du 24 juin 2004 |
ACTUALITÉ JURIDIQUE |
Plan de lutte contre le travail illégal
Les CHR font partie des 4 secteurs d'activité montrés du doigt par le gouvernement en raison de leurs taux élevés d'infractions au droit du travail. Le plan de lutte contre le travail illégal présenté par Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, met en place des actions spécifiques à chaque secteur mis en cause. Plan qui combine des moyens de préventions et de répression.
Jean-Louis
Borloo, ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, et Gérard Larcher,
ministre délégué aux Relations du travail, ont présenté vendredi 18 juin à la
commission nationale de lutte contre le travail illégal un plan de lutte contre le
travail illégal pour les années 2004-2005. Depuis sa création en 1997, cette commission
ne s'était réunie qu'en 1998. C'est une véritable bataille contre le travail au noir
que vient d'engager Jean-Louis Borloo. "Il en va de la cohésion sociale. La
guerre est déclarée et nous serons absolument intraitables", a martelé
Jean-Louis Borloo à l'issue de cette réunion. "Le travail illégal porte
atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs, à leurs conditions de travail et de
rémunération, ainsi qu'à notre système de protection sociale", a-t-il ajouté
en précisant qu'un tiers du déficit du financement de notre système de protection
sociale y était lié plus ou moins directement. Sans parler des distorsions de
concurrence que cela entraîne entre les entreprises qui respectent les règles du jeu et
les autres. En outre, selon l'Insee, le travail au noir représente chaque année une
perte sèche de 55 milliards d'euros pour les caisses de l'Etat.
Sans pour autant négliger les autres secteurs, le plan concentre la lutte contre
le travail illégal sur 4 secteurs d'activité : le spectacle vivant et enregistré,
l'agriculture, le bâtiment, et les hôtels, cafés, restaurants. Ils ont été désignés
"à la demande même des professionnels du secteur", a déclaré
Jean-Louis Borloo, qui table sur une mobilisation des partenaires sociaux. Si les abus
dans le monde du spectacle sont massifs, ont insisté les deux ministres, les trois autres
secteurs enregistrent le plus fort nombre de procès-verbaux. Le secteur des CHR
représente 18,6 % des infractions constatées et le BTP 19,1 %.
Donner plus de moyens à
l'administration
Le plan s'articule autour de 3 axes principaux d'actions. Le premier axe vise à
renforcer les moyens de l'inspection du travail et à recruter 85 inspecteurs qui
viendront rejoindre les 450 actuels. Il est aussi prévu de renforcer les effectifs des
contrôleurs du travail, qui sont actuellement 800 - mais il reste encore à en définir
les modalités. Cette hausse des effectifs s'accompagnera d'un plan de formation et d'une
adaptation des services au travail en réseau avec tous les corps administratifs et
organismes concernés par cette lutte.
Un deuxième axe vise à étendre la coopération entre les corps de contrôle de
l'inspection du travail, mais aussi douanes, polices, avec les organismes gestionnaires
des aides publiques comme l'Unédic, les Urssaf et l'ANPE. Ceci afin de pouvoir disposer
de l'ensemble des données, ce qui permettra de reconstituer des parcours individuels ou
des filières complexes. Il est prévu d'associer la DGCCRF à ce réseau. Ses agents
auront désormais la compétence pour verbaliser directement les employeurs en infraction.
Quant au troisième axe, il rappelle que la suppression des aides publiques aux
entreprises verbalisées constitue une sanction dissuasive qui devra être appliquée
strictement.
Parallèlement, Jean-Louis Borloo rappelle les sanctions prévues par le Code du
travail : "Les contrevenants risquent 3 ans de prison et 35 000 e d'amende."
Les pratiques reprochées à la
profession
Selon le rapport, dans le secteur des cafés, hôtels, restaurants, le recours au
travail dissimulé est en constante augmentation, avec un taux de verbalisation qui
augmente de 92 % depuis 6 ans. Quand, parallèlement, le secteur connaît des difficultés
de recrutement récurrentes. Avec 100 000 établissements recensés, ce secteur se
caractérise par une multiplicité de petites structures. Le recours au travail saisonnier
y est important puisque ce sont 536 000 personnes recrutées dans le cadre de contrats
d'une durée moyenne inférieure à 80 jours. Au cours des années 1998 à 2003, les
services administratifs ont dénombré au moins 5 types de pratiques répréhensibles
utilisés par la profession.
La forme classique de travail illégal est celle de dissimulation de salariés :
c'est ce qu'on appelle le travail au noir. Dans ce cas, le salarié ne fait l'objet
d'aucune déclaration sociale ni fiscale et est entièrement payé de la main à la main.
Mais cette forme de travail au noir a diminué au profit d'une autre forme dérivée du
travail au noir, que certains qualifient de 'travail au gris'. Cette pratique consiste à
minorer le nombre d'heures effectuées par un salarié, en le déclarant à temps partiel
ou en ne déclarant pas la réalité des heures effectuées. Le rapport rappelle que dans
le secteur des CHR, 45 % des salariés sont déclarés en temps partiel, soit presque un
salarié sur deux.
Les établissements de chaîne sont aussi visés par ce rapport, qui leur reproche
plus particulièrement le détournement du statut de franchisé ou de mandataire
indépendant par le biais de montages juridiques sophistiqués, ainsi que le recours à la
fausse sous-traitance, notamment pour les tâches de nettoyage.
Autre pratique dénoncée, l'usage abusif du statut de stagiaire à des jeunes
salariés ou à des étrangers qui ne sont pas rémunérés. Un bilan de la Dilti
(Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal) met en avant
l'utilisation abusive de stagiaires en provenance des pays de l'Est sous couvert d'accords
d'échanges internationaux, en particulier pendant les mois d'été, qui correspondent à
la saison touristique. Des hôteliers de Lourdes ont été condamnés pour avoir employé
des stagiaires polonais.
Sans parler des faux détachements de salariés d'entreprises étrangères ou de la
fausse prestation de service assurée par une société étrangère dans les secteurs du
tourisme d'hiver ou d'été ainsi que dans les débits de boissons. Il s'agit
principalement du problème des tour-opérateurs anglais, qui font une véritable
concurrence aux exploitants hôteliers français. Trois départements alpins (l'Isère, la
Savoie et la Haute-Savoie) sont particulièrement touchés. Des établissements
hôteliers, d'origine britannique, mais de droit français, emploient du personnel
salarié de nationalité britannique sans respecter le Code du travail ni le régime
social français.
Mobiliser et responsabiliser les
professionnels
Le plan national d'action prévoit pour l'année à venir dans le secteur des CHR
une plus grande implication des professionnels.
Dans le cadre des commissions départementales de lutte contre le travail illégal,
les professionnels sont invités à s'engager sur des objectifs précis concernant les
conditions d'accueil, de logement, d'emploi et de travail. De même, il est prévu qu'une
campagne d'information et de prévention accompagnera le plan avec l'objectif de
sensibiliser les professionnels français et les tour-opérateurs français sur les
risques encourus en matière d'infractions.
Le plan prévoit aussi une participation des partenaires sociaux pour évaluer le
temps de travail dans la profession. Et l'administration exercera des contrôles ciblés,
plus particulièrement à l'encontre des stagiaires ainsi que sur la main-d'uvre
saisonnière. En outre, les stations touristiques feront l'objet de contrôles renforcés.
zzz66e
P. Carbillet
"Ne jetons pas le discrédit sur
l'ensemble de la profession", déclare l'Umih
"L'Umih, qui approuve la mobilisation du gouvernement contre le travail
illégal. Quelques chefs d'entreprise qui ne respectent pas les lois portent préjudice à
l'ensemble du secteur. Ils doivent être sanctionnés.
Mais ne jetons pas le discrédit sur l'ensemble des exploitants qui ont
conscience que la modernité et l'image du secteur sont en péril lorsque seuls des
comportements isolés et minoritaires sont stigmatisés."
"Il faut maintenant passer aux
actes", déclare la CFDT
"La réunion de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal
du 18 juin doit marquer une réelle relance de l'action dans ce domaine.
Si les orientations proposées vont dans le bon sens, la CFDT attend de
connaître les moyens concrets qui seront affectés sur le terrain pour soutenir cette
politique.
Le coût économique, social et humain du travail illégal est un véritable
fléau pour notre société. Les salariés concernés sont les victimes d'un système
inacceptable.
Aussi, la relance d'une véritable politique de lutte contre le travail illégal
nécessite la mobilisation de tous les acteurs concernés. Elle doit nécessairement
s'inscrire dans la durée pour produire les effets attendus."
Article précédent - Article suivant
Vos questions et vos remarques sur le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie Restauration n° 2878 Hebdo 24 juin 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE