du 3 juin 2004 |
ÉDITO |
HOW ARE YOU TODAY ?
Les quelques (trop peu nombreux) Français qui ont franchi
l'Atlantique la semaine dernière pour visiter le grand salon de la restauration de
Chicago, plus connu sous le nom de NRA Show, ont également constaté et apprécié la
vitalité et le dynamisme de la restauration au pays de l'oncle Sam.
Loin des clichés complaisamment répandus par les pourfendeurs de tout ce qui
n'est pas français (en cuisine, du moins), les professionnels d'outre-Atlantique
pratiquent une restauration inventive, fondée autant sur la qualité de l'assiette que
sur un sens aigu de l'accueil et du marketing. On apprend toujours en allant aux
Etats-Unis, et dans tous les domaines.
Passons sur les sempiternelles critiques relatives à la monotonie des cartes de
restaurant, il suffit de chercher pour varier un tant soit peu les plaisirs de la table.
Non, un déjeuner chez Harry Carray, un brunch au Bistrot 110 (tenu par un ancien de chez
Robuchon et dûment sponsorisé par Paul Bocuse) ou un dîner dans l'incroyable italien
Scoosi n'ont rien de désagréable, bien au contraire : le savoir-faire de la cuisine est
à la hauteur des attentes d'une clientèle qui ne s'en laissse pas conter sur le fameux
rapport qualité/prix, d'autant que la concurrence est rude, libéralisme oblige.
Voilà prononcé le mot sacrilège : libéralisme, c'est-à-dire liberté des prix
et du temps de travail, liberté de l'embauche et des salaires, liberté de gestion mais
aussi de création, d'imagination, même si elle tourne parfois au délire (genre
Rainforest ou House of Blues). Mais surtout et avant tout, le service au client,
l'accueil, le marketing poussé dans ses derniers retranchements. A Chicago comme à
Savannah, sur les rives du Pacifique comme dans le désert du Colorado, tout est fait pour
convaincre le consommateur qu'il a fait le bon choix en poussant la porte d'un
établissement plutôt que celui d'en face.
Et c'est probablement ce qui nous manque encore trop souvent : accueillons-nous
toujours les clients avec le sourire et un mot de bienvenue ? Les professionnels font-ils
tout pour les persuader que c'est vraiment le meilleur choix qu'ils ont fait sur la carte
? Un truc de marketing qui marche à tous coups : "You choose the lobster ? It's
my favorite too"... et c'est vendu.
C'est sans doute cet 'esprit de commerce' qu'avait constaté Tocqueville qui fait
aujourd'hui la force du métier en Amérique... et qui parfois nous inquiète. Robert
Henry, chantre de la tradition bistrotière, a bien raison de se demander comment font les
Américains pour faire faire la queue aux gens avenue de l'Opéra en attendant de boire un
café improbable dans un gobelet en plastique. Peut-être parce qu'on leur demande quand
ils entrent dans l'établissement : "Comment ça va aujourd'hui ?"
N'oubliez pas : "How are you today ?"... Ça ne coûte pas grand-chose.
L. H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 2875 Hebdo 3 juin 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE