du 20 mai 2004 |
VIE PROFESSIONNELLE |
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Après 12 ans à la présidence de l'Umih Tarn, Jean-Robert Chelot, restaurateur à Saint-Sulpice, vient de confirmer son désengagement syndical. Lui, qui s'était présenté en mars dernier à la vice-présidence de la rue d'Anjou*, parle désormais de "fracture syndicale" profonde. Il s'inquiète des répercussions que pourrait avoir l'enveloppe d'1,5 milliard d'euros promise par le gouvernement. Il évoque également la "nécessaire adaptation" de la restauration traditionnelle dans une société qui évolue.
Propos recueillis par S. Soubes
Jean-Robert Chelot : "Je considère que la fracture syndicale qui s'est développée au sein de l'Umih a atteint la rupture." |
L'Hôtellerie : Dans
un courrier que vous venez d'adresser à vos adhérents, vous confirmez votre
désengagement syndical. Pensez-vous que la profession soit à même de se défendre par
d'autres moyens ?
Jean-Robert Chelot : Mon désengagement
syndical est à deux niveaux. Départemental d'abord, national ensuite. Pour le Tarn, mon
désengagement était programmé depuis 3 ans. Après 12 ans de présidence, je pense
qu'il faut passer le relais avant qu'une certaine lassitude s'installe. La fibre syndicale
n'étant pas innée, il faut y penser suffisamment tôt pour que celui ou celle qui
prendra en charge la représentation des professionnels ait le plus rapidement possible la
maîtrise des dossiers. Concernant le national, la décision de mon désengagement a été
prise au lendemain des élections confédérales du 15 mars à la suite de la réélection
d'André Daguin à la tête de l'Umih. Je considère que la fracture syndicale qui s'est
développée au sein de l'Umih a atteint la rupture. La défense de la profession doit
être celle de femmes et d'hommes, chefs d'entreprise élus de terrain, rompus à la
gestion, à l'analyse, à la négociation, à l'argumentation. Tout est à revoir pour que
soit pris en compte la réalité du terrain.
L'Hôtellerie : Vous
évoquez la notion de 'restaurateur citoyen' qui, en échange d'embauche, pourrait
bénéficier des allégements de charge promis... Cette approche semble vous révolter.
Pourquoi ?
Jean-Robert Chelot : Que faut-il faire pour que
les responsables politiques comprennent qu'ils ne sont pas les seuls à avoir la notion de
l'intérêt de la collectivité ? L'idée qui consiste à croire que nous devrions créer
des emplois pour le bon plaisir de la société est digne des régimes totalitaires. Nous
créons des emplois uniquement lorsque nous avons du travail. Et c'est d'autant plus
évident dans notre secteur que nous ne sommes pas 'mécanisables'. Si nous sommes en
conditions économiques favorables, l'embauche se fait naturellement. La démarche qui a
consisté à pousser dans ses retranchements le Premier ministre pour nous accorder ce que
nous ne lui avions pas demandé, a eu des effets négatifs à tout point de vue. On ne
guérit pas un mal de tête en donnant une paire de béquilles. Pour moi, ce milliard et
demi est un piège que nous allons payer chèrement. Notre position est des plus
inconfortable. Vis-à-vis de nos clients, de notre personnel, de l'opinion publique en
général.
L'Hôtellerie : En
tant que professionnel de la restauration, comment voyez-vous la levée du moratoire
européen sur les nouveaux OGM ?
Jean-Robert Chelot : La levée du moratoire
européen sur les nouveaux OGM interpelle autant l'homme que le professionnel de la
restauration. Nous devons (comme pour la TVA) aller au-delà d'une préoccupation
sectorielle. C'est toute une culture qui est en danger aujourd'hui. 'L'exception
culturelle', cheval de bataille de la France, ne devrait-elle pas englober également la
gastronomie.
L'Hôtellerie : "Un
repas sans vin est une journée sans soleil" devrait être à vos yeux le slogan
de la restauration. Cette phrase a-t-elle un avenir possible dans la société telle
qu'elle évolue ? Comment voyez-vous l'avenir de la restauration traditionnelle ? Quelles
sont ses chances selon vous ?
Jean-Robert Chelot : Je suis très soucieux
pour l'avenir de la restauration traditionnelle telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Lorsque j'aborde le sujet, avec le réalisme du quotidien, j'ai pour habitude de donner
des chiffres qui laissent à réfléchir : en 1980, le temps moyen passé à déjeuner
était de 1 h 22, en 2000, il n'était plus que de 38 minutes. Et nous savons bien que la
tendance ne va pas s'inverser demain. S'il est vrai que, viscéralement, le Français a et
aura encore longtemps un intérêt particulier pour la table, l'évolution de notre
société se montre souvent en contradiction avec la qualité de vie qu'elle est censée
nous apporter. Cela pose d'énormes problèmes d'adaptation à la restauration
traditionnelle pour pouvoir s'exprimer au milieu de ces contradictions. Tout est question
d'équilibre me direz-vous ! Eh bien oui, le slogan "Un repas sans vin est une
journée sans soleil" est toujours possible. Ne plus boire de vin du tout serait
un excès dommageable à plus d'un titre : d'abord pour notre patrimoine viticole !
Ensuite pour nos artères ! L'avenir de la restauration traditionnelle sera longtemps une
valeur sûre de la richesse de la vie. Elle est compromise si les professionnels
continuent de rêver qu'elle revienne à une époque révolue. Il y a nécessité
d'adaptation. Il ne s'agit pas de répéter "la modernité, la modernité"
pour faire croire qu'elle arrivera toute seule. Je crains malheureusement qu'on essaye de
nous y faire entrer à reculons... zzz74v
* Jean-Robert Chelot s'est présenté aux côtés de Roland Bernard.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2873 Hebdo 20 mai 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE