la carte où nous abandonnerons le menu ou la formule au profit
d'une collection de plats. Ma cuisine sera axée sur la technique et le goût, car la
vérité du goût sera la vérité de demain. Je veux mettre de la modernité dans
l'assiette en me gardant bien d'oublier la tradition de notre patrimoine."
Jean-François Piège en est conscient : il faudra conquérir une clientèle et séduire
la critique. Il y a donc du pari dans l'air ! "C'est certain, mais cela ne
m'effraie pas. J'ai connu les exigences d'un palace, et je n'ignore rien du service à
apporter au client dans ce genre de maison. Je m'étais préparé à tout cela, et
j'étais prêt à franchir le pas. En fait, j'ai tendance à dire que si l'on ne sait pas
où l'on veut aller, on n'ignore rien du chemin que l'on veut prendre (2)." A
n'en pas douter, celui qui mène vers les étoiles. Une seule pour l'heure aux
Ambassadeurs selon les critères Michelin. La deuxième dans le contrat de
Jean-François Piège ? "On travaille avant tout pour les clients, pas pour les
étoiles. Mais si l'on travaille bien, elles arrivent. Que dire de plus, sinon que j'ai
envie de faire la plus belle cuisine qui soit dans un tel lieu. Ensuite, les guides et Michelin
jugeront..." Point de pression à l'en croire, même si dans un juste équilibre
entre l'obligation de résultat et les moyens mis en uvre, cette 2e étoile est
évoquée à l'horizon 2005. "J'avais envie d'autre chose, insiste
Jean-François Piège à propos d'un départ qui a fait couler beaucoup d'encre. Je
n'ai pas demandé un pont d'or, mais des moyens pour travailler et une stratégie
d'entreprise (3). J'ai 33 ans, je suis très bien payé et je suis très heureux avec ça.
Je gagne 10 fois plus que lorsque j'ai débuté, mais je n'en suis pas pour autant 10 fois
plus heureux. Je vis différemment. J'ai envie de plaisir et de le partager avec ceux qui
sont avec moi." Tout simplement !
J.-F. Mesplède zzz22v
(1) 4 000 à 500 000 e seront investis aux Ambassadeurs pour
une rénovation (mobilier de la salle, fauteuils, nappes, rideaux, restauration des
lustres) confiée à Sibylle de Margerie, tandis que la styliste Mercedes Calderon se
chargera de la tenue du personnel (blouse smoking pour les serveurs).
(2) Yann Meinsel et Christophe Saintagne secondent Jean-François Piège en cuisine,
tandis que Jérôme Chaucesse prend en charge la pâtisserie. La salle est dirigée par
Patrice Willems avec David Biraud - Meilleur Sommelier de France 2002 - pour les vins. La
brigade de cuisine est de 70 personnes dont 15 pâtissiers. Pour la salle, 44 personnes
dont 6 sommeliers.
(3) Les Ambassadeurs proposent 18 tables pour 40 à 45 couverts par service.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2858 Hebdo 5 Février 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE