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du 10 juin 2004
L'ÉVÉNEMENT

Les contreparties pour bénéficier du plan Raffarin

ALLÉGEMENT DES CHARGES CONTRE LA SUPPRESSION DU SMIC HÔTELIER

Dans un courrier adressé au président de l'Umih, Nicolas Sarkozy précise qu'il conditionne l'allégement de charges à une revalorisation des salaires au Smic, qui doit se traduire par l'abandon du Smic hôtelier.

Lors de l'entretien qu'il avait eu le 18 mai dernier avec les organisations syndicales, Nicolas Sarkozy avait confirmé la mise en place de l'allégement de charges pour les CHR à la date du 1er juillet 2004. Mais le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie attendait des engagements fermes et précis de la profession en termes de créations d'emplois en contrepartie de cette mesure. La profession avait déjà exprimé, dans une lettre d'intention adressée à Jean-Pierre Raffarin, les actions qu'elle entendait mettre en place en contrepartie de cette mesure, notamment reverser une partie de l'allégement de charges aux salariés. Jugeant les engagements trop vagues et insuffisants, Nicolas Sarkozy demandait aux organisations patronales de revoir leur copie. La CPIH, la Fagiht et le Synhorcat ont renvoyé jeudi 3 juin à Nicolas Sarkozy leurs propositions initiales, qu'ils ont confirmées et complétées.
En retour, dans une lettre adressée lundi 7 juin à André Daguin, président de l'Umih, Nicolas Sarkozy confirme sa proposition de lier le dispositif d'allégement de charges dans la restauration à une revalorisation des plus bas salaires. "Concrètement, la prime serait attribuée au titre des emplois rémunérés au moins au niveau du Smic de droit commun. Ce dispositif constituerait une incitation puissante à la revalorisation des salaires aujourd'hui régis par le Smic hôtelier. Sans obligation uniforme, c'est-à-dire en laissant à chaque établissement la capacité de décider de sa politique salariale, il permettrait en effet une augmentation de 11 % de la rémunération de ceux des employés qui sont aujourd'hui rémunérés au Smic hôtelier."

Il faudra choisir entre le Smic hôtelier et l'allégement de charges
S'il ne s'agit pour l'instant que d'une proposition et non d'un projet définitif, il faut savoir que les grandes lignes du dispositif sont définies. Les entreprises pourront bénéficier de cet allégement de charges uniquement pour leurs salariés payés au-dessus du Smic hôtelier. Mais le ministre des Finances n'impose pas obligatoirement de supprimer le Smic hôtelier : pour les entreprises dont les salariés sont payés au Smic hôtelier, il leur faudra choisir entre l'application du Smic hôtelier ou le bénéfice de l'allégement de charges. Il pourra être possible, dans une même entreprise, de bénéficier de l'allégement pour certains salariés mais pas pour d'autres, en fonction du montant de leur rémunération.

La particularité du Smic hôtelier
Une des spécificités du Smic hôtelier est d'inclure dans le salaire horaire de base la moitié des avantages en nature nourriture. Ce qui, en pratique, se traduit par la déduction de la moitié des avantages en nature nourriture dans le salaire horaire brut, constituant alors ce que l'on appelle le salaire espèces. Salaire espèces auquel il faut ajouter ensuite la totalité des avantages en nature nourriture. Mais cette possibilité de déduction n'est possible que pour le Smic hôtelier, soit à un salaire horaire de 7,19 e. A partir du moment où le salaire est légèrement supérieur au Smic, même de quelques centimes d'euros, il n'est plus possible de pratiquer cette déduction de la demi-nourriture.
Cette règle a pour principale conséquence de tasser les salaires vers le bas, car une augmentation de quelques centimes d'euros entraîne ipso facto une forte augmentation de salaire, du fait de ne plus pouvoir déduire la demi-nourriture. Ce qui entraîne non seulement une augmentation du salaire brut de 66 e (soit la valeur de la déduction de la demi-nourriture), mais aussi une augmentation des charges sociales de ce salaire brut ; et aussi la diminution du montant des allégements de charges Fillon.
En effet, un salarié travaillant sur la base de 169 heures et payé au Smic à 7,19 e, 5 jours par semaine, aura droit à 2 repas par jour, soit 44 repas par mois, ce qui représente une indemnité avantage en nature nourriture de 44 x 3 soit 132 e. Si ce salarié est payé au Smic, son salaire brut sera composé de 169 h x 7,19 e soit 1 215,11 e, auquel on déduit la demi-nourriture, soit 66 e, et auquel on ajoute les avantages en nature nourriture, soit 132 e, ce qui donne un salaire brut de 1 281,11 e.
Un même salarié payé à 7,20 e de l'heure (soit 1 centime d'euro de plus que le Smic) aura un salaire brut de :
169 x 7,20 = 1 216,80 e, plus les avantages en nature nourriture, soit un salaire brut de 1 348,80 e.
Ce mécanisme du Smic hôtelier n'encourage pas les employeurs à augmenter leurs salariés.
P. Carbillet zzz66f

Ils réagissent
a André Daguin, président de l'Umih :
Il s'agit "d'une formidable occasion de faire sauter le Smic hôtelier. Cette mesure va nous permettre de renégocier globalement avec les partenaires sociaux et de sortir de l'ornière dans laquelle nous sommes depuis quelques mois. Cela va nous permettre de négocier sur de nouvelles bases. Nos propositions en vue d'une négociation collective vont être revues si on doit supprimer le Smic hôtelier. Pour créer des emplois dans le secteur, il faut se donner les moyens, et notamment augmenter les salaires".

a Jean-François Girault, président de la CPIH :
"Je suis favorable aux revalorisations de salaires, mais comment les TPE vont-elles assumer ces augmentations de charges ? Je ne me vois pas accepter quelque chose qu'elles ne pourront jamais mettre en place. Il faut être raisonnable. On doit faire évoluer la profession dans un sens acceptable pour les entreprises."  

a Jacques Jond, président de la Fagiht
"Dans le texte que nous avons adressé à Nicolas Sarkozy jeudi 3 juin, nous avons confirmé et complété les engagements que nous avions déjà faits à Jean-Pierre Raffarin. Nous ne pouvons pas être liés par des engagements pris par l'Umih, qui parle en son nom et ne peut parler au nom de toute la profession."

< Didier Chenet : "On est dans la confusion la plus totale"

Le président du Synhorcat déclare notamment : "Si ça continue, on va passer à côté de notre chance de pouvoir signer un avenant à la convention collective. En effet, au jour d'aujourd'hui, on constate une meilleure volonté d'aboutir de la part de nos partenaires sociaux. Quand le gouvernement a annoncé son plan d'allégement de charges pour la profession, c'était à titre transitoire, et en dédommagement de ne pas avoir obtenu la baisse de TVA, non pas en accompagnement de mesures sociales dans la profession.
Aujourd'hui, on entend parler d'une suppression du Smic hôtelier en échange de cet allégement de charges, c'est-à-dire de supprimer la déduction de la demi-nourriture dans le salaire espèces.
Dans le cadre de rencontres informelles avec les syndicats salariés, nous sommes en train de discuter un accord RTT sur la base de 39 heures. Nous avons décidé que chaque organisation syndicale rencontrait en binôme chaque syndicat de salariés afin de discuter pour trouver un terrain d'entente avant de se retrouver en mixte paritaire. On a prévu de proposer un projet global qui regroupe l'ensemble des souhaits patronaux. Actuellement, la préférence du Synhorcat va à une augmentation des salaires, quand d'autres préfèrent parler en jours de congés payés supplémentaires.
On peut aussi concilier les deux en laissant le choix aux entreprises d'appliquer le système qui est le plus adapté à leur structure. On est en train de négocier un avenant à la convention collective et, de l'autre côté, on vous annonce que si vous désirez bénéficier de cet allégement de charges, vous devez supprimer la déduction de la demi-nourriture. Mais en laissant aussi le choix aux entreprises de ne pas supprimer cette déduction et, dans ce cas, elles ne bénéficieraient pas des allégements de charges. Ce qui aurait comme principale conséquence de créer encore une catégorie de salariés à part. Avec une excellente mesure, on va compliquer et rendre plus difficile encore la lisibilité en termes de rémunération dans la profession.
Avec l'appui de Jean-François Roubaud, président de la CGPME, nous demandons que ce dossier soit traité globalement et de façon cohérente avec l'ensemble de nos ministres de tutelle, c'est-à-dire avec Christian Jacob, ministre délégué des PME, Jean-Louis Borloo, ministre du Travail, et Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme chapeautés par Nicolas Sarkozy.
Pour le Synhorcat, il est impensable de discuter en matière sociale sans que ne soient impliqués nos ministres de tutelle.
Nous sommes pour la discussion et pourquoi pas pour la suppression du Smic hôtelier, mais dans le cadre d'un accord global qui serait un avenant à la convention collective. Si on prend des engagements durables, on veut des mesures durables aussi de la part du gouvernement. On n'a pas de tabou mais, une fois encore, nous n'allons pas prendre de décisions temporaires qui vont gêner les discussions sur la convention collective. Les entreprises du secteur ne pourront pas passer deux fois à la caisse.
Cette mesure entraîne une augmentation de plus de 10 % des salaires, les entreprises ne pourront pas par la suite, en plus, appliquer un accord qui imposera des jours de congés payés supplémentaires ainsi qu'un régime de prévoyance. Nous sommes pour des solutions durables et équitables."

Les engagements de la profession

Trois organisations patronales, la CPIH, la Fagiht et le Synhorcat, ont envoyé jeudi 3 juin à Nicolas Sarkozy une proposition qui confirme les engagements pris auprès de Jean-Pierre Raffarin et complètent les engagements de la profession en contrepartie du plan d'allégement de charges sociales. Morceaux choisis.

..."Compte tenu des assurances que vous nous avez données sur ces mesures, nous avons pris immédiatement les dispositions nécessaires pour relancer le dialogue social dans le secteur Cafés, Hôtels, Restaurants et Discothèques. Nous pouvons d'ores et déjà vous annoncer notre volonté d'aboutir le plus rapidement possible à la signature d'un accord collectif national permettant aux 600 000 salariés du secteur de bénéficier, notamment, des avancées sociales suivantes :
- octroi de 5 jours de repos conventionnels en plus des congés légaux ou paiement de la rémunération correspondante,
- octroi de jours fériés supplémentaires,
- instauration d'un dispositif de prévoyance comportant les garanties : décès, invalidité, incapacité temporaire.

Ce projet global se traduira par une augmentation significative de la masse salariale de 4 à 5 % au niveau de la branche, soit 500 à 650 millions d'euros par an.
Cette somme équivaut à plus de la moitié des allégements de charges qui seront reçus par les entreprises. Ne sont pris en considération ni l'augmentation substantielle du Smic au 1er juillet prochain, ni la mise en place du 'jour férié solidarité' dont le coût sera d'autant plus important pour les entreprises CHRD qu'elles travaillent dans leur grande majorité en continu sur l'ensemble des jours de l'année, tout particulièrement l'hôtellerie. Au surplus, la profession s'engage à réformer les modalités du Smic hôtelier à la date d'obtention définitive de la baisse du taux de TVA de 19,6 à 5,5 % en restauration.
En outre, dans ce secteur qui a déjà réduit le temps de travail des salariés de 45 à 39 heures hebdomadaires depuis 1997 (et de 52 à 39 heures pour les veilleurs de nuit), cette négociation sociale serait un exemple réussi d'un accord collectif fixant une durée du travail hebdomadaire à 39 heures au lieu des 35 heures imposées par le dispositif des lois Aubry.
Ces différentes avancées sociales doivent nous permettre de rendre le secteur plus attractif et donc de répondre à terme aux offres d'emploi non satisfaites qui, selon les données de l'ANPE en 2002, atteindraient jusqu'à 70 000 postes.
Enfin, le plan d'allégement de charges et plus encore la réduction du taux de TVA au 1er janvier 2006 stimuleront la création d'emplois nouveaux sachant que les experts (voir notamment rapport Piketty-Fondation Saint-Simon décembre 1997) évaluent ce potentiel à environ 200 000 emplois."

André Daguin reçoit une délégation de la CFDT et de la CGT


Face à André Daguin, la délégation CFDT (dont Johanny Ramos, Didier Brulé et Héléna Stanciu).

André Daguin, président de l'Umih, a reçu vendredi 4 juin une délégation de responsables CFDT et CGT du secteur, en marge de la manifestation organisée ce jour-là.
Dans le cadre d'une semaine d'action nationale pour obtenir l'ouverture de négociations dans la branche, la fédération des services CFDT, rejointe par la CGT, avait appelé les salariés de la branche hôtellerie, tourisme et restauration à une journée d'action et de mobilisation le vendredi 4 juin pour de "meilleurs salaires et conditions de travail". Plus de 300 salariés du secteur ont manifesté ce jour-là à proximité du siège social de l'Umih. Les syndicats sont ressortis déçus de cette réunion, faute d'engagement suffisamment concret. "André Daguin nous a promis des augmentations substantielles de salaires qui pouvaient aller jusqu'à 10 %, et dès le 1er juillet, sous la double condition que les allégements de charges promis par le gouvernement soient effectifs et que les employeurs obtiennent des aménagements supplémentaires sur les avantages en nature nourriture. Encore des promesses et pas d'engagements précis. Pour l'instant, nous n'avons toujours pas de texte sur lequel négocier. Nous devons continuer notre mobilisation."

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L'Hôtellerie Restauration n° 2876 Hebdo 10 juin 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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