du 13 mai 2004 |
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L'annonce du plan d'allégement de charges sociales a fait
couler beaucoup d'encre. La profession va souffrir de cet engagement. Comment
pourrons-nous affecter une part significative des allégements de charges directement au
bénéfice de l'emploi et des salaires ?
Pour ma part, en tant qu'exploitante d'un hôtel-restaurant, je peux prétendre à
80 e par salarié à temps plein, soit 2 e par jour !
Si je veux augmenter les salaires sans perdre de l'argent. Je redistribuerai 1 e
net par jour à mes salariés. Mais attention ! Je ne pourrai le faire que pour les temps
plein.
Cela fait sourire nos employés : 1 e par jour. Moi, ça me révolte.
Comment nos représentants ont-ils pu accepter l'aumône ? Pensent-ils vraiment que
cela va aider les restaurateurs ? Ceux
qui ont des difficultés n'y verront pas plus clair, mais ils seront montrés du doigt
dans les tribunaux de commerce. Comment
ne s'en sortent-ils pas, avec tout l'argent que l'Etat a débloqué pour eux ? Ces
professionnels-là seront traités de mauvais gestionnaires, incapables de diriger une
entreprise ! Si l'accord a été signé dans l'espoir de sauver ces gens-là, c'est raté
d'avance. Ils seront mis en liquidation encore plus rapidement. Quant aux autres, ils
n'attendaient pas d'être traités comme des mendiants. Je me sens humiliée.
Dans 18 mois, l'Etat me dira : "On t'a aidée, tu n'as pas amélioré
les salaires de ton personnel, tu n'as pas embauché, tu n'as pas amélioré ton outil de
travail, tu es toujours en rouge à la banque...
Qu'as-tu fait de tout l'argent qui a été débloqué pour toi ?"
En janvier 2006, l'aumône cessera. Il y a de fortes chances pour que la TVA soit
toujours à 19,6 %, et les professionnels que nous sommes souffriront doublement.
Nous sommes déjà montrés du doigt par le grand public, qui s'imagine que tout
l'argent qui passe dans nos tiroirs-caisses atterrit directement dans nos poches. En 2006,
nous serons traités d'esclavagistes par les Français, qui ne comprendront pas pourquoi,
avec autant d'argent, nous n'avons pu rien faire. Pour ma part, le restaurant représente
2/3 de mon chiffre d'affaires. Avec une TVA à 5,5 %, j'aurais économisé en moyenne 1
700 e par mois. Avec l'allégement des charges, j'économiserai 400 e (5 temps plein à 80
e). Sous réserve que l'aide n'exclue pas certains types de contrats à temps plein du
type emploi-jeune. Une différence pour mon petit établissement de 1 300 e par mois. 1
300 e, cela aurait effectivement aidé à redynamiser l'emploi. J'éprouve un sentiment de
colère, mêlé à un sentiment de trahison de la part de nos représentants.
Ne pas céder, c'était rester en position de force. Avoir accepté, c'était
rendre les armes après des années de lutte. Résister, c'était encore une façon de
sensibiliser l'opinion publique aux difficultés de la profession. La TVA à 19,6 % est
une injustice. Nous demandions réparation de cette injustice, nous ne faisions pas
l'aumône. Le plan d'allégement donne le beau rôle au gouvernement, qui passe pour le
bon Samaritain en ne redistribuant que 10 % de ce qu'il nous vole. A quoi ont servi toutes
nos manifestations de ces dernières années ? Avons-nous toutes ces fois-là laissé nos
établissements, nous sommes-nous frottés aux CRS en étant embarqués comme des voyous
pour obtenir si peu ?
Et dire que nous avons cru nos ministres ! Il y a deux ans, ils se sont servis de
la TVA des restaurateurs pour se faire élire...
Nos représentants n'avaient pas le droit de céder, je suis immensément déçue.
Ils savaient nos entreprises cancéreuses et ont accepté un simple traitement à
l'aspirine. Qu'ils ne s'étonnent pas si l'on en crève dans les deux années à venir.
Odile Masset, Hôtel-restaurant La Coupe d'Or à Lisieux zzz56r
Les professions de l'hôtellerie et de la restauration sont
des métiers difficiles ? Connaissez-vous des métiers faciles ? Oui, sans doute, certains
plus que d'autres.
L'hôtellerie, la restauration, la cuisine appartiennent aux métiers de service,
aux métiers manuels, avec une connotation industrielle : une des instances
représentatives des ces professions, l'Umih, siège bien en qualité d'Union des métiers
de l'industrie hôtelière. Dans tout métier, dans toute industrie, il y a des
dirigeants, il y a des exécutants.
Personnellement, gagné par la 'fibre hôtelière' depuis ma tendre enfance, je
suis issu d'une famille non professionnelle. Mon père, officier de police, nous avait
habitués, fort tôt à la maison, à des horaires décalés, des absences journalières
ou nocturnes, en semaine, les dimanches ou les jours fériés. Il savait, lors de rares
moments de liberté, nous apporter l'affection et l'éducation dont nous avions besoin. Il
faisait partie de ceux qui travaillent quand les autres ont des loisirs.
Que dire des médecins, des infirmiers, des professionnels du spectacle, des
transporteurs en tous genres, routiers, maritimes, ferroviaires ou aériens, des
gestionnaires de parcs de loisirs, des musiciens et des concertistes ? Les exemples ne
manquent pas... et les vendeurs dans les magasins ouverts les fins de semaine, et les
mineurs, les carriers, les sidérurgistes, les pétroliers astreints au travail posté,
sept jours sur sept ? Que dire encore des agriculteurs-éleveurs tenus, deux fois par
jour, chaque jour de l'année, à la traite des animaux ? Et pourquoi, avec les
vétérinaires, n'ont-ils pas encore trouvé le moyen qui obligerait les mises bas
uniquement les jours ouvrables, aux horaires normaux d'ouverture des bureaux ?
Travailler quand les autres se reposent
Oui, dans l'hôtellerie et la restauration, comme dans d'autres métiers, nous
travaillons quand les autres se reposent, quand ils ont des loisirs.
Ah, être chez soi, à cocooner quand les autres font la fête ! Mais au fait,
quand les autres font la fête, ils ne sont pas chez eux non plus !
A-t-on déjà dit combien il était agréable de prendre du repos quand les autres
travaillent ?
Les satisfactions sont nombreuses : se rendre à la poste, à la banque, chez son
garagiste... aux horaires normaux d'ouverture, sans y faire la queue, quand les autres
travaillent, prendre la route les jours de moindre affluence, éviter les traditionnels
bouchons aux dates des grands départs, profiter des tarifs 'hors saison', avoir de la
place sur les plages, à la campagne... Et en même temps, avoir la chance de participer
-comme employé, certes - à des manifestations souvent réservées à une certaine
élite, rencontrer une foule de gens intéressants, leur apporter joie, bonheur et
satiété en leur organisant des nuits reposantes, des repas de qualité, des moments de
convivialité. C'est vrai, ces métiers ont un rythme particulier qui fait que le 'coup de
feu' engendre un stress important. Ce moment où, le midi ou le soir, pour déjeuner ou
pour dîner, les clients se bousculent pour tous se nourrir en même temps. Contrainte
professionnelle que l'on retrouve aussi aux heures de pointe, dans les transports en
commun, aux comptoirs d'enregistrement des voyageurs dans les aéroports, dans les
magasins pour les fêtes ou aux périodes de soldes, à l'ouverture des guichets des
stades lors des grands matchs et dans les salles de spectacle... Et quel plaisir quand, la
pression retombée, les clients vous expriment leur satisfaction. Le sentiment de
réussite efface bien des fatigues.
Il est vrai aussi que les calendriers des vacances scolaires n'autorisent pas une
parfaite vie de famille. Connaissez-vous beaucoup d'actifs qui ont le loisir d'accompagner
leurs enfants pendant toute la durée des vacances scolaires ?
Chaque métier a ses contraintes et ses difficultés
Comparons un mécanicien dans un garage, sous le châssis des voitures, dans une
fosse ou sous un pont élévateur toute une journée de travail, et un cuisinier, debout
dans sa cuisine. Lequel de ces deux employés a le travail le plus pénible ? Et les
électriciens, les peintres, les maçons, les infirmiers... qu'en pensent-ils, de leur
pénibilité ?
Chaque métier a ses 'vedettes'
Viendrait-il à l'idée de comparer un professeur de faculté de médecine avec un
aide-soignant ? Ils appartiennent à la même profession de santé, ils ne font pas du
tout la même chose.
Pourquoi vouloir comparer un chef de cuisine étoilé de réputation internationale
avec le cuisinier de la brasserie de la place d'à côté ? Ils appartiennent à la même
profession, ils ne font pas du tout la même chose.
Chacun, dans sa spécialité, assume ses responsabilités, exécute les tâches
afférentes à sa fonction, assure la promotion professionnelle... Autant d'actions pour
lesquelles tous méritent respect, reconnaissance et conditions de travail satisfaisantes,
et pour lesquelles ils perçoivent des salaires en adéquation avec les accords
partenariaux, même si chacun aimerait qu'ils soient supérieurs ! Arrêtons d'avoir peur
du travail qui fatigue, c'est le propre de chaque activité !
Mais lorsque le professionnel comprend ce qu'il fait et pourquoi il le fait, il
acquiert la motivation qui transforme l'activité en plaisir, qui le rend amoureux de son
métier et qui procure la passion et la reconnaissance.
Jean-Pierre Dézavelle, professeur agrégé,
chef de travaux au lycée hôtelier Alexandre Dumas d'Illkirch-Graffenstaden zzz54m
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L'Hôtellerie Restauration n° 2872 Hebdo 13 mai 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE