du 16 septembre 2004 |
ACTUALITÉ JURIDIQUE |
Du côté des prud'hommes
COMMENT AGIR CONTRE LE VOL COMMIS PAR UN SALARIÉ
Les vols et autres disparitions d'espèces, de marchandises ou même d'effets appartenant aux salariés ou aux clients de l'établissement, sont nombreux dans vos établissements. Il faut donc agir à l'encontre du suspect. Comment, selon quels moyens, en respectant quelles procédures ? Illustration avec une décision récente du conseil de prud'hommes de Paris.
L'établissement
en question est très connu du quartier Saint-Germain-des-Prés à Paris où il déploie
sa belle terrasse. Le personnel s'affère autour de la clientèle. Il est nombreux et
ancien : les conditions d'emploi dans cet établissement sont, il est vrai, agréables :
39 heures de travail et de bons salaires. Tout va donc pour le mieux dans ce café où le
climat social est des plus convivial.
C'est donc avec fermeté et empressement que la direction est décidée à réagir à
l'information que vient de lui transmettre un de ses collaborateurs. Celui-ci se plaint,
en effet, de s'être fait voler dans son vestiaire une paire de chaussures de marque très
réputée. Ces chaussures étaient presque neuves, elles lui ont coûté 130 e, il le dit
de façon claire et nette : "Il y a un voleur parmi le personnel."
Dès le lendemain matin, la direction de l'établissement accompagnée d'un représentant
du personnel, décide d'accueillir chaque salarié à son arrivée. Tous se voient
invités à ouvrir leur vestiaire pour contrôle. Effectivement, les chaussures sont
retrouvées dans le vestiaire d'un salarié.
Celui-ci est immédiatement mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un
entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.
A la suite de cette entrevue, le salarié se voit notifier son licenciement pour faute
grave, au motif du vol de la paire de chaussures dont il s'est rendu coupable au
détriment de l'un de ses collègues de travail, dans le vestiaire du personnel.
Le salarié décide de saisir le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande en
contestation de son licenciement.
4 Le salarié
conteste son licenciement pour vol
Avec son avocat, il entend demander réparation, le paiement
de ses 2 mois de préavis et des congés payés afférents, de son indemnité de
licenciement et surtout des dommages et intérêts qu'il estime à près d'un an de
salaire.
Pour lui, on ne peut pas le licencier comme ça après 16 ans de carrière dans l'entreprise. Tout d'abord, le salarié
affirme que son employeur n'avait pas le droit de fouiller ainsi son vestiaire. Pour le
salarié, c'est une atteinte à sa vie privée, à son intimité. Le salarié considère
que l'entreprise a perquisitionné son vestiaire alors qu'elle n'en avait pas le droit.
Cette prérogative appartient uniquement aux services de la police judiciaire, déclare le
salarié qui cite à l'appui de son argumentation le Code de procédure pénale ainsi que
la jurisprudence.
Jurisprudence qui a jugé que "la fouille liée à
la recherche d'objets volés" est assimilée à une perquisition. En
conséquence, elle ne peut être effectuée que dans les conditions prévues par le Code
de procédure pénale, c'est-à-dire uniquement par un officier de police judiciaire.
Le salarié poursuit, en indiquant qu'en tout état de cause, les baskets qui ont pu être
retrouvées dans son vestiaire avaient été abandonnées par son collègue. Il n'a fait
que les récupérer.
Aucun fait de vol ne peut donc lui être reproché. La preuve de la découverte des
chaussures n'est pas recevable. En tout état de cause, ces chaussures étaient
abandonnées. Le salarié proclame haut et fort qu'il est victime d'une injustice. Son
employeur voulait procéder à son licenciement en raison de son ancienneté et de son
âge.
MODÈLE DE CLAUSE à
INSÉRER DANS LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR Vérification des vestiaires |
4 L'ouverture des
vestiaires était prévue par le règlement intérieur
Bien évidemment, l'employeur se défend d'une telle
volonté. Si les salariés sont effectivement anciens, c'est qu'ils se plaisent dans
l'entreprise. Cela passe par de bonnes conditions d'emploi, mais aussi par la sécurité
des personnes et des biens. Cela pour tous, aussi bien pour les clients que la direction
et les salariés.
L'employeur explique ainsi que la fouille des vestiaires, à l'occasion de laquelle il a
été retrouvé cette paire de chaussures, s'est opérée de façon légitime et
régulière. Il y avait eu plusieurs fois des vols de marchandises, mais aussi d'effets
personnels appartenant aux salariés.
C'est à la suite d'une nouvelle plainte d'un salarié que la décision fut prise d'ouvrir
les vestiaires de l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise, à l'occasion de leur
arrivée au travail.
L'employeur poursuit en indiquant que la procédure d'ouverture des vestiaires qui a été
respectée à cette occasion, est
celle prévue au règlement intérieur de l'entreprise : le salarié était présent lors
du contrôle, c'est lui qui a ouvert son vestiaire et présenté son contenu.
Il avait la possibilité de refuser ce contrôle et d'exiger
la présence d'un officier de police judiciaire à l'ouverture de son vestiaire, cette
vérification s'est opérée dans des conditions qui ont préservé l'intimité du
salarié : seuls étaient présents à part la direction et le salarié, un représentant
du personnel.
L'employeur conclut ainsi à la régularité de ce contrôle, à l'occasion duquel a été
retrouvé une paire de baskets d'une valeur de 130 e.
Bien évidemment, cette paire de baskets n'avait pas été abandonnée par son
propriétaire. D'ailleurs, celui-ci ne s'en serait pas plaint et n'aurait pas rédigé une
attestation en ce sens à l'employeur. Pour ce dernier, le licenciement pour faute grave
du salarié était évident : il était hors de question de laisser impuni un tel vol.
4 Le tribunal
déclare la fouille légitime et régulière
Après un long délibéré, le conseil de prud'hommes
déboute le salarié de l'ensemble de ses demandes et confirme ainsi son licenciement pour
faute grave.
En premier lieu, le conseil de prud'hommes constate que l'ouverture des casiers du
personnel a été faite en présence du salarié, de l'employeur et du délégué du
personnel. Il indique que ce contrôle intervenu à la suite de diverses disparitions,
était donc légitime et régulier. D'autant que le conseil constate que les chaussures
disparues ont été retrouvées. Et de conclure que "le salarié a bien commis un
vol. Dès lors il était mal venu de contester la réalité et la gravité des faits".
En conclusion on peut retenir que si la fouille des vestiaires est en principe interdite
en entreprise, celle-ci peut toutefois être réalisée en cas de disparitions
renouvelées et rapprochées d'objets ou de matériels appartenant à l'entreprise, aux
salariés ou même à la clientèle. En aucun cas cette fouille ne peut être
systématique et intervenir à tout moment.
En outre, cette fouille doit s'organiser selon des modalités prévues par le règlement
intérieur et dans le respect de l'intimité du salarié.
F. Trouet (Synhorcat)
QUE FAIRE EN CAS DE FLAGRANT DéLIT DE VOL ?
a Lorsqu'un
salarié est surpris en flagrant délit et notamment est retrouvé en possession d'objets
appartenant à un client, à l'entreprise, ou à un collègue de travail, il peut,
conformément aux dispositions de l'article 73 du Code de procédure pénale, être
immédiatement conduit devant l'officier de police judiciaire le plus proche.
a Dans ce cas,
l'employeur peut retenir l'intéressé pendant le temps nécessaire à sa conduite devant
l'officier de police judiciaire qui a, seul, compétence, en application de l'article 56
du Code de procédure pénale, pour procéder à la fouille de l'intéressé, même en
l'absence de son consentement.
a Si, bien
évidemment, le salarié ainsi interpellé en flagrant délit, restitue spontanément
l'intégralité des objets volés, il n'est pas nécessaire de recourir à un officier
judiciaire.
a Cependant, pour
éviter toute difficulté de preuve ultérieure, il est souhaitable que cette restitution
soit effectuée en présence d'un tiers, autre salarié ou représentant du personnel. zzz60u
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