Au premier degré Il y a peu, il n'était pas rare de lire des
bulletins scolaires du genre : "élève médiocre, à orienter vers
l'hôtellerie", ce qui soulignait l'estime que les profs éprouvaient pour une
profession considérée comme une voie de garage, au même titre que les autres métiers
négligemment qualifiés de 'manuels'. Avec ce genre d'appréciation sur son bulletin
scolaire, peu de chances que l'intéressé éprouve un quelconque intérêt à la
carrière qu'on lui propose.
Il est vrai que l'Education nationale se soucie assez peu du sort des élèves dont elle
n'a pas su déceler les talents, seuls les forts en thème et les rois de l'intégrale
trouvant grâce aux yeux du système à la française.
A l'arrivée d'un nouveau ministre de l'Education, on
nous annonce que parmi les priorités du nouveau locataire de la rue de Grenelle, il y a
bien évidement
l'enseignement technique qui ne sera plus, promis-juré, considéré
comme le parent pauvre d'un système réservé aux brillants sujets capables de traduire
Sénèque ou de résoudre des équations.
Disons qu'il y a encore du travail, y compris chez ceux qui devraient avoir un peu de bon
sens, voire de pragmatisme, comme un cuisinier, par exemple.
On le sait, la profession culinaire, Dieu merci, n'est pas un repaire d'anciens de l'ENA
ou d'HEC. Et lorsque par hasard, un personnage atypique a compris qu'il serait plus
heureux derrière ses fourneaux que dans le bureau d'une banque ou au contentieux d'une
multinationale, nul ne songe à lui formuler un reproche.
En revanche, certains esprits révèlent une mentalité encore bien suffisante à l'égard
de nos métiers. Ainsi, la semaine dernière, dans un quotidien régional, un chef de
cuisine de bonne notoriété n'hésitait pas à se confier en ces termes : "De
nombreux chefs ont commencé par un certificat d'études, pas moi ! J'ai fait math sup, et
je suis titulaire d'une licence de sciences économiques. Comme quoi on peut être
cuisinier et intelligent."
Mais oui !
Au cas où vous n'auriez pas compris (ça peut arriver, surtout si vous n'avez pas fait
math sup), la plupart des congénères de ce chef sont de fieffés imbéciles
Bon, malgré toute notre ignorance et le poids de l'obscurantisme qui nous accable, on va
au moins essayer d'être sympa : l'auteur de ces impérissables déclarations adore le
second degré et cultive un sens très spécial de la dérision. Et comme on ne veut pas
être méchant (cela rajouterait à notre incommensurable bêtise), on ne vous donnera pas
son nom.
L. H. zzz80 |