La pénurie de personnel qualifié et les réductions imposées du temps de travail amènent chacun à repenser son organisation avec ingéniosité. Intégrer les nouvelles technologies et réfléchir sur des aménagements rationnels représentent deux atouts gagnants. A chacun ses astuces et solutions. La preuve par témoignages et exemples vécus.
Dossier réalisé par Cécile Junod
Des pas inutiles et des
surfaces mal exploitées sont autant d'éléments qui aggravent les pertes de temps, la
fatigue et l'inconfort au travail. Aujourd'hui, il est impératif de repenser l'ergonomie
des postes de travail et d'optimiser les nouvelles technologies. Certes, le niveau
d'équipement dépend beaucoup de la prestation servie et du budget, de la place
disponible et de la topographie des lieux, mais certaines solutions apportent de réelles
améliorations et méritent d'être étudiées. Avant tout investissement, les
Américains, champions de la productivité, ne se posent qu'une seule question : "Combien
ça rapporte ?" et non "combien ça coûte ?". Parfois, il faut
savoir investir dans des équipements plus performants permettant de garantir une qualité
régulière, de gagner du temps, et de limiter les risques de pannes inopinées. Attention
aux fausses économies. Dans les cuisines, on observe souvent, pour compenser un manque
d'organisation, un suréquipement et une incomplète exploitation des équipements déjà
présents.
De la bonne conception d'un fourneau dépendent les performances de production, surtout au
moment de l'envoi. En cuisine, la tendance évolue vers la polyvalence des modes de
cuisson. Aussi faut-il pouvoir disposer de plusieurs équipements, polyvalents si
possible. "Dans la culture française, la PCF est incontournable, explique
Djamel Debousse, directeur de l'usine Maestro. A elle seule, elle permet des cuissons
fortes, les mijotages, et l'envoi de plats différents en même temps. Ce plan de cuisson
reste irremplaçable. Cependant, pour donner de bons résultats, elle doit être
performante et autoriser de hautes températures. Lorsque les pianos étaient en fonte,
les PCF montaient sans problème jusqu'à 500 °C. Lorsqu'on a commencé à fabriquer des
fourneaux en inox, mauvais conducteur de chaleur, les dessus se sont gondolés et vrillés
sous l'effet des hautes températures. Aussi, pour contrecarrer ce problème, certains
constructeurs ont adapté la puissance de la PCF à la résistance du dessus de leur
fourneau. Forcément, les performances s'en ressentent. Chez Maestro, pour réaliser le
dessus du fourneau, on a mis au point un alliage à base de titane permettant
l'intégration de PCF très puissantes."
Et si autrefois, un fourneau mesurait en moyenne cinq mètres de long et deux de large, la
tendance d'aujourd'hui, grâce aux nouvelles technologies, est de créer des pianos plus
compacts, donc moins onéreux.
"Chez Maestro, poursuit Djamel Debousse, nous avons entrepris une
réelle remise en question pour fabriquer des fourneaux à prix compétitifs, sans
abaisser la qualité, ni la puissance de feu. L'idéal est le juste mélange d'éléments
à chauffe rapide, foyers radiants par exemple, et de plans de cuisson à chauffe lente et
grande inertie (PCF, planchas, grills). Par ailleurs, je suis convaincu de
l'inutilité des feux vifs. D'une part, ils sont difficiles à nettoyer, même montés sur
réserve d'eau, et ils nécessitent l'emploi d'un grand nombre de poêles ou de
casseroles. Une plancha, ou mieux, deux planchas, l'une pour les viandes, l'autre pour les
poissons, donnent d'excellents résultats de cuisson tout en simplifiant grandement le
nettoyage et supprimant totalement l'utilisation d'ustensiles de cuisson. A la clef, un
gain de temps garanti."
Par ailleurs, dans la conception des fourneaux, il est impératif de respecter le sens de
la production. Si ce n'est pas le cas, on observe des croisements de gestes, d'où une
gêne des uns et des autres, une tension inutile et une certaine pagaille stressante.
"Les fourneaux ont beaucoup évolué ces dernières années, reprend encore
Djamel Debousse. Pour ma part, la version la plus aboutie se trouve chez Thierry Wident
à Saint-Omer. Elle comprend seulement plancha, plaque coup de feu, foyer radiant et zone
d'envoi. L'introduction de wok à gaz ou à induction est encore une dernière évolution
qui attire de plus en plus les chefs, comme Nicolas Le Bec à La Cour des Loges à Lyon,
par exemple. De tels outils de travail sont optimisés à 100 %, tant au cours de la mise
en place qu'au moment du coup de feu. Les foyers radiants servent de plan de cuisson lors
de la première partie du travail et deviennent zone d'envoi au moment du service. Quant
à la PCF, elle reste le plan de cuisson idéal pour gérer efficacement le coup de feu."
Autrefois, le fourneau était le seul poste de cuisson. Aujourd'hui, pour une meilleure
ergonomie de travail, il est également intéressant de délocaliser le poste friture et
la fabrication des fonds par l'implantation d'une zone de production comprenant une
marmite basculante type Cleveland, friteuse(s) et four(s) mixte(s). Cette implantation a
déjà pris place dans de nombreuses cuisines étoilées.
"Cependant, intervient Rémy Le Naour, directeur commercial chez Welbilt,
les technologies n'évoluant pas tous les jours, il est important d'optimiser l'existant
en posant un regard nouveau sur les possibilités offertes, ainsi que sur l'organisation
du travail. Premier point capital : à chaque poste, le cuisinier doit avoir sous la main
tout ce dont il a besoin, tant en matériel qu'en produits à travailler. Il faut bannir
les déplacements inutiles durant le service. Tiroirs neutres, tiroirs réfrigérés,
tiroirs chauffants, étagères, bacs gastro, dévidoir de papier absorbant, lave-mains...
Tout doit être minutieusement étudié pour permettre à chacun de travailler sans avoir
à se déplacer. Le cumul du temps perdu en déplacements inutiles est souvent beaucoup
plus important qu'il n'y paraît. L'autre point à étudier pour gagner du temps, c'est
l'optimisation des performances techniques des équipements modernes. Par exemple, les
appareils de cuisson programmables autorisent des qualités de résultats constantes et
dégagent le personnel de toute surveillance. Ils travaillent en temps masqué. Certes, à
l'achat ils sont plus onéreux, mais ils génèrent de réelles économies sur les coûts
de main-d'uvre. Il en est de même pour tous les appareils équipés d'automatismes
supprimant les temps répétitifs de surveillance. Autre système, gros économiseur de
temps de main-d'uvre, c'est le système de filtration automatique des huiles de
fritures. Après étude, on peut démontrer qu'en 13 mois, le retour sur investissement
est assuré. Avec les nouveaux enjeux de la restauration, il est impératif d'optimiser
les appareils, les étapes et le temps."
Parmi les aménagements performants, Rémy Le Naour, et Jean-Claude Voisine, directeur
technique de l'usine Technyform, sont convaincus de l'intérêt des équipements
suspendus. Ils autorisent des gains de temps appréciables lors du nettoyage. Et dans
cette optique, ils sont favorables à l'implantation des fours à hauteur, et non en
soubassement du fourneau. D'autant plus que l'ouverture de la porte entraîne une
importante gêne dans la fluidité de la circulation. Sans parler des difficultés du
nettoyage.
"Côté cuisson, nous sommes également convaincus par les performances de la
plaque vitrocéramique gaz. Là encore, nous mettrons en avant sa grande facilité
d'entretien et de nettoyage, mais aussi son excellent rendement. Adapté à tous types de
récipients, ce plan de cuisson permet aussi de réaliser des cuissons directes avec une
qualité de résultat exceptionnelle. Malheureusement, pour des raisons mal cernées, elle
n'a pas remporté auprès des chefs le succès qu'elle mérite. De ce fait, son avenir
devient incertain. Enfin, nous mentionnerons encore les fours à convoyeur qui permettent,
eux aussi, de travailler sans surveillance, pour des productions en flux tendu."
Nouvelle génération de Maestro signé Bonnet : un piano plus compact, doté
d'éléments de cuisson puissants, permettant d'assurer l'envoi sans hésitation. Son
dessus parfaitement plan facilite grandement le nettoyage.
Piano de Thierry Wident, Le Cygne à Saint-Omer.
Chez Marc Meurin à Béthune, le Maestro est équipé de 2 PCF et de 2 planchas.
La puissance des éléments de chauffe permet de ne pas suréquiper les fourneaux.
Pianos célèbresAutrefois, seul poste de cuisson, le fourneau possédait des dimensions imposantes.
Aujourd'hui, avec la création d'un poste de production en périphérie, le piano s'est
considérablement réduit et simplifié, sans rien perdre de sa puissance de cuisson.
Voici quelques exemples d'équipements de dessus de fourneaux : |
Pour ses restaurants à New York, Jean Georges a opté pour l'éclatement des postes avec implantation de deux fourneaux étroits (3 x 1,10 m), l'un pour les poissons, l'autre pour les viandes. Ce dédoublement du piano permet de doubler la longueur linéaire du poste de cuisson et ainsi d'accueillir un plus grand nombre de cuisiniers autour, tout en limitant les facteurs de gêne. Dans sa première version, le fourneau poissons comprend deux feux vifs, une plancha, une PCF et une zone d'envoi. Celui pour les viandes compte deux feux vifs, une PCF et un double foyer radiant près de la zone d'envoi. Dans leur deuxième version, ses fourneaux ne comprennent plus de brûleurs. Ils ont été remplacés par des planchas qui peuvent être utilisées comme des brûleurs pour la cuisson des viandes ou des poissons, ou réquisitionnées pour faire mijoter des sauces ou autres produits lors de la mise en place.
Deux pianos Maestro valent mieux qu'un. Chez Jean Georges, il y a un fourneaux pour les viandes et pour les poissons
Pour limiter la perte de temps en déplacements inutiles, chaque poste doit être parfaitement équipé. Chez Philippe Bouissou, Les Quatre Terrasses à Uriage, la cuisine en épi a une conception originale et très efficace, où chaque poste est parfaitement délimité et équipé. Une réalisation Bonnet-Cidelcem.
Des 'plus' qui facilitent la vie* A chaque poste, un tiroir pour placer sa mallette à couteaux, un tiroir à épices, |
A propos de la salamandre Conseils de pros
Djamel Debousse (Maestro-Bonnet) préconise de délocaliser l'implantation de la
salamandre. Au-dessus du fourneau, elle génère un grand inconfort de travail, gène la
vue et donc la communication autour du piano. Placée dans la zone d'envoi, elle permet la
finition des assiettes juste avant l'envoi.
Quant à Rémy Le Naour (Welbilt), il suggère, pour plus de souplesse, l'installation
de deux petites salamandres plutôt qu'une seule grande.
|
|
|
Fourneaux et
environnement, Dominique Frérard, la cuisine de ses rèves
Fourneaux et environnement, les frères Karouby
misent sur une importante mise en place
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2690 Magazine 02 Novembre 2000