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wpe289.jpg (754 octets)Enquête

Comment McDonald's s'est implanté en Italie

Une dolce vita durement gagnée  

Après plus de 10 ans de bataille et grâce à l'acquisition de son concurrent direct, McDonald's a réussi à mener à bien son projet italien. Après la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France, l'Italie est devenu l'un des plus grands pays européens de la planète McDonald's. Une expérience qu'on n'est pas prêt d'oublier du côté de Chicago.

Georges Garcin


L'entrée du restaurant qui surplombe le Corso Vittorio Emmanuele à Milan.

La 'battaglia di Piazza di Spagna' s'est déroulée le 22 mars 1986 sur l'une des plus fameuses places de Rome, au nom de la défense de la cuisine de la mamma contre l'envahisseur américain. Ce jour-là, sur cette place et sous cette bannière, la résistance, organisée par le Comité pour la sauvegarde du centre historique, réunissant politiciens, artistes, restaurateurs et inconditionnels des spaghettis, lançait une vaste manifestation populaire dont l'objectif était de barrer la route au hamburger, et dont le résultat fut un apport de notoriété tel que le restaurant romain devait, pendant plusieurs mois, réaliser le record de vente de tous les McDonald's du monde.

Des chiffres d'un autre monde
De fait, dans un pays où little continue d'être beautiful et où les opérateurs considèrent qu'il n'y a pas de meilleure attaque que la défense, les références du nouveau venu avaient de quoi inquiéter.
300 000 restaurants implantés dans 121 pays. 46 millions de clients. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. McDonald's est bien l'un des symboles les plus éclatants de l'impérialisme culturel américain. Une marque universelle devenue une référence incontournable de l'économie et de la politique contemporaines. Capable, par exemple, d'inspirer le fameux Big Mac Index qui mesure, en fonction du prix du Big Mac pratiqué dans chaque pays, la valeur de sa monnaie et le niveau de son pouvoir d'achat. Ou de dater de l'ouverture du premier McDonald's de Moscou, la fin de l'ère soviétique.
Alors en Italie, comme ailleurs, il était naturel que l'enseigne souleva la colère des uns. Mais il était également naturel que cette colère ne fut qu'une goutte d'eau dans un océan de coca-cola, parce qu'elle n'empêchait pas les autres de fréquenter, en foule, les comptoirs interdits. Et personne n'avait encore compris qu'une défense efficace ne pouvait passer que par la proposition de concepts nationaux concurrents, comme la restauration rapide à la française ou le fast-food pizza italien.

L'extraordinaire vision de Ray Kroc
L'aventure de McDonald's dépasse les plus invraisemblables scénarios qui jalonnent l'histoire du cinéma hollywoodien. La rencontre, survenue en 1954 dans le petit village californien de San Bernardino, d'un voyageur de commerce venu de l'Illinois et de deux modestes restaurateurs nourrissant de boulettes de viande hachée et pressée à la mode de Hambourg, les hordes misérables des immigrés et des Américains de l'Est à la recherche de la terre promise. La vision de Ray Kroc réussissant à convaincre les frères Mac Donald's de développer leur petit commerce. Son extraordinaire capacité d'appliquer à une activité artisanale les principes d'organisation du travail de la grande industrie, et de la répandre à grande vitesse à travers le franchising. Et, à l'arrivée, un destin universel. Dans cette course folle à travers le monde, les pays européens tiennent une grande place puisqu'y sont implantés 20 % des points de vente de la chaîne. Mais, parmi eux, celui qui a le plus longtemps résisté à l'ambition du colosse américain était l'Italie.
Ce n'est, en effet, qu'en 1985, 40 ans après la naissance du concept, que McDonald's s'est décidé, malgré l'attrait d'un marché potentiel de 120 millions de consommateurs, habitants et touristes réunis, à tenter un discret débarquement dans le Bel Paese. L'analyse des raisons de cette longue hésitation donne une idée précise des obstacles que rencontrent les entreprises de services multinationales au moment de concevoir et de mettre en œuvre un projet italien. D'abord, l'existence d'une activité locale de petite dimension et de grande diffusion, qui, dans ce cas, se concrétisait par une forte présence de la ristorazione veloce nazionale (restauration rapide) pratiqué par une multitude de bars. Ensuite, la stratégie traditionnelle du catenaccio qui, par le biais du corporatisme, de la politique et de la bureaucratie, ferme la porte aux envahisseurs étrangers. Enfin, la barrière d'une organisation du travail démunie de toute flexibilité, inadaptée aux besoins d'un groupe qui employait 1,5 million de personnes avec des taux de part time et de turn-over élevés.

L'acquisition de Burghy
Mais en dépit de ce contexte local, l'Italie ne pouvait pas continuer à représenter une si longue absence au sein de son réseau mondial. Pendant les 10 années qui suivirent l'ouverture de son premier local à Bolzano, le management américain essaya donc, par tous les moyens, d'y reproduire les implantations réussies en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en France. Sans grand succès puisqu'à la fin de 1994, le réseau ne comptait que 23 points de vente. Un échec qui amena le siège américain à italianiser son projet, et à confier, en 1995, la direction de la filiale à un manager venu de Ferrara, Mario Resca, dont la carrière avait transité par le journalisme, la banque et la recherche de cadres.
Cette décision fut le point de départ d'une phase de croissance. Dans un premier temps grâce à des alliances avec de grands partenaires nationaux : le groupe de grande distribution La Rinascente, et surtout, le pétrolier Agip dans les stations-service duquel ont déjà été ouverts 27 restaurants.
Dans un deuxième temps, grâce à une négociation acharnée avec le Gruppo Cremonini dont la chaîne Burghy, enrichie par l'acquisition des réseaux Quick et Wendy, détenait un solide leadership sur le marché du fast-food.
Pour la première fois, pour gagner sa guerre d'Italie, le géant américain allait être obligé d'acheter son concurrent direct. Ce qui fut fait, en 1996, selon les termes d'un contrat formalisant la vente du réseau des restaurants Burghy au groupe américain, et l'approvisionnement en viandes de la chaîne confiée à Cremonini pour une période de 5 ans. Cette opération apportait enfin à McDonald's Italia une dimension significative avec 142 restaurants, 4 800 employés et un chiffre d'affaires de 262 milliards de lires. Des chiffres qui, en 2002, sont devenus 330 restaurants, 16 500 employés et 430 Me de vente. Et chaque jour, 650 000 clients, dont 58 % ont entre 20 et 35 ans, 22 % entre 35 et 50 ans, 10 % moins de 20 ans, et 10 % plus de 50 ans.
Avec de telles performances, l'Italie est devenu un grand territoire McDonald's européen, après la Grande-Bretagne (1 200 restaurants), l'Allemagne (1 160) et la France (920).
L'origine de tels développements est l'application à l'Italie d'une formule de franchising mondialement utilisée par la marque, mais encore peu intégrée à la culture économique locale. Une formule qui permet de limiter les ressources financières nécessaires pour accéder à la gestion d'un restaurant, et qui lie strictement le franchisé à son franchiseur, garantissant par là le respect du système McDonald's.  


La première enseigne des hamburger-restaurants italiens : Burghy créée en 1982.

Un développement fondé sur le franchising
On demande au candidat franchisé de constituer une société à responsabilité limitée.
Le franchiseur prend en charge l'identification du site et réalise les études de faisabilité. C'est lui qui engage la totalité de l'investissement immobilier, ce qui lui assure la qualité de propriétaire ou locataire de l'immeuble, et se procure les licences, ce qui lui assure le droit à l'exploitation.
De son côté, le franchisé prend directement en charge les dépenses relatives aux équipements, à l'ameublement, à la décoration, aux enseignes, à la formation de son personnel et aux actions de publicité et de promotion de lancement. Cet engagement financier est évalué à un montant de l'ordre de 380 000 à 500 000 e, avec une liquidité minimum de 40 %.
Pendant la période de gestion, s'appliquent les règles habituelles de la franchise avec facturation d'une redevance et d'un affitto d'azienda (redevance d'activité), calculées en pourcentage des ventes. Il n'est pas accordé aux franchisés des exclusivités territoriales. Cependant, il est offert aux plus efficaces d'entre eux de gérer plusieurs points de vente. Ce qui est le cas de plus de 50 % d'entre eux.
Cette politique est, aujourd'hui, parfaitement rodée. Elle permet le développement régulier de la chaîne sur les marchés de la restauration urbaine, des centres commerciaux et de la restauration concédée. Elle assure à la marque un quasi-monopole du secteur du fast-food hamburger que seuls peuvent troubler, dans une mesure très limitée, les accords de partenariat conclus entre Autogrill et Burger King.  

McDonald's apprend l'italien
L'Italie a, certes, apporté au géant du hamburger un lot de difficultés particulièrement fourni. Mais, en compensation, elle lui a donné des idées. Dans un contexte défavorable lié, notamment, à la crise de la vache folle, la marque a engagé des programmes de diversification food et non-food. Et dans cette tendance, on relève un certain nombre d'initiatives directement inspirées de la tradition italienne. Par exemple, les tests réalisés par la McDonald's Development Italy dans le secteur de la pizza avec les marques PizzaMia et Pizza&Sfizzi. Et l'annonce, en mai 2002, de l'ouverture aux Etats-Unis de 30 restaurants italiens ainsi que l'acquisition en cours des 400 restaurants du groupe Fazzoli... Parce que, comme l'a déclaré récemment le directeur général de l'empire du hamburger, "la pasta est l'aliment le plus important et le plus en pointe sur le marché de la restauration". De l'autre côté des Alpes, on ne pouvait imaginer meilleure publicité. n zzz99 zzz22v zzz2236 zzz22t

Nbre d'enseignes McDonald's en Europe (décembre 2001)


Source : Food Service Europe

En chiffres

McDonald's Italia (2001)

Restaurants 320
Franchisés 150
Volume d'affaires 430 Me
Investissements 77 Me
Effectif 15 000 personnes

Le groupe McDonald's (2001)

  Ventes (en M$) Revenus (en M$) Nbre de restaurants
USA 20 051,5 1 596,0 13 099
Europe 9 411,7 1 063,2 5 794
Asie/Pacifique 6 621,9 370,5 6 771
Amérique latine 1 733,2 10,9 1 581
Autres 2 812,1 11,7 2 848
Corporate

- 355,3

Total

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30 093

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L'Hôtellerie Restauration n° 2798 Magazine 5 Décembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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