du 24 juin 2004 |
PERSPECTIVE & CARRIÈRE |
Restaurant La Chamaille (89)
Preuve qu'un péché mignon peut être utile à une carrière, cela fait plus de 20 ans qu'il y consacre sa vie par passion et par ambition.
Hervé Ancelot s'applique à préparer une assiette colorée et harmonieuse pour le plaisir des yeux et des papilles. |
A
37 ans aujourd'hui, ce père de 4 enfants, originaire de Corbie (80), dirige, avec sa
femme, son propre restaurant dans une demeure de charme datant des XVIe et XVIIIe siècles
à Chevannes, à 5 minutes au sud d'Auxerre (89). Mais avant d'atteindre cette
indépendance, il a travaillé dur.
A 15 ans, il part à Londres, pour un stage dans les cuisines de l'un des
restaurants des frères Roux. Le stage est court (2 mois), intense (il se souvient qu'il a
pleuré souvent), mais déterminant. Hervé Ancelot se rappelle encore d'un "T'inquiète
pas petit, tu y arriveras dans la vie", glissé discrètement par le chef du
restaurant, Jean-Louis Taillebau. Cette phrase aurait pu être anodine, mais elle le
marque profondément et l'encourage à aller de l'avant.
Il veut évoluer rapidement
Aussi, de retour à Paris, il est décidé à devenir cuisinier et à réussir dans
ce métier. Il prépare un CAP de cuisine, puis il enchaîne les postes, à Paris d'abord
comme premier commis, puis en Grande-Bretagne, comme chef de partie dans un Relais &
Châteaux, enfin, dans la Manche comme chef de partie dans un hôtel-restaurant 1 étoile
Michelin, et comme second de cuisine dans les cuisines d'Emile Hardy, deux fois finaliste
du MOF.
Après un an à ce poste, il veut évoluer. "J'ai donc passé une annonce
dans L'Hôtellerie, comme je le faisais à chaque fois que je recherchais un poste.
De mémoire, le texte de l'annonce était le suivant : 'Jeune chef ambitieux cherche
place'. Cette fois-là, j'ai reçu 150 réponses."
Il choisit alors une place de chef à L'Ancre Dorée, un restaurant 2 fourchettes
Michelin. "Avec le recul, je me rends compte que j'ai voulu grimper les échelons
trop vite. Nous étions 8 en cuisine, dont 2 chefs de partie et 3 apprentis, et ce fut
difficile de les manager et de me faire respecter. A 22 ans, je ne savais pas qu'en
prenant un verre avec un apprenti après le service, il oublierait qu'en cuisine, je
n'étais pas son copain mais son chef."
Première tentative de gérance appointée
En 1992, il tente une première expérience de gérant appointé à Paris avec sa
femme, Florence, rencontrée 2 ans plus tôt. "Les patrons nous avaient dit que,
si on s'en sortait bien, on pourrait devenir gérants libres au bout de 3 ans. Mais on
était jeune, et on n'a pas vu toutes les ficelles du contrat. J'étais en cuisine, ma
femme en salle, et on devait servir en moyenne 33 couverts par service. Le contrat nous
interdisait d'embaucher. Nous étions payés seulement 5 900 francs nets chacun, pour
travailler nuit et jour, et voir nos enfants seulement le week-end... Cela était
impossible. Ajoutez à cela que nous avions des doutes sur l'honnêteté des
propriétaires... On a démissionné au bout de 4 mois."
Après 14 ans de mariage et 4 enfants, Hervé et Florence Ancelot sont toujours aussi unis dans la vie et dans le travail. |
Reculer pour mieux sauter
Après cette première expérience décevante, Florence et Hervé Ancelot ont
abandonné un temps toute tentative de gérance. C'est seulement en 2000 qu'ils prennent
la gérance libre dans un établissement d'Auxerre et de son équipe de 17 personnes,
salle et cuisine confondues. "Nous avons alors travaillé près de 18 heures par
jour, à dormir entre 5 et 6 heures par nuit. Pour la garde de nos enfants, on avait une
nourrice la journée, et une autre le soir. C'était beaucoup de sacrifices, et nous nous
étions donnés 5 ans pour dégager un bon chiffre d'affaires et économiser suffisamment
d'argent pour acquérir notre propre affaire. Et nous avons réussi, car après 3 ans,
c'est-à-dire en décembre 2002, nous avons pu mettre de côté 152 000 euros (1 MF), ce
qui nous a permis d'acquérir La Chamaille."
La réussite à force de persévérance
Cela fait maintenant 1 an et demi que Florence et Hervé Ancelot se sont investis
corps et âme dans ce restaurant : lui en cuisine, elle en salle. "Nous avons
acheté la société avec ses dettes, le fonds et les murs pour 41 000 euros (2,7 MF). Il
y a 600 m2 au sol dans le bâtiment, et 1,8 hectare de terrain. Nous proposons également
3 chambres d'hôte. A notre arrivée, nous avons décidé d'ouvrir tous les jours alors
que les précédents propriétaires fermaient 2,5 jours par semaine, et nous avons refait
la carte pour proposer une cuisine traditionnelle régionale mise au goût du jour. Le but
est que la clientèle puisse déguster des produits connus, mais cuisinés de telle façon
qu'ils ne le feraient pas eux-mêmes." Et le style du chef semble plaire
à la clientèle locale. Preuve en est le chiffre d'affaires de l'année 2003 qui a
augmenté de 20 %, et les clients qui leur confient écrire aux guides gastronomiques pour
signaler la qualité de l'établissement. zzz18p
T. Beausseron
6 dates
a 1984
CAP de cuisine
a 1989
Première place de chef au restaurant L'Ancre Dorée (50)
a 1998
Chef et directeur du restaurant Les Clairions (89)
a 2000
Chef et gérant libre du restaurant Les Clairions
a 2003
Chef et propriétaire du restaurant La Chamaille (89)
a 2004
Obtention du brevet de maîtrise.
Près de 11 maisons en 13 ans
Avant de se stabiliser dans l'Yonne, Hervé Ancelot reconnaît qu'il avait
la 'bougeotte'. De 1985 à 1998, il travaille dans pas moins de 11 maisons, et reste en
moyenne entre 4 et 18 mois dans chaque établissement. Mais il conseille aux jeunes de ne
pas suivre cet exemple. Pour lui, il est bon de rester au minimum 2 ans dans un même
établissement pour bien se former.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2878 Hebdo 24 juin 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE