La création est visible de très loin, près du centre commercial de Wasquehal, à l'orée du versant nord-est de la métropole lilloise. La famille Lecocq y rassemble quelques certitudes acquises de l'expérience, un vrai concept marketing et opérationnel complet, bâti à partir d'une intuition affûtée sur l'idée du 'soleil dans votre assiette'.
Alain Simoneau
Plus de 1 000 couverts servis au cours des 3
premiers jours sans lancement publicitaire, un record battu pour une journée, le samedi
26 janvier, à 520 couverts, 20 000 couverts servis les 2 premiers mois à un ticket moyen
de 18,50 e : modestement, Emmanuel Lecocq, désormais premier homme d'affaires de la
famille, indique que Villazur, après 60 jours de lancement, se trouve "légèrement
au-delà de son objectif". En fait, le coup semble bien réussi. Emmanuel Lecocq
se prépare avec ses frères à lancer un second emplacement dans la métropole lilloise.
Le premier Villazur est un restaurant de 240 couverts de capacité, situé sur un centre
commercial, à la charnière des deux versants, côté Lille d'une part (le versant
sud-ouest réputé le plus prospère), et côté Roubaix-Tourcoing d'autre part (le
versant nord-est, toujours en retard du fait du naufrage du textile, mais extrêmement
actif tout de même, avec la vente à distance notamment). A deux pas se situent à la
fois des ensembles de bureaux et de services, un grand nombre d'entreprises commerciales
et industrielles et une zone d'habitation moyen-haut de gamme en pleine extension. Un
Village Hôtel de 70 chambres se trouve à proximité. L'investissement atteint près de 2
Me. L'édifice, dessiné par l'architecte Marc Varlet, est visible de très loin. Une
mâture tendue comme un clocher soutient une batterie de voiles au-dessus d'un toit vert
faussement tendre qui évoque vaguement une pagode. L'entrée flanquée du grand logo, un
soleil piqué sur une fourchette, emmène carrément aux frontons des temples de la
Vallée des rois. Aux abords et à l'intérieur, des galets au sol, des stores, du bois,
du métal, de la pierre et du synthétique mêlés, des parois vitrées à larges carreaux
horizontaux répondent au toit, entre Japon et Thaïlande. Et en même temps, l'ambiance
concentre un côté high-tech. C'est un voyage vers l'Extrême-Orient avec escale en
Egypte, un retour de voyage de Tintin un demi-siècle après Les Cigares du Pharaon
et Le Lotus Bleu. Côté pratique, l'entrée mène à un espace d'accueil et
d'attente, un pupitre où siègent 1 ou 2 hôtes et hôtesses. On peut se diriger vers le
bar ou attendre assis à une table haute, manger seul. Sinon, le choix est vaste, pour un
public très large. A l'opposé, une entrée des cuisines de plain-pied mène vers un
circuit logique d'une cuisine logique et complète, compartimentée en zones de travail
homogènes. La productivité et l'hygiène sont au centre de la conception. "80 %
des préparations sont confectionnées sur place", affirme Emmanuel Lecocq.
De l'extérieur, sous une batterie de voiles, un fronton de temple et un air de
pagode, c'est le travail décapant de l'architecte Marc Varlet.
Cible ultra-large
Pour servir 200 à 300 couverts le midi en semaine, 350 le samedi soir, mais aussi 250 le
dimanche midi, pour rester ouvert non-stop de 11 heures à 23 heures, il faut évidemment
toucher des clientèles différentes. Surtout si l'objectif essentiel des Lecocq est de
fidéliser cette clientèle. Pour cela, outre l'architecture d'appel au large, puisqu'il
faut rêver, sortir de soi-même et de la grisaille, le concept utilise deux armes-clés :
l'aménagement de l'espace et la carte. L'aménagement reprend, en l'adaptant et en
l'élargissant, l'idée développée par les espaces les plus récents de restauration
rapide. La famille avec les enfants, le célibataire loin de tout foyer, le groupe
rigolard, la table de gens sérieux, la table de jeunes, les travailleurs de midi et les
futurs noctambules de 22 heures doivent tous trouver leur place. En créant des
décrochements par niveau et par étude en plan (le lieu de jeux des jeunes enfants est à
l'écart sans être bien loin), en utilisant la hauteur sous plafond avec une mezzanine et
une passerelle pour y accéder, Villazur montre plusieurs restaurants en un.
La carte est ensoleillée, reprend des thèmes méditerranéens ou exotiques à la mode,
mais sans risque excessif. La préparation des plats est simple, ce qui permet de les
réaliser sur place sans une brigade de nombreux professionnels aguerris. Le tout avec de
l'innovation. Villazur a déposé une marque de plat (faut-il le dire, à l'instar du
prêt-à-porter, une 'ligne de plats' ?), Terre et Mer, dans laquelle le client retrouve
associés poulet et calamars, autruche et gambas à la plancha, Rumsteck en queue de
homard à la plancha. Autre innovation : des 'mitonnés' du soleil aussi, comme le Tajine
d'agneau aux abricots et les Fusilli aux fruits de mer. Le client peut aussi se rassurer
avec des grills classiques. Les hors-d'uvre marchent fort aussi, antipasti de type
encornets à la napolitaine ou salades variées, tapas, tartines au ciabatta, etc., de
même que les pâtisseries italiennes maison... Si risque il y a, c'est de jouer
résolument l'huile d'olive dans ce pays de cuisine au beurre. La carte des vins vise ce
qu'Emmanuel Lecocq appelle la 'ballade occitane'.
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Personnel venu d'ailleurs
Villazur est donc devenu un gros porteur à thème voyages, porté par une clientèle
d'affaires le midi en semaine, les familles le samedi midi et le dimanche midi, les
branchés du thème le samedi soir avant la sortie. Le concept ne vise pas que les fous du
thème Méditerranée. "Nous ne voulons pas de culture monoproduit en raison du
risque de lassitude", précise Emmanuel Lecocq.
A moins de 20 e le ticket moyen, un peu plus le soir, nettement moins le midi, les charges
sont surveillées comme l'huile sur le feu. L'étude de la carte a prévu la reproduction
régulière de la qualité recherchée avec le minimum de pertes de produits et la plus
grande vitesse de réalisation, sans une brigade de haut vol en cuisine. La cuisine a
recours au portionnage de la viande et du poisson, et sous-traite sa légumerie, le tout
avec des fournisseurs locaux. Les garnitures sont très simples. La ratatouille est
toutefois réalisée sur place, cur de carte oblige. Le service (maximum 45 minutes
le midi, 1 h 30 le soir) est encadré par des professionnels, mais réalisé par des
jeunes formés dans l'esprit de la maison. Villazur emploie 35 personnes, pour moitié des
professionnels et pour moitié des jeunes formés par la maison. Il a fallu 1 an de
recrutement pour constituer l'équipe, laquelle tourne avec 3 cadres présents en
permanence. La rentabilité est attendue à partir d'un coefficient de 0,6 % de
remplissage, soit une moyenne de 140 couverts par service 7j/7. Le grand pari est de tenir
la productivité sans perte de qualité. "Nous nous donnons 6 mois pour
évaluer", disait Emmanuel Lecocq au lancement, début décembre 2001. Fin
janvier, il ne doutait déjà plus du résultat.
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Une idée mûrie
L'étude remonte à 4-5 ans. "Nous avons attendu que la Terrasse des Remparts (N.D.L.R.
: le restaurant traditionnel situé dans les vieilles pierres de la porte de Gand à
Lille) ait pris sa bonne vitesse. François a sillonné la France, les Etats-Unis, la
Grande-Bretagne, l'Espagne pour ne pas reproduire ce qui existait déjà. Nous voulions
créer un restaurant pour fidéliser les clients. Et des clients aux goûts plutôt
classiques", résume Emmanuel Lecocq. C'est pourquoi, dans une évocation
architecturale du soleil, Villazur se garde bien de révolutionner la cuisine. n zzz22v
Villazur
8, avenue du Grand Cottignies
Parc de l'Ecluse
59290 Wasquehal
Tél. : 03 20 66 35 35
Le groupe Lecocq
La famille Lecocq a regroupé ses participations dans une société de
holding intitulée SAS SPDL (Société de Développement et de Participation Lecocq).
Celle-ci contrôle Lecocq SA, vaisseau amiral avec la marque de catering Lecocq Traiteurs,
le laboratoire de production, le premier restaurant ouvert par la famille Les Hauts de
Barbieux à Roubaix, une salle de réception également à Roubaix. La holding contrôle
également la Terrasse des Remparts porte de Gand à Lille, le Fort de Mons et Villazur
SARL. Chantal Lecocq assure la liaison avec l'environnement du groupe, en particulier les
relations publiques à haut niveau, et garde un il sur la partie traiteur. Emmanuel
Lecocq est de plus en plus le gestionnaire et le primus inter pares, étant entendu
que les grandes décisions se prennent ensemble. Ses frères Alexandre et François sont
responsables respectivement de la production au sens large (y compris le recrutement, la
formation, la création des cartes...), et du développement des nouveaux projets. |
En chiffres |
Un rapide calcul montre que le premier Villazur vise un chiffre d'affaires de l'ordre de 2 Me. Il emploie 35 personnes, dont une quinzaine de professionnels, et entend éviter un turn-over trop élevé, donc paie ses jeunes dans la bonne fourchette du marché. Les menus formules, très vendus, s'étagent de 6 à 21 e. Les vins les plus vendus, les languedociens, sont proposés entre 10,5 et 11 e. |
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L'Hôtellerie n° 2763 Magazine 4 Avril 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE