de juin 2003 |
À LA UNE |
Il en a fait du chemin, ce fils d'immigré italien qui, dans sa jeunesse, aidait son père à bâtir des maisons. Pas encore 45 ans et déjà les noms d'hôtels mythiques s'inscrivent à son palmarès : Ritz, George V, Touessrok, Saint-Géran... Il est aujourd'hui à la tête du Martinez à Cannes et du très attendu Palais de la Méditerranée à Nice. Un parcours dont on peut dire que Ça, c'est palace !
Claire Cosson © Thierry Samuel
© Thierry Samuel
"On peut facturer le prix que l'on veut pour un appartement ou une suite à une
seule condition : offrir un service irréprochable"
Avec son sourire enjôleur,
sa poignée de main chaleureuse, son costume impeccable griffé Hugo Boss et ses mocassins
en daim assorti - "Je tiens sûrement cela de ma mère qui autrefois vendait des
chaussures", confie-t-il en souriant -, Sylvain Ercoli a tout de l'Italien
charmeur bon chic, bon genre qui soigne résolument son look pour plaire. Quoi d'ailleurs
de plus normal... Le climat d'effervescence qui règne en ce moment dans le palace de la
Croisette s'y prête parfaitement.
Le 56e Festival de Cannes bat son plein. Et comme à son habitude, la bâtisse azuréenne
(créée le 17 février 1929) accueille stars et vedettes du grand écran à bras grands
ouverts. Cette manifestation est d'une telle envergure qu'en moins de 12 jours, l'Hôtel
Martinez va réaliser 10 % de son chiffre d'affaires annuel. L'enjeu est d'importance. Et
le maître des lieux, Sylvain Ercoli, n'éprouve à l'évidence aucune difficulté à se
mêler au gratin du show-business. Mieux. Il agit comme un véritable poisson dans l'eau.
"Il sait très bien nager", ironise avec tendresse Frank Klein, patron du
Ritz, habituellement d'une extrême discrétion.
Quelles que soient les circonstances, Sylvain réussit en effet à se fondre entièrement
dans le paysage qui l'entoure. Un bon mot pour les journalistes, un geste attentionné
pour les femmes, une accolade amicale à un habitué, une discussion avec un important
agent de voyages américain, ou bien encore, quelques paroles échangées avec un homme
politique, le créole mauricien appris en quatrième vitesse pour mieux communiquer avec
ses équipes..., ce fils d'immigré italien, né en août 1958 dans le nord de la France
à Longwy, père de trois enfants, affiche en toute occasion une aisance déconcertante.
"A tel point qu'on dirait parfois un véritable caméléon", confesse
l'un de ses familiers.
© Thierry Samuel
Un caméléon
Un trait de caractère qui lui a permis tout au long de sa carrière de se rendre
à la fois aimable et indispensable. Cet homme-là est d'ailleurs devenu en deux temps,
trois mouvements un réseau à lui tout seul. "Il connaît la terre entière",
souligne Christophe Aldunate, directeur d'exploitation du Martinez. Résultat : le gotha
des affaires, la jet-set et autres personnalités du monde politique n'hésitent pas, dès
qu'ils le peuvent, à lui renvoyer l'ascenseur. Avec d'autant plus de sincérité qu'à
chacun de leur séjour dans un établissement dirigé par ce jeune quadragénaire, ils
reconnaissent avoir été traités de manière exceptionnelle.
"Mon rôle consiste à satisfaire les besoins de mes clients en leur donnant
l'impression qu'ils sont uniques au monde", répond avec humilité le directeur
général de l'Hôtel Martinez. Et de poursuivre : "Il faut aussi leur faire
croire que tout est facile, que rien n'est impossible pour eux. Cela signifie que nous
devons toujours être prêts pour gérer la moindre demande. Y compris celle qui relève
de l'exceptionnel."
© Thierry Samuel
Le hall privilégie la convivialité.
Il débute comme réceptionniste de nuit
Telles sont les paroles d'un autodidacte qui n'a pas son pareil pour mettre en
scène sa simplicité et sa modestie. A l'écouter ainsi, on finirait même par croire que
l'hôtellerie a toujours été pour lui un sacerdoce, ou qu'une bonne fée aurait tout
simplement décidé un jour de le transformer en un parfait directeur de palace. La
réalité a un tout autre visage. Malgré des dispositions naturelles pour diriger et un
goût avéré de l'action, rien ne prédestinait cet enfant, élevé à la dure chez les
Jésuites, à embrasser la carrière d'hôtelier et à y briller. Il entre d'ailleurs dans
cette profession un peu par hasard. Une mère qui lit un journal, une petite annonce qui
retient son attention. Le fils y répond. Et voilà le jeune homme qui endosse l'habit de
réceptionniste de nuit en 1980, au Sofitel de Nancy. BEPC en poche, il a certes déjà
travaillé aux côtés de son père (entrepreneur en bâtiment) ainsi que dans le milieu
du plastique industriel. Mais d'emblée, Sylvain Ercoli avoue à son nouvel employeur
(Jean-François Roland Valmy) ne pas en connaître un rayon s'agissant du fonctionnement
d'un hôtel. Pas nécessairement convaincu que sa nouvelle recrue a le profil idéal pour
les métiers de service, son directeur lui ouvre néanmoins d'incroyables horizons. "Si
je commence au poste de réceptionniste, jusqu'où puis-je espérer aller ?",
a-t-il demandé à Jean-François Roland Valmy lors de son entretien d'embauche. "Pourquoi
pas directeur d'hôtel ?", lui a-t-il simplement répondu.
Son parcours |
1958
: Naissance de Sylvain, Fidèle, Marc Ercoli à Longwy 1980 : Réceptionniste de nuit, puis chef de réception au Sofitel de Nancy 1981 :: Assistant de direction, puis assistant du directeur de l'hébergement à l'hôtel Nova Park Elysées à Paris 1984 :: Attaché de direction, sous-directeur et directeur du Ritz à Paris, et mariage avec Sylvie Castillon avec qui il aura 3 enfants (Aurélie, Antoine et Flavie) 1991 :: Secrétaire à la mission permanente du Sultanat d'Oman auprès des Nations Unies à Genève 1993 :: Directeur de l'hôtel George V à Paris et directeur général du Touessrok à l'île Maurice 1995 : Directeur général du Touessrok et du Saint-Géran à l'île Maurice 1999 :
Directeur général des hôtels Byblos à Saint-Tropez et Courchevel, puis, en outre,
directeur du développement de la Société Byblos |
Remercier ses maîtres à penser
© Thierry Samuel
Des mots qui ne tomberont pas dans l'oreille d'un sourd. Au
contraire ! Ce message, Sylvain Ercoli le reçoit cinq sur cinq. Jamais depuis lors il n'a
failli devant aucun effort gardant toujours les yeux rivés vers le haut. "Il a de
tout temps été très ambitieux", constate volontiers Frank Klein. Et d'ajouter
aussitôt : "Il ne s'agit pas chez lui cependant d'une ambition dévastatrice qui
écrase les gens sur son passage."
Mais plutôt en fait de quelque chose de constructif visant l'amélioration et le
perfectionnisme. Chaque chose doit arriver en son temps pour notre protagoniste... On
notera certes parfois - n'en déplaise à l'intéressé - une petite pointe
d'égocentrisme. Reste que c'est sa loyauté, sa lucidité et son sens de l'écoute qui le
conduisent à mener un parcours hors normes. Pas question en effet chez le fils d'Ottavio
et de Nadia de brûler les étapes.
Encore moins de ne pas dire merci aux hommes qu'il a rencontrés et qui lui ont tant
apporté. La gratitude est naturelle chez l'actuel directeur général du Martinez. Qui
plus est envers ses maîtres à penser. "J'ai eu de la chance de rencontrer des
hommes d'exception dans ma carrière, ils m'ont enseigné à la fois ce qu'est le luxe et
le service", explique Sylvain. Depuis son départ du Ritz où il officia de 1984
à 1991 en qualité tout d'abord d'attaché de direction, puis de sous-directeur et enfin
de directeur auprès de l'emblématique et très secret Frank Klein, Sylvain n'a de cesse
de prendre des nouvelles de son maître à penser.
"Frank Klein est l'un des plus grands hôteliers au monde. Il m'a énormément
appris, notamment en termes de qualité de service. Mieux, encore ! C'est à lui que je
dois mes cours à la Cornell University aux Etats-Unis. Autrement dit, l'acquisition d'un
savoir académique", insiste-t-il apparemment encore très ému par cet épisode
de sa vie. Son de cloche quasi identique envers Sol Kerzner, le propriétaire du groupe
Sun International, et son bras droit Paul T. Jones. "Ils m'ont fait d'entrée de
jeu confiance en me donnant les rênes du Touessrok à l'île Maurice. Puis plus tard,
celles de leur fleuron, le Saint-Géran. Ces deux personnages m'ont dispensé la rigueur
de la gestion anglo-saxonne", assure Sylvain Ercoli. Sans oublier le sens de la
communication et l'esprit d'équipe.
A l'entendre, ce feu follet, passionné de moto, a donc eu plusieurs modèles qu'il aurait
au final tout bonnement copiés. Voilà ce sur quoi reposerait l'élément essentiel de
son succès. Un peu court comme explication. D'autant que les personnes concernées ne
manquent pas de souligner ses talents personnels. "Sylvain a un sens aigu de
l'observation. Il est vrai qu'il fauche les idées des autres. Mais, il y applique ensuite
sa propre recette", témoigne Frank Klein.
"Il a en lui un véritable moteur qui fait que l'on est prêt à se battre à ses
côtés. Le tout accompagné d'un sens inné du contact", surenchérit Antoine
Chevanne, directeur général des Byblos de Saint-Tropez et Courchevel. Etablissements
dont Sylvain Ercoli a d'ailleurs assumé la direction de 1999 à 2001.
© Thierry Samuel
Le souci du détail, ça c'est luxe !
People, people, people
Cet homme du Sud est assurément très doué pour la comédie. Il n'empêche qu'il ne
dirige pas l'Hôtel Martinez, propriété de la Société du Louvre, depuis 2001 par le
simple fruit du hasard. "Je l'ai recommandé à Frantz Taittinger, p.-d.g. de la
société hôtelière Martinez Concorde, parce qu'il est pluri-compétent, d'un grand
charisme et d'une grande discrétion à la fois", indique Jean-Louis Bottigliero,
son prédécesseur devenu directeur général exécutif des Relais & Châteaux. "Il
a une vraie vision de l'entreprise. De plus, il s'est adapté au Martinez de manière
quasi instantanée", précise Frantz Taittinger, visiblement ravi de le voir à
ses côtés. Les mentors de Sylvain Ercoli ont de quoi être fiers. "Aujourd'hui,
je ne peux plus rien lui apporter", souligne le patron du Ritz. L'élève a fait
son chemin, à la force du poignet certes, mais il mène maintenant sa barque comme il se
doit (en décembre 2002, le magazine Harpers & Queens lui a attribué le
trophée du Meilleur directeur d'hôtel). Impliqué à 100 % dans la bonne marche de
l'entreprise, il dirige avec une énergie débordante ce vaisseau cannois de 415 chambres
(dont 27 suites) qui réalise quelque 40 Me de recettes annuelles et dégage 4 Me de
profit. Le tout entouré d'une équipe de proches collaborateurs triés sur le volet.
"J'ai un principe de base : people, people, people. Sans eux, nous ne sommes rien",
commente Sylvain Ercoli.
© Thierry Samuel |
© Thierry Samuel |
Encore des projets
Ces derniers ont intérêt de suivre. Le patron nourrit en effet de grandes
ambitions pour la filiale de la Société du Louvre dont il veut faire l'un des tout
premiers hôtels au monde dans sa catégorie. Un challenge que chacun des membres du
comité de direction est prêt à relever. D'autant que le big boss leur accorde une
grande autonomie. "Une fois sa confiance acquise, Sylvain Ercoli délègue
complètement. Cela peut paraître au début un peu déroutant, mais c'est finalement
formidable ! Sachant qu'il est toujours présent pour répondre à vos moindres doutes",
déclare, enthousiaste, Christophe Aldunate, âgé de 30 ans, directeur d'exploitation du
Martinez. Esprit libertaire, Sylvain Ercoli jouit à l'évidence d'une capacité à
mobiliser pas si courante que cela dans la profession. Capacité qui, avec l'aide de son
actionnaire (financement d'une cure de jouvence d'un montant de 45 Me, dont 25 Me investis
au cours des trois dernières années), a toutes les chances de lui permettre d'atteindre
ses objectifs. Les récompenses ne se font d'ailleurs pas attendre. Rejetant résolument
l'ostentatoire au profit du raffinement et de l'élégance, le palace des années 30 s'est
ainsi d'ores et déjà vu décerner quelques jolis trophées (lire encadré ci-dessus).
Et la récolte ne devrait pas s'arrêter là. Après la création du luxueux spa Givenchy
au 7e étage (2,2 Me) sur lequel Sylvain Ercoli fonde beaucoup d'espoir, le directeur
général du Martinez a encore beaucoup de projets dans sa besace : la rénovation du bar
l'Amiral, du restaurant Le Relais Martinez, d'un certain nombre de chambres... "Il
faut entreprendre tous les ans des choses nouvelles que les clients puissent voir de leurs
yeux", précise-t-il. Et puis d'ajouter : "Développer sans cesse des
services inédits. Car je sais ce que veulent mes clients aujourd'hui, mais demain ?"
Ça c'est palace ! n zzz18p
Un spa Givenchy pour augmenter le taux d'occupation et lisser la saisonnalité |
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Les récompenses du Martinez è
1999 : The Five Star Diamond Award décerné par The American Academy of
Hospitality Sciences |
L'Hôtel Martinez en chiffres
è Un chiffre d'affaires annuel en 2002 de 40,5 Me |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2824 Magazine 5 Juin 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE