du 11 mars 2004 |
ACTUALITÉ JURIDIQUE |
Bien mûrir son projet, se faire accompagner dans sa formulation, bien choisir ses partenaires, et rester humble. Voici les maîtres mots, de Sylvain Albert, ancien sommelier, qui a abandonné son statut de salarié pour devenir chef d'entreprise. Aujourd'hui, p.-d.g. du resto-cave Le Taste Monde à Issy-Les-Moulineaux (92), il nous livre son témoignage de créateur d'entreprise.
Propos recueillis par T. Beausseron
a Le créateur : Sylvain Albert, 34 ans
a
1990 : Bac pro au lycée professionnel
Jean Quarré à Paris
a
1992-2001 : sommelier (5 ans) puis
caviste chez Nicolas * 2001 : p.-d.g. et salarié
L'Hôtellerie : Quel
est le déclic qui vous a poussé à vous lancer dans l'aventure de la création
d'entreprise ?
Sylvain Albert : Entrepreneur dans l'âme, j'ai
toujours su que j'allais un jour monter ma propre entreprise. Je me suis lancé en 2001,
mais j'avais déjà mûri mon idée. En fait, celle-ci m'est venue lorsque j'étais
caviste chez Nicolas. Tout à fait par hasard, j'ai découvert un excellent vin
australien. J'étais le premier surpris, car auparavant, je n'appréciais que les vins
français. Fort de cette découverte, j'ai testé les ventes, et j'ai vu que les clients
accrochaient au produit. C'est alors que j'ai eu la conviction qu'il y avait un marché à
exploiter. J'ai quitté mon emploi, et je suis parti faire le tour du monde pendant 1 an
pour visiter des vignes aux 4 coins de la planète. De retour en France, j'ai recommencé
à travailler pour renflouer mon compte en banque. Peu de temps après, j'ai senti que
c'était le moment de me lancer. J'ai profité d'un licenciement et des allocations de
chômage qui allaient avec, pour passer aux choses sérieuses et monter véritablement mon
projet.
L'Hôtellerie : Quelle
a été votre première démarche ?
Sylvain Albert : J'ai, en premier lieu, expliqué
mon idée à ma famille, et à mes amis. Ensuite la priorité a été de trouver des
financements. Pour cela, il faut estimer financièrement son projet, et traduire son
estimation dans un business plan, et un compte de résultat prévisionnel. Pas facile
quand on n'en a jamais fait. Heureusement, j'ai été aidé par des amis chefs
d'entreprise.
L'Hôtellerie : Vous
avez été soutenu dans votre projet par le réseau 92 Entreprendre. Pourquoi avez-vous
frappé à la porte de ce réseau et que vous a-t-il apporté ?
Sylvain Albert : 92 Entreprendre m'a accordé 'un
prêt d'honneur', c'est-à-dire un prêt à taux zéro à hauteur de 30 000 e. Mais, j'ai
surtout utilisé ce réseau parce que je savais que si mon dossier était validé par lui,
il serait tout de suite plus crédible aux yeux des banques pour obtenir un financement.
En chiffres
a Création de l'entreprise : 1er mars 2001 a Forme juridique : SAS a Capital : 126 200 e a Investissement : 579 300 e a Croissance 2003 : + 20 % a CA 2003 : 914 695 e Le resto-cave 'Le Taste
Monde' |
L'Hôtellerie : A
combien s'élevait ce financement et auprès de qui l'avez-vous obtenu ?
Sylvain Albert : J'avais estimé mes besoins à
579 300 e hors murs. Après avoir fait le tour de mes proches, et avec le prêt d'honneur
accordé par 92 Entreprendre, à taux zéro de 30 000 e, j'avais réuni près de 90 000 e.
Il me restait donc à trouver 487 837 e. J'ai eu de la chance, car l'un des chefs
d'entreprise de 92 Entreprendre, avait accroché à mon projet, et m'a proposé de le
soumettre à un groupe d'investisseurs qu'il connaissait. Ce groupe a accepté d'investir
152 450 e. Il restait 335 388 e, que j'ai empruntés auprès des banques.
L'Hôtellerie : Quel
est ce groupe d'investisseurs, et quelle banque vous accordé un crédit ?
Sylvain Albert : Je n'ai pas le droit de le dire,
car il souhaite rester discret. Quant aux banques, j'ai emprunté auprès du CIC et de la
Fortis Banque. J'ai emprunté auprès de 2 banques différentes sur les conseils de mes
investisseurs. Et, j'ai eu raison de les écouter car, quelques mois après le démarrage,
l'entreprise a connu une mauvaise période, et j'ai eu besoin d'un étalement de
créances. Heureusement que j'ai pu compter sur l'une des 2 banques, en l'occurrence la
Fortis Banque, pour m'accorder cet étalement. J'ai ainsi pu surmonter cette difficulté
et j'ai pu rebondir.
L'Hôtellerie : Comment
avez-vous choisi l'emplacement de votre restaurant, pourquoi Issy-les-Moulineaux ?
Sylvain Albert : Au départ, je souhaitais
m'installer à Paris, mais cela impliquait que j'achète le fonds de commerce et les murs,
ce qui dépassait largement mon budget. Un ami m'a suggéré Issy-Les-Moulineaux. J'ai
tenté le coup, j'ai contacté la direction de l'action économique de la ville, qui m'a
informé des emplacements à prendre. Le local actuel faisait partie d'un immeuble en
construction, je n'ai donc pas eu à acheter de fonds de commerce.
Par contre, comme il n'y avait aucune installation, les travaux (création du bar,
électricité, peinture, carrelage, cuisine, etc.) ont coûté 300 000 e, sans compter
l'installation du mobilier, soit la plus grosse part de mon budget.
L'Hôtellerie : Une
fois le financement obtenu, le local trouvé, comment avez-vous choisi le nom de votre
restaurant ?
Sylvain Albert : Le choix du nom a été assez
laborieux, car il faut le déposer à l'Inpi (Institut national de la propriété
industrielle). Pour cela, j'avais fait appel à un cabinet d'avocats qui effectuait les
recherches d'antériorité. Mes premières idées étaient déjà prises, et le cabinet me
facturait chaque recherche. Le Taste Monde n'était pas pris, et réunissait les 2 idées
du concept, à savoir le vin, car 'taste' est un terme utilisé en sommellerie, et 'monde'
pour la référence aux vins du monde entier. En outre, ce nom a l'avantage de pouvoir
être utilisé en France comme à l'étranger, ce qui comptait aussi dans mes critères de
choix, car nous avons l'ambition de développer le concept à l'étranger.
La SAS nécessite
d'importants capitaux propres extérieurs Petite fiche descriptive a SAS : Société par action simplifiée a Capital minimum : 37 000 e a Nombre d'associés : 1 au minimum. Pas de maximum a Responsabilité : Associés responsables à hauteur de leur apport. Séparation patrimoine personnel- professionnel sauf garantie personnelle en cas d'emprunt a Régime fiscal : Impôt sur les sociétés a Régime social : Salarié ou non-salarié au choix |
L'Hôtellerie : Quelle
forme de société avez-vous choisie ?
Sylvain Albert : Je souhaitais une structure qui
me protège moi et ma famille en cas d'échec. J'ai expliqué cela à mes investisseurs en
leur laissant le choix de la structure. Nous avons alors opté pour la SAS (société par
actions simplifiées), car nous avions un gros capital de départ, et que cette structure
est plus souple qu'une SA (société anonyme).
L'Hôtellerie : Vous
avez connu un démarrage difficile. Pourquoi ?
Sylvain Albert : Oui, en fait j'avais mal
sélectionné mon chef de cuisine, ce qui a eu pour conséquence que la cuisine servie en
accompagnement de mes vins n'était pas à la hauteur. En outre, j'ai fait plusieurs
erreurs qui ont failli nous coûter cher, car j'aurai pu mettre la clé sous la porte. Par
exemple, je n'ai pas vérifié tout de suite mes ratios coûts matière. J'ai laissé
faire mon chef, et j'ai attendu 7 mois pour me pencher sur ces dépenses, et je me suis
aperçu seulement à ce moment là qu'il y avait un dépassement de budget de 30 000 e, ce
qui est énorme. J'ai alors recadré mon chef, mais c'était déjà 30 000 e de perdu.
Autre erreur au début, j'ai embauché beaucoup trop de personnel. Nous étions 12, et je
suis vite redescendu à 8, car cela est finalement suffisant. Il suffit de bien organiser
les horaires de travail.
L'Hôtellerie :
Aujourd'hui votre entreprise a bien remonté la pente, et vous programmez pour octobre
2004 l'ouverture d'un second établissement dans Paris. Que pouvez-vous dire ou conseiller
à tous les professionnels du secteur qui ont aussi pour projet de créer ou de reprendre
un restaurant ?
Sylvain Albert : Mon premier conseil est de leur
dire d'être patient, de prendre le temps de rencontrer beaucoup de monde d'horizons
professionnels différents, d'écouter leurs conseils et d'en tirer parti afin de bien
mûrir leur projet. L'idéal est d'avoir recours à l'il objectif d'une personne du
secteur CHR, mais extérieure à votre projet, mais également à une personne hors
secteur CHR plus apte à se mettre à la place du client.
Mon second conseil sera de leur dire, de se verser dès le départ un salaire, car
lorsqu'on monte sa société, on se donne à 100 %. On fait des sacrifices. Il est donc
important de se verser un salaire pour avoir au moins de quoi vivre. Ensuite, il faut bien
choisir ses partenaires. Dans mon cas, je n'avais pas pris assez le temps de choisir mon
premier chef au départ. Pour celui qui a pris sa succession, j'ai pris le soin de bien le
sélectionner, et aujourd'hui on travaille en osmose, car nous sommes sur la même
longueur d'onde.
Enfin, il faut bien dire aussi que c'est très dur de se lancer entrepreneur, il ne
faut pas jouer 'au cador'. Chaque étape du projet est une épreuve encore plus difficile
que celle que l'on avait imaginée au départ, d'où l'importance de prendre le temps de
mûrir son projet. Même lorsque votre affaire démarre bien, il vaut mieux rester humble.
Le Taste Monde
7, rd-pt Victor Hugo
92130 Issy-les-Moulineaux
Tél. : 01 46 45 22 12
Qu'est-ce que le
Réseau Entreprendre ?
Si vous avez en tête un projet d'ouverture de restaurant, de
bar ou d'hôtel, et à la condition que votre projet ait potentiellement la capacité
d'atteindre la taille d'une PME, c'est-à-dire d'une entreprise employant au moins une
dizaine de salariés, vous pouvez vous adresser à l'association du Réseau Entreprendre
qui se trouve dans votre région. Sélection des projets à l'unanimité Réseau Entreprendre |
Les chiffres de la création d'entreprise dans le secteur CHR à Paris en 2003
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L'Hôtellerie Restauration n° 2863 Hebdo 11 mars 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE