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Ce n'est un secret pour personne. La pénurie d'emploi pose de plus en plus de problèmes au sein des entreprises du secteur. Une situation qui limite déjà certains opérateurs dans leur développement. Pourquoi et comment en est-on arrivé là ? Explications.
Selon une étude récente du ministère du Travail, la profession des CHR figure parmi celle qui est la plus touchée par la pénurie de main-d'uvre. Cette étude qui analyse les caractéristiques et le comportement de deux catégories de salariés, cuisiniers/employés et agents de maîtrise, permet de comprendre comment on en est arrivé là. Un contrat d'étude prospective, réalisé en 1997 sur le domaine professionnel de l'hôtellerie-restauration, a permis d'en dégager les grandes évolutions.
Un secteur en plein développement
Le développement de la restauration hors foyer a stimulé la demande de travail.
L'internationalisation de la cuisine, l'importance d'un service rapide et bon marché pour
une partie de la clientèle, l'utilisation de l'informatique qui a favorisé la
rationalisation de la gestion, ainsi que le recours aux nouvelles techniques de
conservation ou de cuisson, ont contribué à accélérer la transformation du secteur et
de ses emplois.
En matière d'organisation du travail, on observe ainsi une plus grande polyvalence et un
recours accru à la sous-traitance dans l'hôtellerie, un développement de la cuisine
froide et de la cuisine d'assemblage dans la restauration.
Pour analyser ces évolutions, le secteur a été divisé en 5 sous-secteurs homogènes :
w l'hôtellerie-restauration traditionnelle
et familiale, assimilée ici aux cafés, hôtels et restaurants de petite taille
(employant moins de 20 salariés) ;
w les entreprises d'hôtellerie ou de
restauration de taille plus importante et appartenant à des chaînes ou à des réseaux
de franchise (ce sous-secteur est abordé ici uniquement à partir de la taille de
l'entreprise) ;
w la restauration rapide inspirée du
modèle américain ;
w la restauration collective qui est
elle-même subdivisée en 2 :
- le secteur public (qui comprend la restauration scolaire et hospitalière) ;
- la restauration collective.
Les entreprises familiales, par ailleurs confrontées à la concurrence de la
restauration rapide et à celle des grandes chaînes, sont moins concernées par les
évolutions technologiques. Il en va différemment pour les autres sous-secteurs, et plus
particulièrement pour ceux de la restauration collective.
Les 5 catégories se distinguent par leur mode de gestion de la main-d'uvre. Les 2
sous-secteurs traditionnels - celui des entreprises familiales, comme celui des grandes
chaînes, ainsi que la restauration rapide - se différencient de la restauration
collective (publique et privée) par du personnel plus jeune et plus masculin, ainsi que
par un fort turn-over, alors que dans la restauration collective publique, l'emploi est
très stable.
Dans la restauration collective privée, il y a un noyau dur d'emplois stables et une
proportion non négligeable d'emplois précaires (CDD, intérim).
Cette étude se consacre sur les deux catégories professionnelles aux effectifs les plus
importants, c'est-à-dire les cuisiniers et les employés et agents de maîtrise de
l'hôtellerie-restauration.
Les cuisiniers
Le nombre de cuisiniers n'a cessé de croître depuis le début des années 80 : on est
passé de 130 000 à 222 000 cuisiniers en mars 2000. Ce qui représente une augmentation
de plus de 71 % des effectifs.
Une grande majorité de ces cuisiniers travaille dans la restauration collective, dont 22
% dans la fonction publique territoriale ou hospitalière, et 31 % dans le secteur privé.
Mais c'est dans le secteur de la restauration traditionnelle qu'il y a eu le plus
d'embauches ces dernières années (+ 10 %, contre + 6 % pour le secteur collectif).
Profil du cuisinier très masculin
Ce rapport constate que ce métier est avant tout masculin et plus particulièrement
dans la restauration traditionnelle.
Autre fait marquant, en raison de la croissance rapide depuis 15 ans, la population des
cuisiniers est en moyenne plus jeune que l'ensemble des ouvriers qualifiés (37 ans contre
40 ans). Ce phénomène est surtout constaté dans la restauration traditionnelle, qui
recourt plus à l'apprentissage, et se caractérise par une forte mobilité de ses
salariés : en mars 2000, 1/3 des cuisiniers avaient été embauchés au cours des 12
derniers mois.
A l'opposé, les cuisiniers de restauration collective sont en moyenne plus âgés et
moins mobiles.
Mais dans la restauration collective privée, à côté d'un noyau dur de cuisiniers ayant
une ancienneté importante, on trouve une fraction non négligeable d'emplois précaires
(14 %).
Titulaire d'un CAP
Le diplôme de référence est le CAP pour 59 % des cuisiniers, et ce diplôme est le plus
souvent en rapport direct avec leur profession.
Seuls 12 % ont le baccalauréat ou plus. Mais là encore, il faut distinguer le secteur
des entreprises familiales et celui de la restauration collective, le pourcentage des bas
niveaux de formation étant plus élevé dans les entreprises familiales que dans la
restauration collective. Enfin, la forte proportion de jeunes diplômés dans les
fast-foods s'explique par la présence d'étudiants cherchant à financer leurs études.
Pour un salaire de 8 000 francs
Quel que soit le sous-secteur d'activité, le salaire moyen net des cuisiniers travaillant
à temps plein est proche de 8 000 francs en 2000. Mais dans la restauration
traditionnelle, la variation des salaires est plus importante entre le salaire le moins
élevé et le plus élevé, ce qui donne un salaire médian nettement plus faible que le
salaire moyen.
Dans la restauration collective publique, au contraire, la distribution des salaires
semble plus régulière.
Une forte mobilité
Pour les cuisiniers, les flux annuels de recrutement sont toujours importants. En mars
2000, plus de 1 cuisinier sur 5 avait moins de 1 an d'ancienneté dans le même
établissement.
Le rapport explique cette forte rotation par le caractère saisonnier d'une activité
liée au tourisme et par le grand nombre d'emplois à durée déterminée. Il est aussi
constaté une importante mobilité volontaire qui est marquée par un taux de démission
plus élevé qu'ailleurs. Avec la reprise de l'emploi, les flux d'embauches se sont
fortement accrus (+ de 20 % entre 1997 et 2000).
Les employés et agents de
maîtrise
Autre grande famille du secteur des CHR, les employés et agents de maîtrise dont les
effectifs ont progressé moins vite que ceux des cuisiniers (+ 22 % de 1983 à 2000, mais
seulement + 3 % depuis 1997).
Ils sont 350 000 en mars 2000, employés à 70 % par le secteur de la restauration
traditionnelle. On les retrouve dans le service en salle pour les cafés et restaurants,
à l'accueil ou dans des fonctions d'entretien et de ménage dans l'hôtellerie. Ils sont
peu nombreux dans la restauration collective privée (1/5e) et quasiment absents dans la
restauration collective publique, mais 8 % d'entre eux travaillent dans la restauration
rapide.
Essentiellement féminine, peu qualifiée
Cette catégorie professionnelle moins qualifiée que celle des cuisiniers est aussi plus
féminine et plus jeune. 1 salarié sur 2 a moins de 30 ans. La répartition par diplôme
de ces employés et agents de maîtrise est plus dispersée que celle des cuisiniers. En
effet, 45 % d'entre eux sont très faiblement diplômés et 23 % ont au moins le
baccalauréat. Mais dans ce dernier cas, le diplôme est le plus souvent sans lien avec le
domaine professionnel. Ce qui est particulièrement le cas dans la restauration rapide
où, parmi les 37 % d'employés qui ont au moins le bac, on rencontre fréquemment des
jobs d'étudiant. Les salariés peu ou pas diplômés sont, quant à eux,
sur-représentés dans la restauration collective et dans la restauration traditionnelle
familiale.
Des emplois plus précaires
Parmi ces emplois, la proportion de contrats temporaires est plus importante que pour les
cuisiniers, surtout dans la restauration collective privée et la restauration rapide. Il
en est de même pour la proportion de contrats à temps partiel.
La restauration traditionnelle familiale a fortement recours à l'apprentissage (plus de 1
emploi sur 10).
Des salaires inférieurs à ceux des cuisiniers
Du fait de la faible qualification de cette population, de sa jeunesse, de sa forte
mobilité et de la part importante du travail à temps partiel, les salaires sont
nettement inférieurs à ceux des cuisiniers et souvent proches du Smic.
Une plus grande mobilité
Les employés et agents de maîtrise des CHR sont soumis aux mêmes contraintes
saisonnières que les cuisiniers, mais se différencient de ces derniers par une
proportion plus importante de contrats à durée déterminée ou à temps partiel. Ce
personnel qui comporte une part non négligeable d'étudiants est aussi moins
professionnel.
Pour toutes ces raisons, il est beaucoup plus mobile : son ancienneté moyenne dans
l'entreprise n'est que d'environ 4 ans, et chaque année, le volume des embauches
représente plus du tiers de l'emploi total (près de 50 % dans la restauration rapide).
C'est dans ce contexte que les embauches, comme les offres d'emploi enregistrées par
l'ANPE, se sont accrues au cours de la dernière période (respectivement de + 25 % et de
+ 28 % de mars 1997 à mars 2000). Dans le même temps, le nombre de demandeurs d'emploi
diminue (- 14 %), ce qui fait qu'on assiste à de plus grandes tensions sur ce marché du
travail. Le décalage entre le nombre d'offres d'emploi par rapport aux demandes
enregistrées a augmenté de 36 %. 3 nouveaux embauchés sur 5 n'avaient pas de travail
auparavant. Ils sont très jeunes et sont 2 fois plus souvent titulaires d'un contrat
précaire que l'ensemble de la profession. On constate que le recrutement parmi les
sortants du système scolaire est 2 fois plus fréquent que pour les cuisiniers (33 %
contre 18 %). Il s'agit alors souvent, soit d'étudiants, soit de jeunes très peu
diplômés, et pour ceux qui étaient précédemment en emploi, il y a eu 2 fois sur 5 un
changement de famille professionnelle. n
zzz60t
Source : Mode de gestion de la main-d'uvre et difficultés de recrutement dans les métiers de l'hôtellerie-restauration de Sema Amira (Dares), premières informations et premières synthèses, 200.07 - n° 30.1.
A retenir du métier de cuisinier
+
71 % de salariés en 20 ans
53 % sont dans la restauration collective
Age moyen : 37 ans
59 % niveau CAP
12 % niveau baccalauréat et plus
Les cuisiniers en mars 2000
Restauration collective | Hôtellerie-restauration | Ensemble | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
publique | privée | rapide | de - de 20 salariés | de 20 salariés et + | ||
Effectifs |
49200 | 69400 | 8000 | 79700 | 15900 | 222200 |
% |
22,1 | 31,2 | 3,6 | 35,9 | 7,2 | 100,0 |
Sexe | ||||||
% d'hommes |
74,0 | 71,0 | 82,0 | 87,0 | 82,0 | 79,0 |
Age | ||||||
% des - de 30 ans | 15,5 | 22,5 | 54,2 | 41,6 | 46,5 | 30,6 |
% des 50 ans ou + | 20,0 | 19,6 | 4,6 | 10,9 | 9,0 | 15,3 |
Age moyen | 40,2 | 38,9 | 31,3 | 34,4 | 33,7 | 36,9 |
Diplôme | ||||||
% inférieur au niveau V (CAP-BEP) |
19,6 | 30,0 | 44,4 | 36,3 | 22,4 | 29,9 |
% ayant le niveau V |
73,7 | 60,6 | 23,0 | 49,5 | 66,1 | 58,6 |
% égal ou supérieur au niveau IV (bac ou plus) |
6,7 | 9,4 | 32,6 | 14,2 | 11,5 | 11,5 |
Durée du travail | ||||||
% de personnes travaillant à temps complet |
88,7 | 80,3 | 78,4 | 87,7 | 91,8 | 85,6 |
Statut dans l'emploi | ||||||
% d'apprentis | - | 1,0 | 0,0 | 4,0 | 2,5 | 1,9 |
% de précaires | - | 14,1 | 8,2 | 10,4 | 11,1 | 9,2 |
Ancienneté d'emploi | ||||||
% d'ancienneté inférieure à 12 mois | 8,8 | 18,4 | 22,0 | 29,8 | 36,4 | 21,8 |
Ancienneté moyenne en années | 12,1 | 9,3 | 3,6 | 4,6 | 5,2 | 7,7 |
Salaire mensuel net des salariés à temps plein (Francs/mois) |
||||||
Salaire moyen | 7989 | 8091 | ns (*) | 7982 | 7792 | 8023 |
Salaire médian | 7801 | 7500 | ns | 7268 | 6750 | 7500 |
(*) ns : non-significatif - Source : Insee, enquête Emploi mars 2000 |
Les cuisiniers en mars 2000 - Caractéristiques des nouveaux embauchés
Ensemble des cuisiniers | Cuisiniers récemment embauchés (*) | |
Effectifs |
222200 | 48400 |
% |
100 | 22 |
Sexe | ||
% d'hommes |
79 | 82 |
Age | ||
% des - de 30 ans |
31 | 53 |
% des 50 ans et + |
15 | 6 |
Age moyen |
37 | 31 |
Diplôme | ||
% inférieur au niveau V (CAP-BEP) | 30 | 23 |
% égal ou supérieur au niveau IV (bac ou plus) | 12 | 19 |
Durée du travail | ||
% travaillant à temps complet |
86 | 80 |
Statut dans l'emploi | ||
% d'apprentis | 2 | 3 |
% de précaires (**) | 9 | 27 |
Salaire mensuel net (population à temps plein) | ||
Salaire moyen | 8023 | 7215 |
Salaire médian | 7500 | 6300 |
(*) Ancienneté dans l'entreprise de moins de 1 an (**) Intérim, CDD, stage et emploi aidé |
||
Source : Insee, enquête Emploi mars 2000 |
A retenir des agents de maîtrise
+ 22 % entre 1983 et 2000
70 % dans l'hôtellerie-restauration traditionnelle
50 % ont moins de 30 ans
Salaires très proches du Smic
Population très féminine
Les employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie-restauration en mars 2000
Restauration collective | Restauration rapide | Hôtellerie-restauration traditionnelle | Ensemble | ||
De - de 20 salariés | De 20 salariés et + | ||||
Effectifs | 67800 | 27100 | 201100 | 46400 | 350400 |
% | 21,7 | 7,7 | 57,4 | 13,3 | 100,0 |
Sexe | |||||
% d'hommes |
33,2 | 38,7 | 44,3 | 49,3 | 42,4 |
Age | |||||
% des - de 30 ans | 35,9 | 82,3 | 49,0 | 58,0 | 49,9 |
% des 50 ans ou + | 16,3 | 3,5 | 10,9 | 6,4 | 11,1 |
Age moyen | 36,5 | 25,8 | 33,1 | 31,9 | 33,2 |
Diplôme | |||||
% inférieur au niveau V (CAP-BEP) | 48,6 | 38,8 | 47,0 | 35,3 | 45,2 |
% ayant le niveau V | 35,1 | 24,3 | 30,5 | 35,5 | 31,7 |
% égal ou supérieur au niveau IV (bac ou plus) |
16,3 | 36,9 | 22,5 | 29,2 | 23,1 |
Durée du travail | |||||
% de personnes travaillant à temps complet |
57,8 | 27,5 | 64,1 | 66,7 | 60,4 |
Statut dans l'emploi | |||||
% d'apprentis | 3,0 | 3,5 | 10,7 | 7,8 | 8,0 |
% de précaires (*) | 23,4 | 16,6 | 11,9 | 11,0 | 14,1 |
Ancienneté de l'emploi | |||||
% d'ancienneté inférieur à 12 mois | 30,8 | 48,3 | 38,9 | 33,8 | 37,0 |
Ancienneté moyenne (années) | 5,7 | 2,0 | 3,9 | 3,5 | 4,1 |
Salaire mensuel net des salariés à temps plein (Francs/mois) | |||||
Salaire moyen | 7114 | 5591 | 7022 | 7 096 | 7 000 |
Salaire médian | 6 262 | 5 400 | 6 361 | 6 616 | 6 392 |
(*) Intérim, CDD, stage et emploi aidé - Source : Insee, enquête Emploi mars 2000 |
Les employés et agents de maîtrise de
l'hôtellerie-restauration en mars 2000
Caractéristiques des nouveaux embauchés
Ensemble des employés et agents de maîtrise |
dont : récemment embauchés (*) |
|
---|---|---|
Effectifs | 350400 | 129700 |
% | - | 37,0 |
Sexe | ||
% d'hommes |
42,4 | 45,0 |
Age | ||
% des - de 30 ans | 49,9 | 72,0 |
% des 50 ans et + | 11,1 | 5,0 |
Age moyen | 33,2 | 27,9 |
Diplôme | ||
% des employés ayant un niveau de formation inférieur au niveau V (CAP-BEP) |
45,2 | 43,0 |
% des employés ayant un niveau de formation égal ou supérieur au niveau IV (bac et plus) |
23,1 | 26,0 |
Durée du travail | ||
% d'employés travaillant à temps complet |
60,4 | 57,1 |
Statut de l'emploi | ||
% d'apprentis | 8,0 | 13,0 |
% de précaires (*) | 14,1 | 28,0 |
Salaire mensuel net (population à temps plein) (Francs/mois) | ||
Salaire moyen | 7000 | 6654 |
Salaire médian | 6392 | 6000 |
(*) Intérim, CDD, stage et emploi aidé - (**) Ancienneté dans l'entreprise de moins de 1 an | ||
Source : Insee, enquête Emploi mars 2000 |
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L'Hôtellerie n° 2740 Hebdo 18 Octobre 2001