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de juin 2003
SUCCÈS ET DIFFICULTÉS

Au Jean's du Touquet  

Le rêve américain de Christophe Dedécker

Après avoir participé voici une quinzaine d'années avec son père Serge au lancement des pubs Au Bureau, Christophe Dedécker a jeté son dévolu sur un concept parti des bords de la route 66, pour évoluer très clairement sur les rives de la Canche, avec les exigences de sa clientèle.

Alain Simoneau


L'ancien vu du nouveau... Du clinquant volontaire au cossu plus touquettois.

Le Jean's est un concept mûri en deux épisodes bien distincts, visibles face à face sur deux coins de la rue Saint-Jean, l'artère centrale et vitale du commerce et du tourisme touquettois. En venant de la mer - "c'est le meilleur emplacement du Touquet" -, commente Christophe Dedécker, on tombe immanquablement à main droite sur le plus ancien des deux Jean's. Un vrai bar américain version western, très années 60, point trop luxueux, assez chargé avec son décor de pubs et autres signalisations en tôle émaillée, dont l'inévitable écriteau 'route 66'. Après un temps d'observation, Dedécker a mis fin à l'activité restauration pour en faire un bar du soir, avec dérogation d'ouverture jusqu'à 4 heures du matin.
Sur l'autre coin de rue, l'enseigne est la même, mais tout est plus douillet : la façade, les drapeaux faits pour attirer l'œil du chaland en route vers la mer, et surtout la qualité de l'aménagement et des matériaux mis en œuvre à l'intérieur. Placages de chêne, plateaux de tables en bois tropicaux épais, bar en bois plutôt à la manière des clubs du West End. Du cuir, du vrai. Un salon VIP, avec réserve de cigares climatisée dans les règles, au premier étage. Un escalier presque monumental, garni d'un épais tapis, rappelle les maisons bourgeoises des riches ouest-américains. Du décor aussi, comme cette Harley rutilante sur un piédestal, des drapeaux, des appliques murales, mais avec une certaine réserve de bon aloi. Aux murs d'accès au 3e niveau, ce sont les menus des grandes maisons de restauration française qui ornent les murs. Ici, aucun doute, on se trouve bien dans un restaurant. "On y mange de midi à minuit, et de 18 à 65 ans et plus", confirme Christophe Dedécker, un grand blond costaud et corpulent, à l'allure de chef d'un groupe de rock retiré de la scène.
La carte, de type brasserie, est ouverte et large, depuis la côte à l'os de belle qualité au poisson de la pêche d'Etaples, en passant par le Welsh rabbit. Filet américain et hamburger maison bien sûr, carte italienne, du solide tenant au corps. Mais aussi des suggestions très Le Touquet 2002, comme cette Tarte au roquefort et aux noix, ou cette Lotte légère aux émincés de poireaux, et pour finir, une Mousse de fromage blanc aux fruits frais. Rien de macho dans ces 3 propositions. Tout est confectionné sur place - fraîcheur de rigueur. Le personnel de salle, dirigé par Pierre Bardol, est en rouge vif et col ouvert. Carrément hors normes de la belle restauration française quant au look, mais dans les faits, il agit selon la tradition.


La cuisine au 3e étage est desservie par monte-charges. Chaque étage de service a son office, discret mais accessible.

Une histoire Dedécker
Christophe Dedécker est dans le métier depuis l'âge de 15 ans. Question de branche. Il est le fils de Serge, créateur des pubs Au Bureau, et le frère d'Eric, patron du Au Bureau du Touquet, à 20 m des Jean's. Il débute en apprentissage à Valenciennes au Buffet de la Gare de François Benoît, alors étoilé, effectue un stage à la Brasseire André de Lille, puis apprend le métier du bar au Petit Strasbourg de son père à Lille. Il poursuit ensuite au Béthune, rue de Béthune. "J'avais déjà bien viré vers la limonade", confie-t-il. Il accompagne encore son père quand il reprend la Brasserie Jean, puis part vivre un peu sa vie. Il fait un an les saisons dans le Midi, puis apprend l'anglais à Leeds. "J'ai vu des concepts, des pubs, d'autres clientèles", raconte-t-il. Christophe a 19 ans quand il débarque à Calais. Il retrouve son père au Touquet, qui lui demande de le dépanner 2 jours au Jean's, "un bar-crêperie classique", commente le fils. Le destin sonne. Le Touquet lui plaît, ainsi que sa future épouse qu'il rencontre sur place. Il participe à la création de Au Bureau au Touquet, puis à Reims (en association avec Serge), à Boulogne, Lille, Béthune. Il veut alors être indépendant, et rachète le Au Bureau de Boulogne à son père, le revend 2 ans plus tard, et en 1992, reprend le Jean's, cette fois à son compte. Il ne quittera plus Le Touquet. Il fait du Jean's un bar américain, et construit sa clientèle. Quand en face le Lido est à vendre, il veut changer de braquet. Les Dedécker n'aiment pas les petites affaires...

Un concept opérationnel
L'immeuble en hauteur n'était pas au départ des plus simple à traiter. "Nous avons tout cassé sauf les murs, et recomposé les volumes de A à Z", explique Christophe Dedécker. L'aménagement final comprend 350 m2 de surface commerciale en 2 niveaux de service (l'accueil encourage fortement les clients à saturer d'abord le rez-de-chaussée), et 100 m2 d'espaces techniques et annexes. Ascenseur pour clients handicapés, et monte-charges passe-plats permettent, grâce à une étude préalable d'implantation, de compenser la question des niveaux. La réception matières, les stocks et le froid se trouvent au sous-sol. La cuisine se situe au 3e étage, un peu étroite, avec un côté coursive de navire, mais les professionnels disposent d'un bon matériel et d'une utilisation rationnelle de l'espace. A chacun des 2 niveaux de service, les monte-charges desservent un office dissimulé par un panneau chargé de verrerie et de vaisselle.
Le petit Jean's marche encore fort avec une clientèle spécialisée, qui recherche l'ambiance américaine. Le nouveau Jean's veut retrouver l'ensemble du potentiel de cette station, et notamment sa clientèle internationale. Le décor à l'américaine est donc un thème, sur un fond de partition très cossue et classique. "Il fallait du chaud, et du confort sur une idée américaine", résume le jeune patron, aussi fier que possible de son affaire. Elle marche fort, et c'était plus que souhaitable. L'investissement est lourd, assez nettement supérieur à 2 Me. Aucun droit à l'erreur. Le Touquet, qui a changé, en moins guindé, sans vraiment se démocratiser au fond des choses, a adopté l'enfant. n zzz24

 

Difficile fin de bail

Christophe Dedécker a acquis et développe des fonds de commerce, mais ne possède pas les murs. Au moment où nous écrivions, il se trouvait en conflit avec son bailleur du 'petit' Jean's, qui n'est autre que le groupe Partouche...
Ce qui interdit tout investissement important dans l'ancien établissement. Partouche souhaite reprendre ce précieux coin de rue pour développer ses projets. Dedécker remettrait les clés à contrecœur, mais il y a un fort désaccord sur le prix. La justice a déjà statué, expertisé, évalué. Dedécker a perçu 50 % du prix validé par le tribunal. Pour le solde, l'un comme l'autre ne veut rien lâcher.

 

En chiffres

Investissements
Plus de 2 Me pour le nouveau Jean's
Ticket moyen
De 19 à 20 e
Effectif
23 personnes à l'année, dont 27 en saison pour les 2 établissements
La maison tire quelque 350 hl de bière par an
La décoration et les accessoires sont de Roche à Calais

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L'Hôtellerie Restauration n° 2824 Magazine 5 Juin 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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