Quand un journaliste new-yorkais, fou de cuisine française, débarque un jour à Marseille, c'est le coup de foudre. Il se prend de passion pour la ville, pour sa culture gastronomique, pour ses restaurants, et se met à écrire sur tout ce qu'il voit, sur tout ce qu'il goûte. Le 7 octobre prochain, à New York, c'est au restaurant Marseille qu'il lancera son guide Made in Marseille.
Patricia Alexandre Le Naour
© S. Boffredo
Dany
Young sera-t-il pour Marseille ce que Peter Mayle a été pour la Provence ? Qui sait...
Il suffit d'écouter ce jeune journaliste new-yorkais parler dans un français plein de
charme et d'anecdotes pour mesurer la connaissance qu'il a de la cité phocéenne et de sa
cuisine. "Je suis obsédé par les plaisirs de la table", avoue-t-il...
C'est à travers sa passion pour le cinéma français que, très jeune, il apprend le
français, histoire de mieux comprendre Truffaut, Rohmer et Godard. Cette passion va très
vite le conduire à Paris, dont il a depuis longtemps imaginé l'odeur de ses rues, les
bruits, les ambiances... "Quand je suis arrivé, c'était incroyable, c'était
encore plus fort que tout ce que j'avais imaginé, se souvient-il. C'est là que
j'ai compris mon identité. J'ai adoré le mode de vie français, la cuisine et la
brocante." Sa voie est dès lors tracée, il rentre à New York, étudie le
journalisme, la cuisine et devient critique gastronomique au Daily News. Il y
restera 15 ans. Le temps d'entrer en contact avec de très nombreux chefs américains et
français, le temps de voir comment les produits évoluent en matière de qualité, mais
aussi le temps de venir et de revenir le plus souvent en France, sa terre de cur et
de bouche... En 1998, il publiera un très bel ouvrage, Paris Café, cookbook, et
connaîtra un joli succès d'édition.
Une cuisine melting-pot
Alors pourquoi, quand on est new-yorkais, fou de cuisine française, s'être justement
intéressé à la cuisine marseillaise, pourquoi avoir choisi, pour s'adresser au public
américain, un terroir dont la réputation n'a jamais été très assurée ? Dany Young
semble justement avoir été encore plus attiré vers les cuisines marseillaises pour
toutes ces raisons... "Il y a toujours eu un mépris pour la cuisine marseillaise
parce que ce n'est pas une cuisine de terroir. Il y a toujours eu beaucoup de livres sur
la cuisine provençale, mais jamais rien sur Marseille. Les Marseillais ont toujours
été, aux yeux des autres, des gens suspects, et leur cuisine avec... La cuisine
marseillaise est faite de tout ce que les gens ont amené dans leurs bagages, à travers
leur culture. C'est, au même titre que la cuisine new-yorkaise, une cuisine melting-pot."
C'est pourquoi Dany Young va se passionner pour la cuisine marseillaise, mais pas
seulement pour sa gastronomie, il va plus loin, parcourt des mois durant toutes les rues,
note toutes les adresses qu'on lui recommande, essaye toutes les tables, va jusqu'à
tester les camions pizza, et passe sa vie entre le port, les quais, les marchés et les
cuisines des restaurants. Incontestablement aujourd'hui, 4 ans après avoir entamé son
initiation marseillaise, il connaît mieux Marseille, sa cuisine, que la plupart des
Marseillais... Et c'est justement ce qu'il a choisi de dire aux Américains, dans
l'ouvrage très bien illustré qu'il lance à New York en octobre. "Se proclamer
fier d'être Marseillais, explique le New-Yorkais, c'est chercher une identité,
c'est exactement ce que font aujourd'hui les jeunes chefs qui, depuis ces dernières
années, laissent aller leur créativité." Une créativité qu'il affirme
dénicher chez de très nombreux professionnels, et de citer, entre autres, Guillaume
Sourrieu à L'Epuisette, Lionel Levy à Une Table au Sud, qui construisent leur cuisine
avec passion pour les produits de la Méditerranée en général, les produits de la mer,
les produits de la terre et les épices, bien sûr. "Ils travaillent avec la même
boîte à outils", explique-t-il. D'autres vont encore plus loin, tel Gérald
Passédat qui, sans bruit, s'intéresse en plus aux produits végétariens de la mer. Mais
il y a aussi à Marseille, "comme nulle part ailleurs", des restaurants
de "puristes de poissons", il vous enverra alors au Tiboulin de Maïre,
du côté des Goudes, ou encore à l'Estaque, chez Camor ou à l'Hippocampe.
"Marseille enrichit"
Pour l'Américain, la cuisine marseillaise, c'est l'auberge espagnole, et ça n'est pas
nouveau... Il évoquera ceux que l'on a oubliés depuis longtemps... Les grands
restaurants et les grands hôtels pour voyageurs du côté de la Canebière et de la gare,
dont Alexandre Dumas disait qu'il avait déjà l'impression d'avoir quitté la France
quand il s'y attablait. Pour Dany Young, Marseille "est prétexte à enrichir la
cuisine provençale en introduisant les produits du bassin méditerranéen dans toute leur
variété et leur richesse. Un atout de taille pour la Provence dont la pauvreté
interdisait la profusion des produits". "Marseille enrichit, insiste-t-il. C'est
Antoine Caillot, un grand chef de la Canebière, qui a anobli la bouillabaisse en
ajoutant, entre autres, de l'ail et du safran. Ce n'était au départ qu'une simple soupe
de pêcheurs."
Made in Marseille, c'est toute cette histoire, c'est aussi 114 recettes, de
superbes photos, des tours de main, des souvenirs insolites, et c'est pour les Américains
qu'il l'a écrit...
Le phénomène est assez incroyable pour être signalé : les Américains sont attirés
par Marseille, et ce, principalement depuis la Coupe du Monde de Football de 1998. "Il
y a surtout deux régions qui intéressent les Américains, explique Dany Young, Paris
et la Provence. Mais comme les Américains adorent les trains aujourd'hui, ils veulent
tous faire Paris-Marseille en TGV." A tel point que tout ce qui tourne autour de
Marseille s'affiche aujourd'hui à New York, et que les derniers endroits à la mode, ceux
qui sont complets alors que d'autres souffrent encore de la crise, sont les restaurants
qui évoquent Marseille... Voici 2 ans, c'est à l'enseigne de Pastis qu'un investisseur
américain, après avoir ouvert une brasserie française du nom de Balthazar, s'installait
dans le bas de la ville, dans le quartier des abattoirs, un quartier que l'on qualifiait
alors d'infréquentable... Depuis l'ouverture pourtant, il affiche complet, 7j/7, du
petit-déjeuner au dîner, et attire toute la clientèle branchée, jeune et
intellectuelle de Manhattan. Cette année, malgré une conjoncture peu favorable aux
ouvertures, Simon Oren, propriétaire lui aussi de nombreux bistrots à New York, a ouvert
un restaurant qui s'appelle Marseille, tout simplement... Un investissement de 1,5 M$. Sur
la Canebière, on a beaucoup de mal à le croire, mais c'est ainsi... Reste à voir
maintenant comment les professionnels du tourisme sauront assumer...
Old port, new wave
Pour Dany Young, Made in Marseille tombe à pic, et répond parfaitement à une
réelle curiosité des Américains envers la ville où nombre d'entre eux avaient élu
domicile pendant la dernière guerre. Pour les hôteliers-restaurateurs marseillais, cet
engouement est une aubaine, d'autant que la sortie du livre donne déjà lieu à des
reportages sur la ville dans la presse américaine. 10 pages 'Old port, new wave' dans Gourmet
Magazine de juillet qui compte 5 millions de lecteurs, et dont le tarif de la page de
publicité se chiffre à 45 000 $, ne seront pas sans avoir, dans les mois qui viennent,
des répercussions sur la fréquentation hôtelière. Autant dire que les professionnels
marseillais entendent bien profiter de cette fantastique vague de sympathie, et s'appuyer
sur Daniel Young pour leur promotion outre-Atlantique. La CCI de Marseille-Provence a
immédiatement saisi la balle au bond, et assure à New York la promotion de Made in
Marseille... Des chefs marseillais seront là et feront déguster quelques-unes des
recettes présentées dans l'ouvrage. n zzz22m zzz99 zzz18p
Ses adresses préférées
|
Marseille, restaurant à
New York - mystère, exotisme et élégance
Pastis, restaurant à New York - avec l'accent
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L'Hôtellerie n° 2789 Magazine 3 Octobre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE