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enquête |
A travers ces chiffres et ces témoignages, on constate qu'au-delà de la volonté qu'avaient ces chefs d'entreprise, la taille et la structure de leur établissement ne leur permettent pas aujourd'hui d'aller plus loin. Et pourtant,
la loi est applicable, et même si pour les plus petites entreprises du temps est donné, le problème reste entier : comment réduire le temps de travail tout en préservant la pérennité de l'entreprise ?
Les restaurateurs qui ont accepté de témoigner dans le cadre de notre dossier sont unanimes sur 2 points : ils ont réduit le temps de travail parce qu'ils en ressentaient le besoin. Ils restent très attentifs tant à la qualité de vie de leurs salariés qu'à la qualité de prestation qu'ils offrent à leur clientèle, mais n'ont pas les moyens de financer la RTT jusqu'aux 35 heures. Qui plus est, par manque de moyens, ils n'auraient jamais pu réduire le temps de travail comme ils l'ont fait si leur affaire avait été en début d'activité.
Une nouvelle gestion des
ressources humaines
Véritables managers, ces restaurateurs n'ont pas attendu le vote d'une loi pour
améliorer la qualité de vie de leur personnel. Ils ont estimé que la crise du
recrutement ne provenait pas fondamentalement du manque de motivation des jeunes, ni de la
soi-disant incompétence des centres de formation, mais plutôt de conditions de travail
qui n'étaient plus adaptées à la société actuelle.
Les équipes de travail en place dans ces trois restaurants donnent entière satisfaction
à leur employeur. Chaque service relève pourtant d'un véritable challenge, les
différentes distinctions dans des guides amènent une clientèle exigeante. Les
employeurs concernés ne le sont pas moins. D'une nouvelle génération, leur gestion des
ressources humaines a permis de fidéliser leur personnel, de le stabiliser. En pratiquant
un management participatif, ils montrent aux spécialistes du turn-over que la
considération de ses employés peut donner une réponse durable à la crise du
recrutement. En période de croissance, et dans une société où la survie des individus
est assurée par un système social, les salariés ont plus que jamais le choix. Ils
entendent bien pouvoir profiter de cette situation, et ne pas accepter de travailler dans
n'importe quelles conditions.
Recruter coûte cher
Rappelons que dans une entreprise, pallier une absence de
main-d'uvre coûte cher, tout comme le recrutement du personnel. Refuser des clients
ou répercuter le surcroît de travail sur les employés présents peut aussi se payer en
fatigue pour les équipes, en détérioration du service, et rapidement, par une
désaffection de la clientèle... Les employeurs qui savent impliquer leur personnel dans
les décisions concernant la marche de l'entreprise et les récompenser de leur travail
connaissent en retour une situation plus tranquille. Ils ont compris qu'il ne fallait pas
forcément exercer sur les employés les méthodes qu'ils avaient eues à supporter hier.
De même, certains employeurs devront revoir le principe selon lequel les salariés
doivent être tout le temps présents dans l'entreprise parce qu'ils sont payés, amenant
quelques clients perdus dans une salle de restaurant à constater que le personnel de
service était parfois en surnombre.
Le financement des réformes
Si nous reprenons nos trois exemples, la situation géographique et le classement dans les
guides permettaient à chacune des entreprises d'avoir des flux de clientèle relativement
réguliers. Malgré cela, les 35 heures n'y sont pas applicables, et elles le seront
encore moins dans l'entreprise située à Dampierre, entreprise déjà plus éloignée des
centres permanents d'activités que sont les villes ou les grands centres de loisirs. Les
patrons qui se sont installés en province, où les flux de clientèle les plus élevés
sont concentrés sur les week-ends et une partie de la saison d'été, sont inquiets. Plus
encore pour ceux qui viennent de s'installer dans ces conditions. Après une énième
désillusion en matière de TVA, quelles solutions peuvent-ils envisager ? Les aides
financières qui seront proposées ne devront pas, comme elles l'ont trop souvent été,
être des cadeaux empoisonnés ; soumises à conditions, les avantages, au bout du compte,
ne sont pas toujours évidents. Exiger une baisse de TVA semble être pour certains la
meilleure voie, mais cet impôt a tendance à fluctuer selon les besoins financiers du
budget de l'Etat. Que la TVA diminue bientôt à 5,5 % ne garantit nullement qu'elle
puisse rester au même taux pendant plusieurs années.
Comment s'organiser ?
La nouvelle durée du
travail hebdomadaire doit se généraliser, ce qui représente, dans le cas d'un décompte
annuel, une durée de 1 600 heures sur la base de 35 heures par semaine. Il reste à se
préparer pour cette échéance. Pour les salariés, les conséquences sur la vie
professionnelle et la vie familiale seront importantes, mais sur le salaire et parfois les
avantages qui s'y rattachent aussi.
Pour réussir la réduction du temps de travail dans une entreprise, les objectifs à
atteindre pourraient se résumer ainsi :
- engager l'entreprise dans une réduction du temps de travail malgré des situations
diverses que peuvent engendrer les métiers de service ;
- adapter l'organisation de chaque entreprise en répondant aux aspirations des salariés
;
- réaliser un niveau de réduction du temps de travail compatible avec les exigences de
qualité des prestations à fournir ;
- maintenir et développer la compétitivité qui, seule, permet de garantir l'emploi à
long terme ;
- prévoir un plan de formation approprié.
Ces objectifs induisent la démarche qui pourrait être mise en uvre, chacun des
points n'étant pas à négliger.
Comment faire ?
Quelles voies utiliser pour réduire le temps de travail ? Voici quelques exemples :
- 35 heures par semaine : une réduction du temps de travail en minutes par jour.
- 35 heures en moyenne sur l'année : une réduction du temps de travail en heures ou en
minutes par jour avec des horaires hebdomadaires variant entre 30 et 44 heures (pour une
entreprise précédemment organisée sur une base de 39 heures par semaine).
- 35 heures en moyenne sur l'année : pour une entreprise dans laquelle le temps de
travail était de 39 heures par semaine, la réduction du temps de travail sera réalisée
totalement ou partiellement en jours. 4 heures de moins par semaine représentent une
demi-journée de repos supplémentaire. Cette voie, qui consiste donc à réduire la
durée du temps de travail par l'obtention de demi-journées de repos, est d'ores et
déjà la plus appliquée. Ce qui paraît logique, tant cette méthode semble moins
compliquée que les autres à mettre en place. Ainsi, une entreprise qui conserverait une
organisation basée sur un horaire hebdomadaire de 43 heures devrait attribuer 22 jours de
congé supplémentaires par an à ses salariés si elle voulait atteindre une moyenne de
39 heures hebdomadaires.
Décompte des horaires
La réduction du temps de travail peut être une opportunité - pour un chef d'entreprise
- de redéfinir la manière de décompter le temps de travail et prévoir que certains
temps libres n'en font plus partie. Puisque la loi devait inciter les entreprises à se
réorganiser, chaque point risque d'être réétudié. Il faut savoir que si le personnel
reste à la disposition de l'entreprise, les temps de pause sont considérés comme du
travail effectif. Par contre, une pause pour aller chercher des cigarettes ne le sera pas.
Les 35 heures sont du travail effectif et non pas des heures de présence dans
l'entreprise. Le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié doit
être à la disposition de l'employeur, doit se conformer à ses consignes et ne doit pas
avoir des activités personnelles indépendantes de son travail.
w Rappelons que le temps de trajet entre le domicile et le
lieu de travail n'est pas du travail effectif, sauf dans certains cas particuliers. A
noter que les salariés à temps partiel seront forcément moins concernés par une
réorganisation, notamment pour la vie familiale.
w Les jours de repos fixes sont une solution plus facile. Si
un changement doit survenir dans l'attribution des jours de repos, le salarié doit être
prévenu au moins 7 jours ouvrés auparavant.
Les incidences de la réduction
du temps de travail
Pour que les entreprises subissent le moins possible le coût de cette mesure, les
salariés devront travailler de manière plus efficace. Mais attention, le manque
d'organisation du travail sera beaucoup plus mal ressenti par des salariés à qui l'on
demandera plus de résultats. Les salariés auront donc plus de temps libre, mais
travailleront à un rythme plus élevé, l'intensité du travail augmentant, surtout si
les accords prévoient, à l'avance, le passage aux 35 heures payées 39. En termes de
coût salarial, certaines primes pourront être totalement remises en cause par les
employeurs. De nombreux chefs d'entreprise seront également tentés d'embaucher à temps
partiel, augmentant la précarité d'une partie de la population. n zzz60t
Des idées en matière d'organisation du travail |
Pour pouvoir faire face aux nouvelles mesures sociales, les entreprises devront faire preuve d'imagination. Les solutions organisationnelles peuvent être en salle l'embauche d'une femme de ménage réduisant le temps de mise en place du personnel, l'embauche d'une personne comme aide en cuisine pour les préparations de base. Le personnel de réception peut, à certaines heures creuses, effectuer des travaux de mise en place. Toutes ces solutions ont déjà été adoptées par certaines entreprises. Les idées ne manquent pas. |
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L'Hôtellerie n° 2742 Magazine 1er Novembre 2001