du 29 juillet 2004 |
ÉDITO |
CONTRÔLEURS ET CONTRÔLÉS
Au début du XXe siècle, l'immense Anatole France (mais qui
lit encore Anatole France ?), fin observateur de la société de l'époque, s'exclama :
"La République gouverne mal, mais je lui pardonne car elle gouverne peu !".
C'était en quelque sorte le bon temps. Aujourd'hui, non seulement la République gouverne
de plus en plus mal, mais elle se mêle de tout, y compris parfois de ce qui ne devrait
pas la regarder. Le contribuable qui fait les comptes du coût de l'incompétence des
dirigeants de certaines entreprises publiques dirigées par de 'hauts' fonctionnaires
transfuges de l'inspection des finances sait à quoi s'en tenir sur la qualité des
bureaucrates qui nous gouvernent.
Hélas, ce n'est guère mieux ailleurs, si l'on mesure les
calamiteuses gestions de certains services publics, collectivités locales et autres
sociétés d'économie dite mixte.
En revanche, les libertés, pour ne pas dire plus, que ces messieurs de la bureaucratie
s'octroient sans sourciller sont largement compensées par la rigueur qu'ils exercent sans
faiblesse sur les entreprises privées, pourtant largement pourvoyeuses d'impôts, taxes
et contributions diverses qui alimentent les caisses perpétuellement percées de
l'administration.
Et l'été est propice à ces mâles démonstrations d'autorité dont on suppose qu'elles
s'appliquent avec égalité à l'ensemble des citoyens. Mais ce n'est point faire preuve
d'esprit subversif que de s'interroger sur la méthode employée à l'égard de
professions dont il semblerait qu'elles fassent actuellement l'objet d'une sollicitude
accrue de la part des fonctionnaires. Cela peut parfois tourner au comique de situation,
comme récemment à Port-Cros, où des pandores déterminés ont débarqué à l'heure du
service dans un restaurant, le revolver à la hanche, sans doute mandatés pour rétablir
l'ordre républicain menacé par une grave sédition : en fait, ils venaient
contrôler
la conformité des 'cigales de mer' au descriptif d'un document officiel
! Rassurons-nous : les cigales concernées étaient conformes. On respire.
Autre cas, plus sérieux mais tout aussi révélateur : la 'descente' de 60 fonctionnaires
(oui, 60) accompagnés de 40 gendarmes - on n'est jamais trop prudent - au centre
commercial de Créteil-Soleil, pour débusquer d'éventuelles infractions au travail
clandestin. Bien sûr, l'opération fut menée à l'heure du service, en pleine affluence
sans égard pour la clientèle ni le personnel. Sans mettre en cause la nécessité de ces
contrôles à l'égard du fléau qu'est le travail dissimulé, il n'en demeure pas moins
que de tels déploiements de force s'assimilent inévitablement à de l'intimidation. On
prend davantage de gants pour interroger les dirigeants déchus du Cac 40, convoqués
nuitamment et discrètement à la brigade financière avec leur avocat. Le manant sera
prié de prouver sa bonne foi dans des conditions plus pénibles. Quant au restaurateur du
même centre commercial en règle avec les administrations du travail, du fisc, de
l'hygiène, de la Sécurité sociale (ouf !), il a modérément apprécié l'infraction
relevée à son encontre pour
absence d'un rouleau de papier hygiénique dans les
toilettes. Mais si !
Un autre esprit fin du siècle dernier, Jean Giraudoux, nous l'avait bien dit : l'avenir,
c'est le contrôleur des poids et mesures.
L. H. zzz80
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