du 26 février 2004 |
ACTUALITÉ JURIDIQUE |
Du côté des prud'hommes
Quand l'employeur décide de nourrir son personnel, un salarié ne peut refuser cette mise à disposition du repas et demander en contrepartie le versement d'une indemnité compensatrice, sauf quand il ne peut le consommer pour des motifs qui ne sont pas de son fait. Illustration de ces principes avec deux décisions de justice.
Dans
la branche des CHR, l'employeur a obligation de nourrir gratuitement son personnel. Cette
obligation résulte d'un usage confirmé dans l'immédiat après-guerre par les décrets
Croizat et Parodi et intégré ensuite au Code du travail (article D 141-6 et suivants).
Cependant, en pratique, cet employeur peut se trouver confronté au refus du salarié
de profiter de cet avantage en nature nourriture. Ce dernier peut-il alors exiger une
indemnité compensatrice ? Selon le conseil de prud'hommes, la réponse dépend des
raisons pour lesquelles le salarié ne consomme pas ses repas. Deux décisions récentes
du conseil de prud'hommes illustrent cette notion.
Le salarié ne consomme pas son repas par convenance personnelle
Dans une première affaire, un salarié, employé dans un grand restaurant en
qualité de voiturier, exige de son employeur qu'il lui rembourse les repas qu'il n'a pas
consommés. Le salarié explique que chaque mois l'employeur lui a octroyé sur son
bulletin de paie des avantages en nature nourriture intégrés à son salaire brut.
Ces mêmes avantages ont par la suite été déduits par l'employeur du salaire net
à payer. Or, précise le salarié, il ne les a jamais consommés. En effet, il a toujours
préféré prendre ses repas chez lui, à la maison, avant d'aller travailler.
Devant le conseil de prud'hommes, l'employeur qui s'oppose à ce remboursement
rappelle les textes à l'origine de son obligation de nourriture. Il s'agit d'un usage,
confirmé par les arrêtés Croizat et Parodi des 22 février 1946 et 1er octobre 1947,
précisant qu'il appartient à l'employeur, dans la branche d'activité des cafés,
hôtels, restaurants, soit de nourrir gratuitement son personnel, soit de lui allouer une
indemnité compensatrice de nourriture.
L'employeur précise que c'est à lui, et à lui seul, qu'il appartient de choisir
entre la fourniture du repas et l'octroi d'une indemnité compensatrice. Pour sa part, il
a choisi au sein de son restaurant, de nourrir l'ensemble de son personnel en préparant
des repas qu'il tient à sa disposition.
A l'appui de cette affirmation de l'employeur, le chef de cuisine vient témoigner
par une attestation qu'il "fait préparer le déjeuner et le dîner pour
l'ensemble du personnel". Ainsi, le salarié bénéficiait d'avantages en nature
nourriture systématiquement mis à sa disposition à l'occasion du service du déjeuner,
et à l'occasion du service du dîner.
Dès lors, le salarié a décidé de ne pas consommer ces repas alors qu'il était
présent dans l'entreprise. Il n'en demeure pas moins que la société était en droit de
considérer ces repas comme consommés et de les déduire de la rémunération nette à
payer au salarié.
L'employeur entend faire prévaloir l'unicité de statut des salariés au détriment
de l'intérêt individuel du demandeur. D'ailleurs, il invoque plusieurs décisions de
justice et notamment, un arrêt de la Cour de cassation du 7 février 1994, venu confirmer
le principe en cause : "Le salarié qui pour des raisons personnelles ne prend pas
le repas fourni gratuitement par l'employeur ne peut prétendre à une compensation."
Le conseil de prud'hommes, après les plaidoiries des parties, délibère et rend
immédiatement son jugement : il déboute le salarié de sa demande. Il considère que le
salarié "qui indique ne pas avoir pris les repas mis à sa disposition pour des
raisons personnelles ne peut prétendre au remboursement de la somme forfaitaire
correspondant à ses avantages en nature que l'employeur déduisait de ses bulletins de
salaire".
Pour le conseil de prud'hommes et pour la cour d'appel, qui sera amenée quelque
temps après à confirmer la décision, le salarié ne peut pas prétendre au
remboursement des avantages en nature non consommés par ses soins, pour des raisons
personnelles.
Le salarié ne consomme pas son repas pour
des raisons tenant à l'organisation de
l'entreprise
Dans une deuxième affaire, le salarié exige, là encore, le remboursement de repas
qu'il n'a pas consommés et qu'ils lui ont été déduits de son bulletin de paie.
Cette fois, à l'appui de ses explications, il commence par rappeler les horaires de
travail qui étaient les siens : du lundi au vendredi de 7 heures à 16 heures. Il
bénéficiait, bien évidemment, d'une pause à l'occasion du déjeuner pendant laquelle
l'employeur lui fournissait un repas. Mais à la fin du service à 16 heures, il quittait
l'établissement et prenait son repas du soir chez lui.
Son employeur lui a systématiquement octroyé des repas à raison de deux avantages
en nature nourriture par jour. Ces deux repas quotidiens étaient intégrés à son
salaire brut, mais étaient ensuite déduits de sa rémunération nette à payer.
A tort, poursuit le salarié. En effet, si l'arrêté du 22 février 1946 dispose que
l'employeur a la faculté soit, de nourrir gratuitement son personnel, soit de lui allouer
une indemnité compensatrice équivalente... il précise également, que les employés qui
ne prennent pas leur repas dans l'établissement perçoivent obligatoirement une
indemnité compensatrice.
Sur la base de ce texte, l'employeur devait lui octroyer un avantage en nature
nourriture pour le repas du midi, puis une indemnité compensatrice de nourriture pour le
repas du soir. Il serait, en conséquence, en droit de réclamer le remboursement d'un
avantage en nature nourriture par journée de travail.
Faux, réplique l'employeur. C'est dit-il, le patron qui décide soit, de nourrir
gratuitement son personnel, soit de lui allouer une indemnité compensatrice de
nourriture, et pas l'inverse.
C'est justement dans cet esprit qu'il a systématiquement mis à la disposition du
salarié deux repas par jour, que ce dernier pouvait prendre à toute heure de la
journée. Le restaurateur indique, en effet, que ses salariés comme ses clients, sont
habilités à prendre leurs repas à n'importe quelle heure, en raison d'un service
continu.
Le conseil de prud'hommes rejette l'argumentation de l'employeur et le condamne à
rembourser à son salarié un avantage en nature nourriture par journée de travail.
La motivation adoptée par le conseil de prud'hommes est de principe. Il rappelle
tout d'abord, l'obligation faite à l'employeur des hôtels, cafés, restaurants, soit de
nourrir l'ensemble du personnel, soit de lui allouer une indemnité compensatrice. Il
précise ensuite que les horaires de travail du salarié obligeaient ce dernier à quitter
l'établissement à un moment de la journée où il n'est pas d'usage de prendre le repas
du soir.
Dès lors, si ce dernier ne consommait pas son repas, ce n'était pas du fait de sa
volonté. L'employeur devait lui accorder une indemnité compensatrice pour le repas du
soir. Il ne l'a pas fait. Il doit donc lui rembourser un repas par journée de travail.
Comment faire la différence entre fourniture et paiement ?
Ainsi et pour conclure, la distinction doit être opérée selon la raison pour
laquelle le salarié consomme ou non son repas, c'est-à-dire :
a Si le salarié ne consomme
pas le repas mis à sa disposition pour des raisons strictement personnelles et ce,
quelles qu'elles soient (confession religieuse, régime alimentaire, décision
discrétionnaire...), le salarié ne peut pas exiger le remboursement du repas.
a Si le salarié ne consomme
pas le repas mis à sa disposition pour des raisons qui lui sont étrangères et plus
précisément pour des raisons tenant à l'organisation du travail, alors le salarié peut
prétendre à une indemnité compensatrice au titre des repas dont il n'a pas pu profiter.
F. Trouet (Synhorcat) zzz60r
A combien de repas un salarié a-t-il droit
par jour de travail ? Deux règles juridiques déterminent le nombre de repas devant être accordé quotidiennement à un salarié La première règle est un usage en vigueur dans les
hôtels, cafés, restaurants. En vertu de cet usage, un salarié a droit à : |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2861 Hebdo 26 février 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE