d'octobre 2003 |
TENDANCE |
Depuis deux saisons, Pierre Hermé, le pâtissier le plus remarqué et le plus médiatisé de Paris, présente ses collections sous forme de défilé. Les frères Pourcel, à Paris en janvier dernier pour la présentation de leur nouvelle carte, ont organisé un défilé culinaire, qui pourrait bien devenir un vrai phénomène !
Katia Kulawick
Après tout, pourquoi le podium ne serait-il
réservé qu'à la mode ? A la mode, Pierre Hermé empruntait déjà le rythme des saisons
et le vocabulaire, soit deux 'collections' par an, où il égrenait audace et
originalité, misant à 100 % sur la créativité. Aujourd'hui, il se place comme le
premier pâtissier 'couture' parisien qui marie gourmandise avec un zeste de branchitude.
Cet hiver, le macaron devient l'accessoire ultime qui sera assorti à nos garde-robes :
marron, chocolat, kaki (pour le thé vert), or...
Il n'y a qu'à compter les invités exponentiels aux 'défilés Hermé', qui deviennent de
véritables happenings. De Hélène Darroze à Michel Field (un fan), des créateurs de
mode (Chanel) à l'univers du design, tous viennent voir défiler les nouveautés du "créateur
en pâtisserie", portées par les vendeurs de la maison et les pâtissiers
eux-mêmes, et un final où l'artiste vient saluer la foule. D'ailleurs, d'ici quelques
saisons, personne ne s'étonnera de voir Catherine Deneuve au premier rang... En février
dernier, le premier défilé se tenait au 1728, minuscule restaurant près de la place de
la Madeleine, et pour la collection hiver en juin, on faisait la queue devant le nouveau
restaurant du Palais de Tokyo, le Tokyo Eat, pour découvrir le thème de cet hiver,
'kawaii', qui signifie mignon, irrésistible en japonais, et qui est aussi le cri d'extase
des japonaises lorsqu'elles découvrent une nouveauté. Inspiré par l'imagerie
contemporaine japonaise, et sans doute par l'exposition de Takashi Murakami à la
Fondation Cartier l'an dernier, cet exposé gourmand de Pierre Hermé décline un univers
tout droit sorti des mangas, aux contours ronds et naïfs, aux couleurs acidulées et
douces, aux expressions fantaisistes, plein de surprise et de bonne humeur, ludique, voire
régressif.
= La friandise PH3, 3 boules de chocolat blanc qui cachent des saveurs acides (compote de citrons, d'abricots et un caramel pomme tatin), le tout renforcé par un praliné feuilleté noisette, un produit nomade et vraiment trop mignon...
La friandise PH3.
= La surprise 'Kawaii' est une meringue fourrée d'une compote d'oranges acidulée au pain d'épice, crème mousseline au citron et d'un biscuit aux éclats d'amandes, le tout emballé comme un bonbon géant.
La surprise 'Kawaii' est emballée comme un bonbon géant.
= Le macaron, devenu un véritable phénomène en soi (la maison en vend 45 kg par jour, et représente 30 % du CA), la star des pâtisseries sera cet hiver au marron et au thé vert matcha recouvert d'une poudre d'or.
La star des pâtisseries, le macaron, sera cet hiver au marron et au thé vert
matcha recouvert d'une poudre d'or.
= Les 'émotions', pâtisseries servies dans des verres colorés, sont cette fois-ci fermées par un fin couvercle de chocolat et d'or.
Emotion velours.
= L'Aztec, un entremets monoportion triangulaire à la pâte sablée au müesli, compote d'oranges au vinaigre balsamique, biscuit au chocolat (sans farine) et mousse au chocolat, devrait calmer les plus gros appétits.
= Le Sacristain, il est tout simplement divin ! La collection hiver est depuis le 15 septembre à Paris et à Tokyo, et aucun doute que les 'kawaii' se sont fait entendre rue Bonaparte... < zzz22v
Pourquoi le sucre fait un tabac |
"Le salé nous nourrit, la pâtisserie nous réjouit",
commente Pierre Hermé. Le sucré est en train de devenir la nouvelle obsession du monde
de la mode, d'habitude plutôt anorexique. Mais dans un contexte mondial aussi incertain
et perturbé, les petits plaisirs de la vie passent du rayon futile à celui d'essentiel.
Quelques grammes de douceur à déguster au calme... Plus que régressif, le monde de la
gourmandise est devenu un des derniers bastions du plaisir, tendance cocooning. En France, la production de bonbons a augmenté de 25 % en 10 ans avec 211 000 tonnes. Et la pâtisserie maison semble avoir été dopée par le passage aux 35 heures (elle est pratiquée par 83 % des foyers, voire même la réalisation de confitures adoptées chez plus d'un tiers des familles). Avec une consommation moyenne de 34,18 kg par an et par personne, la France est le premier producteur et le 3e consommateur de sucre de l'Union européenne, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. La guimauve, qui avait quasiment disparu, fait un retour en force. Symbole de douceur et d'enfance, on la retrouve dans les restaurants, en mignardises, comme au Chalet du Mont D'Arbois à Megève (signées par le chef Emmanuel Horclois), au Louis XV à Monaco ou chez Ferran Adria, en friandise d'accueil dans les chambres de l'Hôtel Meurice, mais également chez Hédiard, Peltier, Ladurée et Dalloyau. Même la cosmétique s'inspire des douceurs sucrées. Effets mousseux, laiteux ou crémeux. Toutes les marques cosmétiques lancent des produits inspirés par la cuisine : miel, pain d'épice, huile d'olive, café, clémentine verte, cannelle, piment, réglisse, nougat, praline, marron, vanille, lait de soja, sucre ou sel de Guérande, et bien sûr, chocolat. Le chocolat, justement, devenu cacaothérapie. Aux Etats-Unis, en Pennsylvanie, un spa au chocolat a ouvert ses portes en 2001 moyennant 7 M$. Dans une société où les 'adulescents' (adultes aux comportements adolescents), de plus en plus nombreux, continuent à se payer les plaisirs de leur enfance, et le phénomène n'en est qu'à ses balbutiements. Pour l'avenir, on parle même de tissus-bonbons. Alors, cosmétique ou mode, un nouveau créneau pour les pâtissiers ? L'expérience est à creuser... zzz22 |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2841 Magazine 2 octobre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE