du 1er avril 2004 |
ÉDITO |
Lorsqu'il aura le temps de lire, Jean-Pierre Raffarin pourra
toujours méditer sur la correspondance que le grand Turgot (l'un des rares hommes d'Etat
à avoir tenté de briser les privilèges avant qu'il ne soit trop tard) entretenait avec
Louis XVI : "Ce peuple auquel je me serai sacrifié est si aisé à tromper, que
peut-être j'encourrai sa haine par les mesures mêmes que je prendrai pour le défendre
de toute vexation." Tout est dit dans cette remarque qui n'a rien perdu de son
actualité.
Les hommes politiques feraient bien de relire l'histoire de France : deux ans après
sa nomination au poste de contrôleur général des Finances, Turgot était désavoué par
le souverain qui s'empressa d'annuler les courageuses réformes entreprises pour rétablir
les finances du royaume. Les privilégiés avaient remporté une victoire qu'ils croyaient
définitive. C'était en 1776, on sait ce qu'il advint 13 ans plus tard.
Or, nous voici dans une situation proche de celle de la fin de l'Ancien Régime : des
comptes publics 'plombés' par une politique économique désastreuse depuis des
décennies, des castes de privilégiés accrochés à leurs 'avantages acquis' comme des
ormeaux à un rocher, un souverain, le corps électoral, plus enclin à suivre la pente de
la facilité que celle de l'effort.
Car il serait naïf aujourd'hui de crier victoire ou de regretter la défaite, selon
l'opinion de chacun. L'enjeu dépasse largement les joutes électorales consacrées,
l'a-t-on oublié, à la gestion des régions.
Bien sûr, les remarques que la Commission de Bruxelles a cru bon d'adresser au
gouvernement français sur le déséquilibre de nos comptes sociaux sont peut-être
diplomatiquement maladroites, mais elles gardent toute leur pertinence, et il serait
irresponsable de ne pas s'atteler à cet énorme chantier de la protection sociale.
Certes, les décisions seront d'autant plus difficiles à mettre en uvre que nombre
de rentes de situation, de dérives inacceptables devront forcément disparaître. Cela ne
fera pas plaisir à tout le monde.
De même, la profession devra consentir sans doute un effort de réalisme et de
patience sur le sujet qui lui tient le plus à cur : celui de la baisse de la TVA
sur la restauration. La baisse des charges sur les salaires, loin de faire l'unanimité
parmi les restaurateurs, a de surcroît entaché leur image dans une opinion publique
abusée par les slogans simplistes et réducteurs. Dans les jours qui viennent, il est
probable que la grogne s'amplifie, révélatrice de cette triste mentalité du 'toujours
plus' qui fait le miel des syndicats de fonctionnaires. Raison de plus pour affirmer une
volonté dynamique et constructive de développement des entreprises, par le courage et le
talent, et non par la revendication élevée à la hauteur d'une institution. Sans oublier
que depuis plus de 2 siècles, nous vivons dans une véritable 'République des
mécontents' de plus en plus impatiente. Actuellement, le rythme de basculement électoral
est à l'horizon de 2 ans : pas vraiment le temps de conduire une politique solide et
cohérente. Autant faire preuve de souplesse d'adaptation alors que la vie des affaires,
notamment dans les métiers de l'hôtellerie et de la restauration, est de plus en plus
imprévisible.
L. H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 2866 Hebdo 1er avril 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE