Pâtisserie et Amérique ROLAND MESNIER QUITTE LA TABLE DE LA
MAISON BLANCHE
Le pâtissier
français des présidents américains prend sa retraite après 25 ans de service à
Washington. Il publie un livre de pâtisserie.
En 25 ans de Maison Blanche, Roland Mesnier est
devenu très américain. |
Voilà 4 ans que je m'y prépare. A 60 ans, j'ai
beaucoup de temps perdu à rattraper. J'étais très tenu. 70 à 80 heures par semaine, ce
n'était pas rare. Peu de congés. Toujours sur la brèche, les voyages du président
annoncés, puis annulés. Je veux garder de l'énergie pour faire autre chose. J'ai
préparé un livre de pâtisserie qui sera dédié à l'automne, et je voyagerai pour le
présenter."
Roland Mesnier n'aura pas besoin, lui, de se
présenter aux Etats-Unis. Le New York Times a annoncé son départ à la retraite
aux lecteurs américains, qui le connaissent bien. Son statut de premier pâtissier de
l'Amérique est solidement établi, et à juste titre. S'il juge aujourd'hui en avoir
assez fait pour s'être libéré le 30 juillet dernier, c'est qu'il a exercé son métier
dans un total investissement personnel, tout à sa passion.
Roland Mesnier est entré à la Maison Blanche en 1979, choisi par Mme Carter. Il avait
été repéré dans un établissement de luxe en Virginie, le Homesteat, où il
travaillait après avoir uvré dans un autre palace, le Greenbrier. Le pâtissier
avait fait ses classes à Besançon, d'où il est originaire, auprès de Paul Maurivard,
puis de Belligat. Une période qu'il n'oublie jamais, citant ses maîtres à toute
occasion. Il s'est perfectionné au George V, puis au Vivarois, enfin en Allemagne et au
Savoy de Londres. Avant le grand saut sur l'Atlantique pour entrer dans la chaîne
Princess aux Bermudes, où il restera 9 ans. A Washington, il ouvrait une académie de
cuisine, tenue aujourd'hui par François Dionot, un Bisontin également.
"Comment tuer un
président"
En 25 ans de Maison Blanche, le chef franc-comtois est devenu très américain. Un
travail forcené et une totale abnégation pour ses patrons successifs, Bush père après
Carter, puis Reagan, Clinton et George W. Bush. "Je l'avais connu plus jeune,
quand il venait voir son père. Il avait la quarantaine. Quand il est revenu à la Maison
Blanche, c'était comme ma famille, on s'est tous embrassés ! Il aimerait bien que je
reste. Il a beaucoup d'humour. Quand je lui ai dit que je partais vendre mon livre, il m'a
suggéré un titre : Comment tuer un président." Car la tâche du pâtissier,
c'est de trouver l'équilibre entre la qualité et la saveur des gâteaux, et le souci des
convives de garder la ligne. "Il faut toujours se battre avec les calories."
Quand il ne mange pas des bretzels, le président Bush aime les choses toutes simples,
gâteaux au chocolat, tartes aux fruits avec une boule de glace. "Il n'aime pas
rester à table et évite les banquets. Pour lui, 10 minutes, c'est déjà trop." En
revanche, dans les grands dîners, il vaut mieux ne pas se louper. "Il n'y a
jamais eu d'incident. Sinon, je n'y serais plus. Il n'y a pas de marge pour l'erreur, tout
doit être parfait. Un jour, je prévoyais un soufflé chaud à la framboise pour 150
personnes. Il y a eu un problème avec les blancs. On a recassé deux caisses d'oeufs, et
j'ai changé la recette pour gagner du temps. En priant pour que ça marche."
Le pique-nique du 11 septembre
Inutile de préciser que le 11 septembre 2001 est gravé dans la mémoire de Roland
Mesnier. "On préparait un pique-nique pour 3 000 invités. On n'a pas prêté
attention à l'annonce du premier avion. Au deuxième, l'évacuation a été ordonnée,
puis, en voyant passer l'avion du Pentagone au-dessus de la Maison Blanche, ce qui est
interdit, on a su que c'était grave. Maintenant, les visites sont très réduites. Il y a
eu des travaux de sécurité importants." Son pays, il le retrouve
régulièrement, venant passer des vacances en Franche-Comté. En 1998, il acceptait de
parrainer une promotion d'élèves du lycée hôtelier d'Arbois. Invités à visiter la
Maison Blanche, ils étaient aimablement accueillis par Mme Clinton. Ils ont également
visité quelques-uns des plus grands établissements de cuisine française. Ils ont fait
des démonstrations de quelques recettes comtoises à base de comté et de vin du Jura.
Souvenir inoubliable.
D. Robert zzz18p |