Hommes & entreprises |
enquête |
A tort ou à raison, certains professionnels du Nord n'ont pas voulu qu'on leur impose la loi. Aussi ont-ils anticipé l'accord de branche pour bénéficier des aides. D'accord pour Aubry I, pas pour Aubry II. Des démarches similaires, des résultats différents.
L'Huîtrière à Lille
Jean Proye, le patron de
L'Huîtrière à Lille (59), explique : "Fin 1999, nous avons mis en place un
accord interne d'entreprise sur la base de 39 heures. Avec le visa de l'inspection du
travail." Il s'agit au départ d'une entreprise de 46 salariés, bien
équilibrée entre restauration de ville, 1 macaron au Guide Rouge, et le banquet
haut de gamme. Après l'accord, l'effectif est passé à 49 salariés. "Cela n'a
pas toujours été facile de respecter cette réduction d'horaire, mais nous faisons vivre
l'accord." Jean Proye n'est absolument pas favorable à la réduction du temps de
travail obligatoire. "Dans nos métiers de service, c'est une c..., laisse
tomber cet homme si courtois. Cela a perturbé notre bon esprit d'entreprise. Personne
n'était à un quart d'heure près. A présent, il faut faire des calculs...
Surveiller le respect des droits et des devoirs, parce que c'est obligatoire." La
RTT obligatoire, c'est un facteur de division et de trouble.
Mais il a voulu anticiper, et recueillir des aides, faute de pouvoir résister à long
terme. La démarche est complexe, il se fait conseiller. "Nous avons embauché,
sans pour autant mettre en place des équipes par poste. Nous avons essayé de nous
organiser en grattant sur les temps morts dans l'activité irrégulière de la semaine. Le
personnel a dû devenir très flexible. S'adapter strictement à la demande, attendre
parfois le dernier moment pour savoir s'il doit travailler ou non. Nous avons gagné en
productivité. Quand nos gens sont là, ils travaillent. C'est dans l'esprit, sinon dans
la lettre de la loi. Heureusement, nos salariés l'ont compris..." L'aide est
bien là, mais sous l'égide de la loi Aubry I. Aubry II est plus généreuse, mais il
semble que l'Etat se réserve cette arme pour pousser la profession vers 35 heures et non
plus 39 heures. "Mais si on passe à 35 heures, alors là, je ne sais plus comment
faire", prévient le patron de L'Huîtrière. zzz60t zzz22v
L'Europ Hôtel Best Western à Dunkerque
A Dunkerque (59), l'Europ Hôtel Best
Western, 116 chambres, l'a jouée 'défensive' contre une restructuration. Son directeur,
Didier Geeraert, expérimenté en relations humaines et conseiller prud'homal, voulait
diminuer sa structure et limiter la restauration à la clientèle de l'hôtel.
Simultanément, il pensait intéressant d'anticiper pour recevoir des aides au titre de la
loi Aubry I. Il engage la démarche début 2000 avec l'aide d'un conseil et de la CCI de
Dunkerque. Sans trop compter sur un appui central. "Nos responsables syndicaux de
Paris nous disaient de nous hâter lentement", se souvient-il. Et pour cause. Il
faut quelques mois pour mettre en place une consultation du personnel, 32 personnes, pas
toutes à plein temps, et réaliser, avec un groupe de travail interne, une étude
socioéconomique fiable. En juin, la copie est prête. L'Europ Hôtel se réorganise en
réduisant la voilure en restauration. Le restaurant, trop concurrencé par la digue de
mer, le nouveau Pôle Marine et le centre-ville, ne donne pas de résultats satisfaisants.
Désormais, il fermera le midi tous les jours, n'ouvrant que le soir pour la clientèle de
l'hôtel, et produisant des repas pour les séminaires. Le temps de travail revient de 43
heures à 39 heures. La RTT est obtenue à la base par une organisation plus minutieuse et
une journée de repos hebdomadaire supplémentaire. La disparition de la restauration de
ville se traduit par une réduction de l'effectif total de 32 à 22 personnes. Malgré
cela, une meilleure organisation permet par exemple de mieux préparer les séminaires,
estime Didier Geeraert. Par contre, il faut embaucher à la réception et dans les
étages. Les départs sont obtenus en restauration par non-renouvellement des contrats
d'apprentissage et départs volontaires. En hébergement, 3 temps partiels deviennent des
temps complets.
L'Europ Hôtel a attendu le dernier moment pour signer, pour éventuellement prendre le
train d'un accord national. Faute d'accord, la direction et le personnel ont signé fin
novembre 2000, et le dispositif est en place depuis le 1er décembre 2000. Les aides
prennent en charge, en gros, la moitié du coût de l'aide. Mais l'essentiel est sans
doute le nouvel équilibre d'exploitation qui replace mieux l'hôtel dans son marché.
L'accord prévoit une clause de renégociation si un accord de branche donne davantage de
possibilités aux salariés. zzz60t zzz36v
D'autres se préparent... Le groupe Destombes, dans la
région dunkerquoise, a choisi de se préparer. |
Article précédent - Article suivant
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie n° 2740 Hebdo 18 Octobre 2001