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Mark Baker et André Roussel sont propriétaires depuis 8 ans de l'hôtel-restaurant Baud en Haute-Savoie, établissement situé à 12 km du centre de Genève. Ils ont choisi une gestion différente des ressources humaines au sein de leur entreprise pour faire face à la concurrence suisse en matière de recrutement.
André Roussel est chef de cuisine reconnu, son association avec Mark Baker est opportune, puisque ce dernier lui est complémentaire : il s'occupe de la gestion. Leur affaire marche bien, le chiffre d'affaires est passé en 8 ans de 900 000 francs hors taxes à 10,5 millions de francs. Ce succès, ils le doivent bien sûr à leur opiniâtreté, mais aussi à une gestion très pointue de leur affaire. L'outil de travail est rénové, repensé. Depuis le début de l'activité, près de 6,5 millions de francs ont été investis, aussi bien en cuisine qu'en salle (67 places), et 8 nouvelles chambres ont été créées sur 11 existantes. Cependant, la particularité de l'hôtel-restaurant Baud réside dans son approche des ressources humaines. En effet, dans cette zone frontalière, les hôteliers-restaurateurs se trouvent confrontés à un incroyable problème de recrutement. Les sirènes d'un franc suisse fort attirent immanquablement le personnel. Le salaire brut est multiplié par 2. Miroir aux alouettes, diront certains... En effet, en Suisse, la couverture sociale est inexistante ; il n'y a ni convention collective, ni protection en cas de licenciement. Cependant, c'est le problème majeur soulevé par la profession dans la région.
Une incitation financière
Pour Mark Baker, d'origine anglaise, la France n'est pas à la hauteur de sa réputation
de vitrine sociale de l'Europe. "On pourrait croire que les patrons français ont
oublié qu'ils ont été employés." Aussi, les deux associés appliquent une
politique sociale qui leur assure une fidélisation importante de leur personnel. "Cela
paie aussi vis-à-vis des clients. Ils apprécient de retrouver les mêmes personnes aux
mêmes postes. N'oublions pas le coût de la formation, le stress", ajoute-t-il.
C'est vrai, à l'hôtel-restaurant Baud, les 34 employés ont l'air satisfaits et peu
disposés à partir en Suisse. Il y a bien sûr la rémunération : les frais de personnel
représentent 34 % du chiffre d'affaires. "Aucun salarié ne travaille au salaire
minimum légal car nous voulons créer une émulation, explique André Roussel.
L'intéressement attribué au bout de 6 mois de présence est fixé dans le cadre
législatif au prorata du salaire. Il représente 1,5 % du CA HT. Cet élément motive les
employés à aller dans le sens de l'entreprise, car ils savent qu'ils en récolteront les
fruits." Autre élément financier, le 13e mois est distribué après 1 an de
présence par tranche de 25 %, donnant au bout de 4 ans un mois plein. Autre
rémunération : les 25, 31 décembre et 1er janvier, 1er mai, et 14 juillet
travaillés sont payés double. Ces avantages financiers repoussent, certes la concurrence
suisse, mais, à entendre les employés, c'est surtout les conditions de travail qui font
l'attrait de l'hôtel-restaurant Baud. Depuis le 1er janvier 2000, la RTT a
été mise en place. "Bien entendu, c'est plus facile pour nous qui avons une
activité constante que pour les saisonniers. Nous sommes aussi favorisés par nos
excellents résultats : en l'an 2000, nous avons augmenté notre CA de 50 %. Nous avons
obtenu l'aide Aubry I et II."
Une adaptation du temps de travail
"Côté service, la mise en place nous pose moins de problème que côté cuisine.
Un consultant nous a aidés sur 6 mois. Nous avons également aménagé les horaires en
continu, en deux équipes. La première, en cuisine, travaille de 9 heures à 16 heures.
L'équipe du soir, de 16 heures à 24 heures. Ces horaires ne sont pas modifiés chaque
semaine. Bien sûr, les deux jours de repos consécutifs sont appliqués."
Denis Renaud, maître d'hôtel, exprime sa satisfaction. "J'ai beaucoup plus de
temps libre, ce qui est rare dans ce métier. Je me sens plus efficace car la fatigue est
un facteur de non-qualité." Frédéric Dubourvieux, chef de partie, a apprécié
la prise en compte de sa situation de famille. "La préférence est donnée aux
familles pour les week-ends et les fêtes comme Noël. Moi, j'ai choisi de skier avec mes
enfants le mercredi, j'évite ainsi la cohue de fin de semaine."
Avancer avec l'entreprise
Bien entendu, cette politique sociale s'applique aussi aux dirigeants et propriétaires. "C'est
très rare, en général les patrons de l'hôtellerie passent leur vie dans l'entreprise.
Ce n'est pas le cas ici. Nous avons une grande autonomie que nous apprécions,
explique Denis Renaud. Avec Frédéric, nous avons pensé à un projet de service au
plateau. Nous étudions les avantages, les inconvénients, le coût avant de faire
remonter l'information à Monsieur Baker. Je me sens bien ici, et pour rien au monde je
n'irais travailler en Suisse. J'apprécie beaucoup les horaires fixes, j'ai une vraie
qualité de vie, chose que je croyais impossible dans mon métier." A méditer...
n zzz60t
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L'Hôtellerie n° 2742 Magazine 1er Novembre 2001