Le groupe familial modifie ses organisations internes, instaurant un management opérationnel à 3 directions : clientèle, gestion et production. Une démarche qui vise à satisfaire à la fois le client et le bien-être des collaborateurs.
Claire Cosson
"Cette nouvelle organisation de travail amène à réflechir sur les métiers
de l'hôtellerie de demain"
Christian Meunier, directeur général adjoint en charge du pôle hôtelier du groupe
Barrière.
Souvenez-vous ! La qualité devait être totale, le
service compris et le client roi. C'était le discours des grands pontes du marketing,
dans les années 80. Dix ans plus tard, il n'y avait, selon les conseillers en management
cette fois-ci, "de richesse que d'hommes", et l'enjeu majeur pour demain
consistait à savoir attirer et retenir des collaborateurs compétents. Aujourd'hui, le
roi est bien souvent nu. Quant au moral des troupes, il n'est hélas pas toujours au beau
fixe. Une situation qui touche un certain nombre de secteurs professionnels. Y compris
celui de l'hôtellerie et de la restauration. D'autant que ces derniers ont eu la
fâcheuse tendance à s'endormir sur leurs lauriers, en particulier s'agissant de gestion
des hommes. Il suffit du reste de jeter un coup d'il rapide aux organigrammes de
quelques entreprises du milieu pour vite comprendre que rien n'a véritablement changé au
cours des dernières décennies. L'organisation dite en râteau (un directeur général
dont dépendent toute une flopée de chefs de service) sévit en effet encore à peu près
partout.
Pourtant, la société a bel et bien évolué. Les besoins des clients également. Et les
technologies ont, elles, révolutionné les méthodes de travail. Qu'à cela ne tienne !
Le directeur d'hôtel, lui, a pris les allures d'un 'homme orchestre' : attaché
commercial, analyste financier et marketing, informaticien... Quant aux chefs de service,
ils ont en général le nez dans le guidon consacrant une partie de leur temps à des
tâches qui ne relèvent guère de leur expertise. De quoi oublier le goût du travail
bien fait et le plaisir du service rendu à la clientèle. La mise en place de la
réduction du temps de travail n'arrangeant évidemment rien à l'affaire.
Rééquilibrer
C'est en constatant de tels déséquilibres managériaux sur le terrain que Christian
Meunier, directeur général adjoint en charge du pôle hôtelier du groupe Lucien
Barrière, et les responsables des ressources humaines, ont décidé de réfléchir de
manière approfondie à la définition d'une nouvelle organisation interne adaptable à
chacun des établissements de la compagnie. "A l'évidence, un directeur d'hôtel
ne peut plus de nos jours prétendre traiter seul la totalité d'un problème. Au risque,
fréquemment, d'en oublier l'intérêt du client", explique Christian Meunier. Et
d'ajouter : "En conséquence, il nous est apparu indispensable de rééquilibrer
chaque fonction au niveau de l'opérationnel et du fonctionnel au sein de nos hôtels."
La solution ? C'est la mise en place d'un schéma d'organisation reposant sur 3 grandes
directions : direction des opérations clientèle, direction des opérations de gestion,
et enfin, direction des opérations de production. Positionnée à un niveau hiérarchique
identique, chacune de ces directions assume des responsabilités clairement définies.
Tous les métiers en contact physique avec les clients (réception, loge, relation
clients, room service, points de vente restauration, bar, banquets, room-service...)
relèvent ainsi du directeur des opérations clientèle.
Cost contrôle, comptabilité débiteurs, contrôle des recettes, informatique,
réservations, ressources humaines-planning, commercial réceptif, en réfèrent pour leur
part au responsable des opérations de gestion. Enfin, le back office (étages,
équipiers, technique, maintenance, cuisines, économat, achats) dépend, lui, du
directeur des opérations de production.
D'ores et déjà installé à Deauville, Dinard, La Baule et Enghien-les-Bains, ce nouvel
organigramme 'révolutionne' les méthodes de travail. "Cette forme d'organisation
clarifie en effet les rôles et les missions de chacun", souligne Philippe
Derossi, chargé d'études formation et gestion des carrières chez Lucien Barrière.
"En termes de gestion par exemple, la cuisine et la salle ne dépendent plus du
même directeur. Cette nouvelle donne est très constructive", constate Yves
Stabl, directeur des opérations de production à l'Hôtel Normandy à Deauville.
Plus de réactivité
En redistribuant les rôles, Lucien Barrière optimise par ailleurs fluidité et qualité
de l'information entre les services. Autrement dit, il instaure un climat de confiance et
plus de réactivité. "Autant de points positifs qui aboutissent à ce que nous
souhaitons tous : une meilleure satisfaction du client", déclare Fabrice Koch,
directeur du Grand Hôtel à Dinard.
Mais, il n'y a pas que l'intérêt du client qui prime dans cette démarche. La
revalorisation des postes des chefs de service est aussi au goût du jour car on leur
demande désormais d'être des experts dans leur cur de métier. Le tout en leur
offrant de nouvelles perspectives d'évolution. "Les tâches administratives de
type élaboration des budgets et autres qui étaient confiées au chef de cuisine ou bien
encore à la gouvernante, sont en effet maintenant réalisées, certes après
concertation, par le directeur des opérations concerné", précise Christian
Meunier.
Autre avantage à prendre également en considération dans cette organisation inédite,
l'ouverture du secteur à des profils différents. "Il faut être très vigilant
sur le recrutement des directeurs des opérations, mais c'est leur capacité à manager
des équipes qui prévaut", avoue Denis Le Lohé, chargé d'études
rémunération et reporting social. Tout comme pour le directeur d'hôtel qui, lui, prend
dorénavant une dimension prospective jusqu'alors peu sollicitée.
Pérenniser l'entreprise
C'est tant mieux d'ailleurs. Car, la mise en place de ce management opérationnel par
directions a un coût nécessitant la création d'une trentaine de postes. "Cela
représente un investissement financier important pour le groupe. On y gagne toutefois en
efficacité et disponibilité au niveau des directeurs d'établissement. Ces derniers
peuvent maintenant consacrer davantage de temps à la réflexion stratégique. Certains
postes ont en outre été supprimés comme ceux de directeur de la restauration, de
directeur de l'hébergement...", note le directeur général adjoint en charge de
l'hôtellerie.
Au final, ce nouvel organigramme semble bel et bien pérenniser l'entreprise tout en
anticipant sur l'évolution des métiers. Avec ce système, le départ d'un collaborateur
laisse effectivement l'hôtel en état de performance. Fini le château de cartes qui
s'écroule au moindre souffle ! n
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Ce qu'ils en pensentFabrice Koch © Gil Lefauconnier Gérard Laxenaire "Je
l'avoue volontiers. Au début, j'ai regardé cette nouvelle organisation avec un il
prudent, mais intéressé. D'autant que ce management opérationnel à 3 directions sort
enfin vraiment des sempiternelles organisations internes composées d'un n° 1, n° 2, n°
3... Véronique Allègre "J'occupe
ce poste depuis le mois de janvier dernier. A 27 ans, c'est une lourde tâche puisque j'ai
la responsabilité des services étages, cuisine, économat et technique. Je suis en fait
la garante du patrimoine de l'hôtel et de ses moyens de production. |
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L'Hôtellerie n° 2794 Magazine 7 Novembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE