de juillet 2003 |
DOSSIER |
S'occuper de soi sans culpabilité est aujourd'hui très tendance, y compris lors des déplacements professionnels, durant un séjour à l'hôtel. Palaces et hôtels haut de gamme ouvrent ainsi des nouveaux temples du bien-être, baptisés spa. Coût supplémentaire, nouvelle source de revenus ou produit d'appel ? Economiquement, comment appréhender le sujet ?
Claire Cosson
Spa
! Voilà un mot que prononcent aujourd'hui tous les acteurs de l'hôtellerie haut de gamme
et qui n'a pourtant rien à voir avec la protection des animaux... Spa signifie en effet
en latin sanitas per aquam. Soit, en français dans le texte, 'santé par les
eaux'. Autrement dit, lorsque ces 3 lettres figurent sur la liste des services d'un
hôtel, le client est en droit d'attendre une séduisante promesse : celle de passer un
agréable moment à s'occuper de soi sans culpabilité aucune. Le tout dans un endroit
privilégié voué au bien-être et à la beauté.
Si le phénomène est connu de longue date aux Etats-Unis où l'on dénombre, selon une
étude du cabinet PricewaterhouseCoopers, quelque 9 600 spa (le premier spa Marriott a
ouvert en 1980 à Desert Spring, tandis que celui de Four Seasons accueillait ses premiers
clients en 1986 à Dallas, Las Colinas), l'engouement est devenu considérable ces
derniers temps de ce côté-ci de l'Atlantique. D'autant plus fort que, jusqu'à présent
réservés aux destinations loisirs haut de gamme, les spa effectuent maintenant une
sérieuse descente en ville. Londres, Paris, Rome..., aucune métropole n'échappe à
l'avènement de ces nouveaux temples de l'hédonisme.
Les experts ont établi une classification
des spa en différentes catégories è Le spa destination è Le spa de croisière
è Le day spa è L'hôtel Resort spa
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Rien n'est trop beau
A l'évidence, l'heure du stress à outrance ayant sonné, l'homme et la femme d'affaires
n'hésitent plus à prendre soin de leur corps et de leur âme aussi. L'envie de se faire
dorloter, chouchouter ou bien encore masser inonde la planète entière.
Palaces, grandes chaînes hôtelières internationales et petits hôtels de luxe
indépendants ont senti le vent venir. "Le spa est un service indispensable pour
une maison comme la nôtre", confie Jean-Pierre Soutric, directeur marketing du
Four Seasons George V à Paris. "C'est une fonction qui fait dorénavant partie
intégrante de nos métiers", surenchérit Dominique Borri, directeur général
de l'Hôtel Meurice. Le mouvement est tel que les unités hôtelières rivalisent de
créativité pour attirer la clientèle en lui offrant un service complet. Cela va du
hammam, en passant par le sauna, les techniques d'enveloppement innovantes (gommage
Crushed Cabernet à l'espace Caudalie de l'Hôtel Meurice), des massages incroyables (à
la tequila et aux pierres chaudes au Four Seasons George V, à quatre mains au spa
Givenchy de l'Hôtel Martinez) aux drainages divers, soins du visage et autres attentions
particulières... Rien n'est en fait trop beau !
A tel point que Four Seasons vient de lancer un nouveau soin dénommé Four Seasons in
One. Soin qui, en établissant un lien entre les senteurs et les techniques de massage,
évoque l'hiver, le printemps, l'été et l'automne. De son côté, le groupe Fairmont a
créé sa propre marque de spa. Quant à Marriott International, qui a inauguré 8 spa au
cours de l'année 2002, la compagnie a établi une série de standards afin "de
supprimer les barrières empêchant parfois de tenter l'expérience spa".
Même la chaîne Relais & Châteaux se jette à l'eau avec la toute récente
commercialisation d'un forfait Lys spa et beauté. Il faut dire que sans en avoir l'air,
l'association dirigée par Régis Bulot regorge de petits trésors en matière de spa. A
commencer par Les Prés d'Eugénie de Michel Guérard, précurseur dans le domaine, le
Hameau Albert 1er à Chamonix, l'hôtel Schloss Seefels en Autriche, ou bien encore le
Tugu à Bali, les Trois Tilleuls & Spa au Canada...
Le spa du Four Seasons George V entre à hauteur de 20% à 25% dans la décision
d'achat.
Espace et personnel qualifié, ça se paie
A savoir maintenant si ce marché en plein 'bouillonnement' a une réalité économique
prouvée dans l'hôtellerie. Telle est la question que se posent bon nombre
d'entrepreneurs. Les tarifs des soins proposés ne sont certes pas à la portée du
premier venu. A titre d'exemple, le massage sportif d'une durée de 75 mn au spa Givenchy
du Martinez à Cannes s'élève ainsi à 130 e. Le soin Qi visage et corps du spa
Shisheido du Mas Candille à Mougins atteint les 165 e pour un traitement de 120 mn. Pour
le massage aux pierres chaudes du Four Seasons George V, il faut débourser 200 e pour 50
mn. Et ce sera 45 e pour une séance d'endermologie au Domaine de la Rochevilaine. A ces
prix-là, l'hôtelier peut espérer une rentabilité. Reste qu'un spa engendre de lourds
investissements financiers. "L'espace, ça se paie ! Tout comme le personnel
qualifié", précise Dominique Borri. 2,2 Me pour la création d'un spa Givenchy
de 900 m2 au Martinez. 900 000 e pour le spa Shisheido du Mas Candille, dont la superficie
avoisine les 200 m2. 3,8 Me pour le centre Aqua Phénicia du Domaine de Rochevilaine (1
300 m2) en Bretagne. 460 000 e pour Le Relais Bernard Loiseau ... L'enveloppe de départ
est, à première vue, relativement conséquente.
Sans oublier les frais de personnel qui s'y adjoignent (une vingtaine de collaborateurs
sont ainsi dédiés au spa au Four Seasons George V, 6 à l'Hôtel Meurice, 13 au Domaine
de Rochevilaine...). D'autant plus conséquent d'ailleurs qu'il n'est pas question de
jouer les amateurs, quand on cajole des clients soumis aux décalages horaires et autres
surmenages professionnels.
Depuis la création du spa en 1996, le Domaine de Rochevilaine, en Bretagne,
bénéficie d'une ouverture annuelle.
La fonction d'un hôtel haut de gamme change
Une des raisons pour lesquelles les hôtels font souvent appel à des professionnels issus
du monde des cosmétiques. "Les huiles essentielles de la gamme Aromessence et
l'esprit soin de la société Décléor correspondaient parfaitement à nos attentes",
révèle Dominique Loiseau, p.-d.g. de Bernard Loiseau SA, qui a conçu un spa de charme
à La Côte d'Or à Saulieu. Et de préciser : "Mais la marque m'a aussi séduit
par l'encadrement qu'elle proposait, notamment en termes de formation et de suivi."
A ce compte-là, il y a réellement de quoi s'interroger quant à la rentabilité d'un spa
et se demander pourquoi les hôteliers portent un intérêt croissant à ce service. En
vérité, les explications divergent selon les établissements concernés. Toutefois, des
éléments communs existent bel et bien. Premier point, la plupart des maisons dotées
d'un spa estiment que la fonction d'un hôtel ne se limite plus seulement au gîte et au
couvert. "Un palace se doit aujourd'hui de procurer également détente et loisirs
à ses hôtes", affirme ainsi Jean-Pierre Soutric.
Second point, beaucoup de professionnels interrogés considèrent le spa comme un centre
de profit un peu particulier. Si, au dire des Relais & Châteaux américains, le
retour sur investissement d'un tel service s'effectue au bout de 2 ans environ, les
hôteliers français demeurent, eux, plus évasifs sur le sujet. "Un spa seul est
certes difficile à rentabiliser comparativement à une chambre d'hôtel. Mais, il ne faut
pas omettre le fait que ce type de produit engendre d'importantes retombées financières
sur l'ensemble de l'entreprise : au restaurant, au bar...", argue Bertrand
Jacquet, directeur général du Domaine de Rochevilaine. Depuis l'ouverture du centre Aqua
Phénicia en 1996, l'établissement 4 étoiles de 37 chambres, qu'il dirige, fonctionne
désormais 365 j/365. Mieux encore ! Il affiche également de jolies performances : taux
d'occupation moyen de 80 % et prix moyen HT de 180 e. "Performances
indiscutablement irréalisables auparavant", avoue l'intéressé.
Le spa du Relais Bernard Loiseau fidélise les clients et permet d'allonger la durée
moyenne du séjour.
Fidéliser, rajeunir, sélectionner
"Le spa, c'est avant tout une réponse aux attentes de la clientèle. Autrement
dit, un outil de séduction. Il y a en effet des clients qui, sans spa, ne viendraient
purement et simplement pas", témoigne le patron du Meurice. Et de poursuivre :
"En termes d'activité, nous parvenons à équilibrer." Propos similaires
pour le Four Seasons George V s'agissant de la rentabilité, qui clame en outre que la
présence de son spa entre à hauteur de 20 à 25 % dans la décision d'achat. Mais
l'espace bien-être s'avère être aussi pour beaucoup un moyen de fidélisation et
d'augmentation de la durée des séjours. "Jusqu'à récemment, les clients ne
restaient en général qu'une seule nuit à La Côte d'Or. Ils venaient en fait pour le
restaurant. Depuis que nous avons construit le spa, la durée moyenne des séjours s'est
allongée, passant de 1,2 jour à 1,9 jour", commente Dominique Loiseau. Et de
souligner : "Les soins pratiqués financent actuellement le salaire de la personne
que j'emploie. Je suis sûre que cela va évoluer positivement dans les mois à venir."
Fidéliser, séduire, sélectionner, lisser la saisonnalité, gagner des points
d'occupation (3 à 5 % supplémentaires selon Sylvain Ercoli, directeur général de
l'Hôtel Martinez), rajeunir la clientèle, les spa débordent apparemment de vertus. Il
n'empêche que la plupart des hôtels choisissent d'ouvrir ces derniers à la clientèle
locale (y compris le Four Seasons George V, à des plages horaires clairement
déterminées). Doit-on y voir un signe des temps ? Ou plutôt une 'source' indispensable
d'optimisation des revenus ? n
zzz36v
A votre santé au
Meurice ! w Non, on ne s'abandonne pas aux joies de l'ivresse dans l'espace bien-être de l'Hôtel Meurice, situé au numéro 228 de la rue de Rivoli, à Paris. Mais, grâce à l'association conclue avec l'institut Caudalie, on découvre dans ce palace mythique, en plein cur de la capitale, les vertus du raisin à travers une large gamme de soins cosmétiques. w Installé autour d'une cour intérieure de l'hôtel, réaménagée en jardin pour procurer sérénité et lumière, le spa de l'Hôtel Meurice se prélasse sur 300 m2 dans un décor élégant et sobre à la fois. Outre 2 saunas, 2 hammams, un vaste jacuzzi et une salle de sports dotée des équipements dernier cri, l'espace bien-être possède également 3 charmantes cabines de soins. Livrés aux mains expertes des vinothérapeutes de Caudalie, les clients stressés se détendent à la vitesse grand V. w Comment, en effet, résister au programme qui suit : enveloppement Merlot (application d'argile chaude de bentonite, d'huiles essentielles) à 80 e, microdermabraison du dos, massage pulpe friction (soin complet du corps à base de raisin frais...) à 95 e, ou bien encore gommage 'Crushed Cabernet' (gommage à base de pépins de raisin, sel de Guérande, miel et huiles essentielles biologiques) à 95 e. SUPERFICIE è 350 M2 |
Quelques conseils pour faire fonctionner
un spa Effectuer au préalable une étude de marché |
Un spa de charme
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Sérénité assurée
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Avis de l'expert"Le spa en hôtellerie n'est pas toujours une bonne idée !" w Aujourd'hui p.-d.g. du
cabinet spécialisé en hôtellerie, restauration, tourisme, Coach Omnium, Mark Watkins,
au cours de sa carrière |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2828 Magazine 3 Juillet 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE