du 29 avril 2004 |
LICENCE IV |
Rhône
La capitale de la gourmandise abrite aussi un grand nombre de cafés. Leur remise en question est, comme ailleurs, nécessaire. Qui sont-ils ? Comment leurs patrons voient-ils les grands chantiers de la ville ? Nous sommes allés à leur rencontre avec l'aide de leur plus fervent défenseur, l'Umih 69.
Lyon, capitale de la gastronomie. Fief de Monsieur Paul, cette légende vivante, les deux pieds dans le business depuis trois quarts de siècle. On doit à Bocuse d'avoir porté haut et loin les couleurs du savoir-faire culinaire français. Idole, il l'est et le reste. Homme d'affaires aussi. Récemment, n'a-t-il pas osé, dans Lyon intra-muros, cinq brasseries de grosse capacité ? Les deux dernières dans des lieux excentrés, dont l'avenir est assuré par l'obstination quasi obsessionnelle des Lyonnais à faire de leur ville le cur de l'Europe. Lyon, territoire fertile en grands cuisiniers comme en grandes dames des fourneaux. La Mère Brazier a ouvert la voie. Plus près, Pierre Orsi, Jean-Paul Lacombe, Christian Têtedoie ou Gérard Vignat, vissés au Michelin, ont ajouté leur nom au tableau d'honneur le plus impressionnant de la restauration, si on le ramène à une région, voire à une métropole.
TPE
La créativité conserve également une longueur d'avance. Aux Palmes du Leaders
Club 2004, Rouge Tendance et Mendo ont empoché respectivement l'argent et le bronze des
concepts les plus novateurs du moment. Après les bouchons, le terreau lyonnais donne vie
à de nouveaux gisements. La cuisine spectacle en est l'exemple vivace. Côté zinc, la
métropole rhodanienne a pourtant du mouron à se faire. Comme ailleurs, les préserver
relève du miracle, surtout pour les plus en difficulté. Très petite entreprise. Trois
mots qui, malgré le tissu social qu'ils représentent, résonnent souvent comme le
déclin inexorable d'un secteur. Une activité dont pas mal de dirigeants, la tête dans
le guidon, baissent les bras. Gabriel Demarchi tient comptoir depuis 15 ans dans le VIIe
arrondissement, rue Rachais. Son quartier s'est 'vidé'. Moins de bureaux, plus de
logements. Les stocks parlent d'eux-mêmes. Le fût de bière de 30 litres dure 15 jours,
contre une semaine 'avant'. Alors qu'il achetait 7 kg de café mensuels, le patron du
Petit Bar est descendu à 4 kg, "et encore...". S'il s'en sort, c'est
parce qu'il n'a plus de crédit sur le dos et qu'il limite les dépenses salariales au
cuistot du midi. La formule à 11,30 e avec entrée, plat du jour, fromage ou dessert
permet de boucler les fins de mois. Pas de rénover. Tout ce qu'il attend, c'est l'heure
de la retraite, prévue en 2006, pour ses 65 ans. D'ici là, il va continuer à taper la
'coinche' (belote) l'après-midi avec quelques fidèles. Vendre ? Il aurait bien aimé.
Mais vendre quoi ? Un bar qui s'endort doucement mais sûrement ?
La chambre de l'industrie hôtelière et touristique du Rhône siège à
proximité. Il y adhère. Ça lui sert à résoudre les tracas quotidiens et ça lui
permet de trouver une oreille attentive à qui parler. Auprès de Sylvie, la responsable
administrative, qui répond au téléphone, passant avec patience et gentillesse du
matériel qui lâche au calcul de payes. Ou auprès d'Annie-Claude, l'attachée
commerciale, ex-restauratrice. Son job aujourd'hui : le porte-à-porte, utile et
salvateur. Expliquer aux adhérents actuels et futurs que le syndicat se tient à leurs
côtés, apporter des solutions, faire circuler et remonter l'information. Et ça marche.
L'Umih 69 affiche une progression sensible et régulière du nombre de ses adhérents.
Tous les départements peuvent-ils en dire autant ? Roland Bernard hésite, fronce les
sourcils et se tait, amusé. Le président départemental a d'autres chats à fouetter que
les rancurs, si rancurs il y a. Lui, le frondeur, qui a tenté en mars dernier
de modifier la donne à Paris en se présentant contre Daguin à la tête de la rue
d'Anjou, revendique le Rhône pour patrie. Les cafés ? Il les soutient. Son objectif ?
Les accompagner. Mais pas dans leur mort annoncée. Dans leur remise en route, en faisant
du syndicat un outil "pratique" et "efficace" sur lequel
ils "peuvent et doivent s'appuyer". Jean-Claude Boissin, le président
des cafetiers du département, son complice depuis 4 ans, croit fermement dans l'avenir
des bistrots, dès lors qu'on parle "investissements, étude de marché,
réactivité". Roland Bernard lui laisse carte blanche. "Bien sûr que
les plus petites structures sont sinistrées. Bien sûr qu'elles sont touchées de plein
fouet par l'effet des 35 heures et la chute de consommation des boissons alcoolisées. Et
ceux qui se raccrochent au seul plat du jour sont vite sclérosés", admet
Jean-Claude Boissin. Pourtant, maintenir la barre, ou mieux, "la redresser",
est possible selon lui. "Lyon bouge", lâche-t-il avec évidence. Le XXe
siècle, rue Grenette, un mouchoir de poche, s'inscrit dans l'esprit. Plein centre-ville,
certes. Avec pour voisine immédiate la rue Mercière, vers laquelle l'office de tourisme
dirige les touristes lorsqu'ils cherchent un choix de restaurants.
Image
Claire et Didier Roche la dirigent depuis 19 ans. L'affaire a été entièrement
rafraîchie voici 3 ans. Si, chez eux aussi, les ventes de boissons alcoolisées diminuent
au profit des cafés, des thés et des sirops, l'important, lancent-ils, "c'est de
s'adapter et de ne pas se laisser démoraliser". Petit, mais costaud. "Non,
on est bien ici. C'est tout." La clientèle ? "Moitié de passage,
moitié de quartier."
Autre témoignage à Genas. Quand Philippe Malmasson rachète le Coin Tranquille,
c'est un café moribond. 12 ans déjà. Il a retroussé ses manches en s'attaquant aux
repas d'affaires et aux plats du jour. "On est passé de l'agriculture à une zone
industrielle, même si l'âme de la commune reste rurale. Je me suis positionné
différemment, en essayant de comprendre quelle clientèle viendrait désormais, et
pourquoi." Comme la plupart des bars en périphérie Est, il ferme à 20 heures,
pour des raisons de sécurité. "Quand on est dans un coin retiré comme le mien,
on peut attirer les trublions. Mieux vaut éviter." Sage attitude. Philippe
Malmasson évoque également l'image du métier. "Pour attirer la bonne
clientèle, il faut avoir une bonne image. Les bistrots ne sont pas des lieux de débauche
ou de xénophobie raciale ou sociale comme on le prétend. Je suis effrayé qu'un
responsable syndical ait pu appeler à voter extrémiste et ait assimilé la profession
dans sa démarche. Je tiens à ce que vous l'écriviez, car je l'ai très mal vécu. Ma
clientèle pour témoin." C'est écrit.
"Il est vrai que nous avons beaucoup de pain sur la planche en matière
d'image", constate à son tour Jean-Claude Boissin. La médiatisation a ses
inconvénients et ses avantages. La Brasserie de l'Etoile, cours Gambetta, dans le IIIe
arrondissement, a bénéficié de la seconde affirmation. Quelques minutes d'antenne, en
février à l'échelon régional et en mars au niveau national. "On s'est aperçu
que les gens du quartier ne savaient pas qu'on l'avait reprise et qu'on l'avait
redressée. Ça nous a vraiment aidés", se réjouit Thierry Lannuzel. Lui et
Jean-Pierre Diot ont acquis ce bar-brasserie de deux étages en décembre 2003. "L'établissement
était en liquidation." Une de leurs priorités : "La préservation des
emplois." Certains affichent 15 ans d'ancienneté. Et puis... "la
structure est belle. On n'avait pas envie qu'elle tombe entre les mains d'une chaîne..."
Belle et bien placée. Le vaste chantier d'aménagement urbain des Confluences, au sud de
la presqu'île, lancé par la municipalité, comprend l'embellissement des rives qui
deviendront lieu de villégiature. "Nous serons sur le passage", constate
encore Thierry Lannuzel. L'infrastructure a été réhabilitée au pas de course. 8 jours
de travaux entre Noël et le jour de l'an, cuisines comprises. Les 39 heures ont dû être
instaurées. "Le personnel travaillait beaucoup plus. Au début, ça leur a fait
peur qu'on remette tout à plat, jusqu'aux grilles d'horaires..." Le mobilier a
été changé, 140 tableaux et affichettes vieillissantes ont été retirés des murs. En
cours d'installation : 24 tables et des fleurs en terrasse. Parmi les récents habitués :
les professions libérales à l'heure du déjeuner, les habitants du quartier en soirée.
Autre point encourageant : l'envoi de groupes par les hôtels-bureaux les plus proches. La
brasserie a d'ailleurs été mise en ligne un peu pour cette raison
(www.brasserie-etoile.com )
Microbrasserie
Lyon qui 'bouge' connaît à Gerland, quartier des anciens abattoirs, de franches
réussites gourmandes (lire notamment L'Hôtellerie n° 2771 du 30 mai 2002). La
restauration, à proximité du stade de foot, fait recette. Ainsi qu'une microbrasserie,
le Ninkasi Kafé, avec une étonnante capacité à rebondir et à se frayer des marchés.
Les auteurs, Vincent Covolo, Christophe Fargier et Cécile Christallini, ont la trentaine.
Et une sacrée dose d'audace. En l'ouvrant d'abord en 1997. "Il n'y avait rien
autour à l'époque", se souvient Vincent Covolo. Jeunes et ambitieux, la
volonté et le labeur ont fait la suite. En 2000, la brasserie ouvre, sur site, une salle
de concert. 600 places. "Comme ça marchait, nous avons créé une filiale et nous
sommes maintenant organisateurs de spectacles." Entre-temps, l'enseigne a fait
trois petits dans le centre de Lyon. Des bars à bière avec une restauration à
l'identique de Gerland : grandes salades, pain au levain fabriqué maison, gamme de
hamburgers... Ninkasi fabrique 6 types de bières dont une tournante. La Rousse a obtenu
une médaille d'or et l'Ambrée une médaille d'argent au salon de l'Agriculture, à
Paris. La production annuelle atteint 2 500 hectos. Commercialisation, sur place et à
l'extérieur, en fûts et en bouteilles de 33 et 75 cl. Le vendredi soir, le Ninkasi
'anime la bière'. La Firkin, bière rehoublonnée à froid, est posée dans son fût, sur
le comptoir. Les consommateurs se servent eux-mêmes. "Notre spécialisation ne
nous empêche pas de nous intéresser à d'autres boissons, et en particulier aux sans
alcool", souligne Vincent Covolo. A la carte, des jus de fruits pressés par un
producteur de la région. Pomme-coing l'hiver, pêche sanguine l'été... Chiffre
d'affaires 2003 : 2,8 Me HT. D'autres ouvertures sont envisagées, dans 2 ans, après
stabilisation de la gestion.
Vision globale
"Il faut comprendre Lyon avec ses grands projets", insiste
Jean-Claude Boissin. Pas question de résumer les bars de la ville à ceux qui traînent
la jambe. "Les cafés doivent réfléchir à ces mouvements, à ces évolutions.
Quelle que soit leur taille." Sans oublier les préceptes de base, qui sont le
sourire, la qualité, le savoir-faire et la convivialité. Pour ça, Lyon a des
ressources. Roland Bernard a d'ailleurs fait sceller en toutes lettres le mot "convivialité"
sur la carte de visite du syndicat. Excellent.
S. Soubes zzz24
Des brasseries partenaires du Club
qualité apprentissage
L'an dernier, l'Umih 69 lançait un Club qualité apprentissage.
Ses objectifs : donner un nouveau souffle à ce mode de formation "particulièrement
adapté aux besoins des entreprises CHR", rappelle Roland Bernard, et assurer une
formation de qualité dans le respect des exigences mutuelles. Le club comprend
actuellement 40 établissements labellisés. Parmi eux, la Brasserie de la Bourse (69002),
le Grand Café des Négociants (69002) et la Taverne de Maître Kanter Bellecour (69002).
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Interview express
La municipalité est favorable au développement des terrasses, mais pas n'importe comment
Propos recueillis par Sy. S.
L'Hôtellerie : Etes-vous favorable au
développement des terrasses dans Lyon ? L'Hôtellerie : Combien comptez-vous de terrasses
? Et quels sont les horaires de fermeture des établissements ? L'Hôtellerie : Qu'en est-il du vieux Lyon ? Vous
aviez des soucis avec certains aménagements, notamment publicitaires... |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2870 Hebdo 29 avril 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE