Après plus de 10 ans de bataille et grâce à l'acquisition de son concurrent direct, McDonald's a réussi à mener à bien son projet italien. Après la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France, l'Italie est devenu l'un des plus grands pays européens de la planète McDonald's. Une expérience qu'on n'est pas prêt d'oublier du côté de Chicago.
Georges Garcin
L'entrée du restaurant qui surplombe le Corso Vittorio Emmanuele à Milan.
La 'battaglia di Piazza di Spagna' s'est déroulée le 22 mars 1986 sur l'une des plus fameuses places de Rome, au nom de la défense de la cuisine de la mamma contre l'envahisseur américain. Ce jour-là, sur cette place et sous cette bannière, la résistance, organisée par le Comité pour la sauvegarde du centre historique, réunissant politiciens, artistes, restaurateurs et inconditionnels des spaghettis, lançait une vaste manifestation populaire dont l'objectif était de barrer la route au hamburger, et dont le résultat fut un apport de notoriété tel que le restaurant romain devait, pendant plusieurs mois, réaliser le record de vente de tous les McDonald's du monde.
Des chiffres d'un autre monde
De fait, dans un pays où little continue d'être beautiful et où les
opérateurs considèrent qu'il n'y a pas de meilleure attaque que la défense, les
références du nouveau venu avaient de quoi inquiéter.
300 000 restaurants implantés dans 121 pays. 46 millions de clients. Les chiffres parlent
d'eux-mêmes. McDonald's est bien l'un des symboles les plus éclatants de l'impérialisme
culturel américain. Une marque universelle devenue une référence incontournable de
l'économie et de la politique contemporaines. Capable, par exemple, d'inspirer le fameux
Big Mac Index qui mesure, en fonction du prix du Big Mac pratiqué dans chaque pays, la
valeur de sa monnaie et le niveau de son pouvoir d'achat. Ou de dater de l'ouverture du
premier McDonald's de Moscou, la fin de l'ère soviétique.
Alors en Italie, comme ailleurs, il était naturel que l'enseigne souleva la colère des
uns. Mais il était également naturel que cette colère ne fut qu'une goutte d'eau dans
un océan de coca-cola, parce qu'elle n'empêchait pas les autres de fréquenter, en
foule, les comptoirs interdits. Et personne n'avait encore compris qu'une défense
efficace ne pouvait passer que par la proposition de concepts nationaux concurrents, comme
la restauration rapide à la française ou le fast-food pizza italien.
L'extraordinaire vision de Ray Kroc
L'aventure de McDonald's dépasse les plus invraisemblables scénarios qui jalonnent
l'histoire du cinéma hollywoodien. La rencontre, survenue en 1954 dans le petit village
californien de San Bernardino, d'un voyageur de commerce venu de l'Illinois et de deux
modestes restaurateurs nourrissant de boulettes de viande hachée et pressée à la mode
de Hambourg, les hordes misérables des immigrés et des Américains de l'Est à la
recherche de la terre promise. La vision de Ray Kroc réussissant à convaincre les
frères Mac Donald's de développer leur petit commerce. Son extraordinaire capacité
d'appliquer à une activité artisanale les principes d'organisation du travail de la
grande industrie, et de la répandre à grande vitesse à travers le franchising. Et, à
l'arrivée, un destin universel. Dans cette course folle à travers le monde, les pays
européens tiennent une grande place puisqu'y sont implantés 20 % des points de vente de
la chaîne. Mais, parmi eux, celui qui a le plus longtemps résisté à l'ambition du
colosse américain était l'Italie.
Ce n'est, en effet, qu'en 1985, 40 ans après la naissance du concept, que McDonald's
s'est décidé, malgré l'attrait d'un marché potentiel de 120 millions de consommateurs,
habitants et touristes réunis, à tenter un discret débarquement dans le Bel Paese.
L'analyse des raisons de cette longue hésitation donne une idée précise des obstacles
que rencontrent les entreprises de services multinationales au moment de concevoir et de
mettre en uvre un projet italien. D'abord, l'existence d'une activité locale de
petite dimension et de grande diffusion, qui, dans ce cas, se concrétisait par une forte
présence de la ristorazione veloce nazionale (restauration rapide) pratiqué par
une multitude de bars. Ensuite, la stratégie traditionnelle du catenaccio qui, par
le biais du corporatisme, de la politique et de la bureaucratie, ferme la porte aux
envahisseurs étrangers. Enfin, la barrière d'une organisation du travail démunie de
toute flexibilité, inadaptée aux besoins d'un groupe qui employait 1,5 million de
personnes avec des taux de part time et de turn-over élevés.
L'acquisition de Burghy
Mais en dépit de ce contexte local, l'Italie ne pouvait pas continuer à représenter une
si longue absence au sein de son réseau mondial. Pendant les 10 années qui suivirent
l'ouverture de son premier local à Bolzano, le management américain essaya donc, par
tous les moyens, d'y reproduire les implantations réussies en Allemagne, en
Grande-Bretagne ou en France. Sans grand succès puisqu'à la fin de 1994, le réseau ne
comptait que 23 points de vente. Un échec qui amena le siège américain à italianiser
son projet, et à confier, en 1995, la direction de la filiale à un manager venu de
Ferrara, Mario Resca, dont la carrière avait transité par le journalisme, la banque et
la recherche de cadres.
Cette décision fut le point de départ d'une phase de croissance. Dans un premier temps
grâce à des alliances avec de grands partenaires nationaux : le groupe de grande
distribution La Rinascente, et surtout, le pétrolier Agip dans les stations-service
duquel ont déjà été ouverts 27 restaurants.
Dans un deuxième temps, grâce à une négociation acharnée avec le Gruppo Cremonini
dont la chaîne Burghy, enrichie par l'acquisition des réseaux Quick et Wendy, détenait
un solide leadership sur le marché du fast-food.
Pour la première fois, pour gagner sa guerre d'Italie, le géant américain allait être
obligé d'acheter son concurrent direct. Ce qui fut fait, en 1996, selon les termes d'un
contrat formalisant la vente du réseau des restaurants Burghy au groupe américain, et
l'approvisionnement en viandes de la chaîne confiée à Cremonini pour une période de 5
ans. Cette opération apportait enfin à McDonald's Italia une dimension significative
avec 142 restaurants, 4 800 employés et un chiffre d'affaires de 262 milliards de lires.
Des chiffres qui, en 2002, sont devenus 330 restaurants, 16 500 employés et 430 Me de
vente. Et chaque jour, 650 000 clients, dont 58 % ont entre 20 et 35 ans, 22 % entre 35 et
50 ans, 10 % moins de 20 ans, et 10 % plus de 50 ans.
Avec de telles performances, l'Italie est devenu un grand territoire McDonald's européen,
après la Grande-Bretagne (1 200 restaurants), l'Allemagne (1 160) et la France (920).
L'origine de tels développements est l'application à l'Italie d'une formule de
franchising mondialement utilisée par la marque, mais encore peu intégrée à la culture
économique locale. Une formule qui permet de limiter les ressources financières
nécessaires pour accéder à la gestion d'un restaurant, et qui lie strictement le
franchisé à son franchiseur, garantissant par là le respect du système McDonald's.
La première enseigne des hamburger-restaurants italiens : Burghy créée en 1982.
Un développement fondé sur le franchising
On demande au candidat franchisé de constituer une société à responsabilité limitée.
Le franchiseur prend en charge l'identification du site et réalise les études de
faisabilité. C'est lui qui engage la totalité de l'investissement immobilier, ce qui lui
assure la qualité de propriétaire ou locataire de l'immeuble, et se procure les
licences, ce qui lui assure le droit à l'exploitation.
De son côté, le franchisé prend directement en charge les dépenses relatives aux
équipements, à l'ameublement, à la décoration, aux enseignes, à la formation de son
personnel et aux actions de publicité et de promotion de lancement. Cet engagement
financier est évalué à un montant de l'ordre de 380 000 à 500 000 e, avec une
liquidité minimum de 40 %.
Pendant la période de gestion, s'appliquent les règles habituelles de la franchise avec
facturation d'une redevance et d'un affitto d'azienda (redevance d'activité),
calculées en pourcentage des ventes. Il n'est pas accordé aux franchisés des
exclusivités territoriales. Cependant, il est offert aux plus efficaces d'entre eux de
gérer plusieurs points de vente. Ce qui est le cas de plus de 50 % d'entre eux.
Cette politique est, aujourd'hui, parfaitement rodée. Elle permet le développement
régulier de la chaîne sur les marchés de la restauration urbaine, des centres
commerciaux et de la restauration concédée. Elle assure à la marque un quasi-monopole
du secteur du fast-food hamburger que seuls peuvent troubler, dans une mesure très
limitée, les accords de partenariat conclus entre Autogrill et Burger King.
McDonald's apprend l'italien
L'Italie a, certes, apporté au géant du hamburger un lot de difficultés
particulièrement fourni. Mais, en compensation, elle lui a donné des idées. Dans un
contexte défavorable lié, notamment, à la crise de la vache folle, la marque a engagé
des programmes de diversification food et non-food. Et dans cette tendance, on relève un
certain nombre d'initiatives directement inspirées de la tradition italienne. Par
exemple, les tests réalisés par la McDonald's Development Italy dans le secteur de la
pizza avec les marques PizzaMia et Pizza&Sfizzi. Et l'annonce, en mai 2002, de
l'ouverture aux Etats-Unis de 30 restaurants italiens ainsi que l'acquisition en cours des
400 restaurants du groupe Fazzoli... Parce que, comme l'a déclaré récemment le
directeur général de l'empire du hamburger, "la pasta est l'aliment le plus
important et le plus en pointe sur le marché de la restauration". De l'autre
côté des Alpes, on ne pouvait imaginer meilleure publicité. n zzz99
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Nbre d'enseignes McDonald's en Europe (décembre 2001)
Source : Food Service Europe
McDonald's Italia (2001) |
|||
---|---|---|---|
Restaurants | 320 | ||
Franchisés | 150 | ||
Volume d'affaires | 430 Me | ||
Investissements | 77 Me | ||
Effectif | 15 000 personnes | ||
Le groupe McDonald's (2001) |
|||
Ventes (en M$) | Revenus (en M$) | Nbre de restaurants | |
USA | 20 051,5 | 1 596,0 | 13 099 |
Europe | 9 411,7 | 1 063,2 | 5 794 |
Asie/Pacifique | 6 621,9 | 370,5 | 6 771 |
Amérique latine | 1 733,2 | 10,9 | 1 581 |
Autres | 2 812,1 | 11,7 | 2 848 |
Corporate | - 355,3 |
||
Total | 40 630,4 |
2 697,0 |
30 093 |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2798 Magazine 5 Décembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE