du 05 août 2004 |
HÉBERGEMENT |
En Hongrie
MALGRÉ UN MARCHÉ DIFFICILE, LES HÔTELIERS ATTENDENT UN BOOM DE VISITEURS
Depuis le 1er mai dernier, l'Union européenne compte 10 pays de plus susceptibles de jouer un rôle important dans le développement économique de la région, et notamment dans le domaine de l'industrie hôtelière.
En effet, le tourisme reste un facteur essentiel de rapprochement entre les peuples avides de mieux se connaître et de s'apprécier. Au-delà de toute considération philosophique, c'est d'abord le pragmatisme qui doit s'imposer.
Dix pays dont certains à vocation touristique très marquée, comme Malte, Chypre ou la République Tchèque, mais aussi la Hongrie, dont la capitale évoque les fastes de l'empire austro-hongrois, Sissi qui fait toujours rêver et le beau Danube qui a oublié d'être bleu.
A titre d'exemple, nous vous proposons une rencontre avec les hôteliers de Budapest.
L'euro en 2008 La guerre des prix |
D'après les dirigeants de l'hôtellerie de Budapest, il fallait s'attendre à une forte croissance de la fréquentation - notamment dans le haut de gamme - dès l'entrée de la Hongrie dans l'Union européenne. Minimisant les effets négatifs du contexte international, ainsi que la rude concurrence sur le marché de Budapest, les hôteliers prévoient ainsi un nombre croissant de visiteurs vers les autres destinations hongroises liées notamment au thermalisme. "Nous espérons à moyen terme un effet positif de l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne sur le marché de l'hébergement. Lorsque les conditions économiques seront unifiées et simplifiées, la Hongrie deviendra encore plus attractive pour les investisseurs étrangers", déclare Sébastien Kramer, directeur des ventes du 5 étoiles Kempinski Corvinus. Et d'ajouter : "Nous considérons également comme très positive l'introduction de l'euro en 2008, qui permettra de clarifier notre politique de prix et de les comparer avec nos concurrents européens." De son côté, Jean-François Pélouard, directeur général de l'hôtel Andrassy, un boutique-hôtel propriété du groupe immobilier français Orco, soulignait en avril dernier : "J'attends davantage d'hommes d'affaires à Budapest à partir du mois de mai, à l'heure où les investisseurs potentiels s'intéresseront plus aux opportunités de notre marché."
Une nouvelle demande
Jean-François Pélouard prévoit également une nouvelle demande en provenance
des hommes d'affaires allemands, français et britanniques. Néanmoins, ajoute-t-il, les
citoyens des autres pays d'Europe viendront faire du tourisme d'agrément.
Même son de cloche de la part de Jo Gavie, directeur général du 5 étoiles Corinthia Aquincum : "L'entrée
dans l'Union européenne aura un impact positif sur le marché touristique ; je crois que
la Hongrie, et Budapest en particulier, est à la veille d'une redécouverte, car l'Europe
centrale est en passe de devenir une destination privilégiée pour les incentives, à
l'instar de ce qui se passe à Prague depuis 2 ans. D'ailleurs, la tendance à la hausse
est déjà clairement décelable : le premier trimestre a été conforme à nos
prévisions."
Mais Budapest n'est pas toute la Hongrie. Pour
Barbara Kuhling, présidente de Best Western Europe centrale, il faut prévoir un
accroissement des voyages d'affaires, mais également une forte hausse de la demande
touristique vers les centres de thermalisme, les lacs, les zones rurales, vers des
destinations secondaires inconnues à ce jour des visiteurs d'Europe occidentale.
Non, Alain Ducasse n'a pas encore installé son enseigne sur les rives du Danube, mais il fait des émules. Ainsi, au pied du château de Buda qui domine le fleuve, un restaurateur a amarré une belle péniche transformée en établissement à l'enseigne bien connue de Spoon. |
Heureuse coïncidence ?
Selon Jo Gavie, l'explosion des compagnies aériennes à bas prix desservant
l'aéroport de Budapest va développer la demande touristique de façon exponentielle : "Il
ne s'agit pas d'une coïncidence si ce phénomène se produit au moment de l'entrée dans
l'Union européenne", précise-t-il. Sans oublier d'attirer l'attention sur le
potentiel de l'Extrême-Orient et plus particulièrement du marché japonais actuellement
en forte croissance alors que les premiers groupes chinois sont venus à Budapest au début de l'année. Mais, selon un autre
hôtelier, les effets positifs de l'adhésion à l'Union européenne mettront du temps à
se manifester : "Nous ne pensons pas qu'une croissance rapide va se déclencher du
jour au lendemain", dit Eva Trembacz, directrice des relations publiques du
Marriott Budapest, qui se félicite néanmoins de l'action conduite par les services
officiels du tourisme hongrois.
Contrastes Ces deux clichés illustrent les différentes formes de développement de l'hôtellerie de Budapest.
Dans la vieille ville de Buda, sur la colline qui domine la cité, le Hilton s'est installé depuis quelques décennies dans un couvent dominicain du XIIIe siècle. Lors de son ouverture, on s'en doute, la polémique avait animé bien des conversations en ville. En revanche, dans la moderne Pest, Intercontinental a posé un bâtiment d'architecture contemporaine sur les rives du fleuve. |
Y aller ou pas
A la suite des attentats de Madrid, les hôteliers de Budapest considèrent que
les déplacements internationaux seront affectés, et bien sûr plus particulièrement à
destination de l'Espagne : "Je crains que les Américains et les Asiatiques ne se
détournent de l'Europe, surtout si leur circuit inclut les grandes capitales",
estime Barbara Kuhling, de Best Western, qui toutefois ne croit pas à un effet dissuasif
sur les voyageurs européens.
Pour Jean-François Pélouard, l'Europe centrale pourrait même bénéficier d'un afflux
de touristes en provenance d'Europe occidentale, au détriment des destinations lointaines
: "Bien que les volumes soient restés faibles, nous avons déjà assisté à un
transfert de l'Egypte vers Budapest lors d'attentats dans ce pays." Et Jo Gavie
de renchérir : "Je ne crois pas à un effet négatif sur l'Europe centrale. Au
contraire, les vols bon marché et l'accès facile par la route vont drainer les flux
touristiques vers la Hongrie. De toute
façon, les voyageurs intègrent aujourd'hui le risque inhérent à tout
déplacement."
Le palais Gresham : un nouveau fleuron de
l'hôtellerie hongroise
Au coeur du Budapest, face
au célèbre pont des Chaînes, le palais Gresham connaît une nouvelle vie depuis
l'ouverture au mois de juin dernier d'un hôtel Four Seasons dans ses murs. Au terme d'une
rénovation |
De nouveaux intervenants sur le marché
Quant à l'ouverture de deux 5 étoiles, le Four Seasons Gresham et le New York
Palace, les hôteliers estiment bien évidemment qu'ils vont rendre la concurrence locale
plus difficile, du moins dans l'immédiat. A long terme, en revanche, ils espèrent des
retombées positives dues à un intérêt croissant pour Budapest en tant que destination
touristique.
"L'arrivée de nouveaux opérateurs sur le segment du luxe va contribuer à faire
de Budapest une destination haut de gamme", selon Jo Gavie, qui y voit l'occasion
d'une meilleure promotion de la capitale hongroise.
Et pour Jean-François Pélouard, "même si ces ouvertures vont rendre la
concurrence plus vive, elles vont contribuer à l'apport d'une nouvelle clientèle grâce
à leurs réseaux de commercialisation". Selon Eva Trombacz, Marriott, le marché
hôtelier de Budapest est resté très concurrentiel ces dernières années, et cette
tendance se confirme sur le segment du haut de gamme : "Le nombre d'acteurs sur le
marché s'est accrû récemment, mais grâce à la croissance et à nos efforts de
marketing, le nombre de touristes a progressé au cours du second semestre 2003 avant de
se stabiliser depuis le début 2004."
Le prix des étoiles
Mais tout n'est pas rose dans le ciel de l'hôtellerie hongroise. Sébastien
Kramer, Kempinski, témoigne : "Une guerre des prix s'est déclenchée et tous les
hôtels pratiquent une politique tarifaire très flexible. Ce ne peut être une solution,
car une chute de revenus met l'emploi en danger", ce que confirme Jo Gavie, pour
qui les pratiques de discount ne peuvent aller trop loin : "Je ne crois pas aux
rabais systématiques, mais à une stratégie dynamique de prix et de produits."
Néanmoins, certaines circonstances ont des incidences tarifaires : ainsi Marriott offre
une promotion très intéressante à la clientèle à l'occasion du dixième anniversaire
de sa présence en Hongrie. Mais Jean-François Pélouard considère qu'une politique de
discount systématique rend très difficile le maintien des prestations de qualité dans
le haut de gamme : "Baisser les prix sur le segment 5 étoiles n'est jamais
bénéfique ni pour le produit ni pour le service. Un authentique 5 étoiles doit
pratiquer les prix de sa catégorie. Ainsi, l'hôtel Andrassy s'est lancé dans une
coûteuse rénovation qui nous positionne aujourd'hui sur un marché de niche avec des tarifs spécifiques à notre clientèle",
conclut-il.
Au terme de cet échange animé entre les
représentants de grands hôtels de Budapest, il ne faut pas oublier que la Hongrie
présente un potentiel touristique qui dépasse les limites de sa capitale. Mais à
l'heure de l'entrée du pays dans l'Union européenne, il est évident que des villes
chargées d'histoire comme Budapest bénéficieront d'un regain de fréquentation, ce qui
explique en partie le développement rapide d'une industrie hôtelière de luxe réservée
aux grands investisseurs internationaux. Là comme ailleurs, les infrastructures d'un
marché élargi devront à la fois se moderniser et se développer, dans une étape
ultérieure qui ne devra pas trop tarder si la Hongrie veut bénéficier pleinement du
potentiel de visiteurs d'Europe occidentale.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2884 Hebdo 5 août 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE