de novembre 2003 |
AMÉNAGEMENT |
Plus design, plus accueillants, plus ludiques, les W.-C., côté public, se libèrent et se décorent, au point même de devenir source d'attraction dans les lieux branchés. Intimité, confort et audace.
Cécile Junod zzz40t zzz40r zzz42x
Style rétro à L'Atlantic à Londres.
Tabous, laissés-pour-compte, les W.-C. ont longtemps été réduits à leur rôle strictement fonctionnel. Et confidentiel. Personne n'osait s'intéresser et encore moins évoquer ces lieux de toutes les transgressions. Stimulés par un silence pudiquement correct et leur souhait de toujours vouloir remettre en cause les conventions établies, les designers s'en sont mêlés. On peut même dire qu'ils ont révolutionné les latrines avec audace, au point d'en faire des sujets de conversation dans les salons. Désormais, outre leur devoir de confort, les toilettes ont droit au décor. Luxueux, sensuel, intimiste, excentrique... le petit coin devient un espace à part entière pour le décorateur qui se doit d'enchanter ou de surprendre le visiteur. D'ailleurs, si le concept d'intimité reste évident, il faut se rendre à l'évidence : les W.-C. deviennent de plus en plus un lieu de sociabilisation. Dans le téléfilm Ally McBeal, ne sont-ils pas le lieu de confession privilégié des avocats du cabinet ? A Londres, les toilettes du club branché Fabric sont unisexes. Elles sont un vrai lieu de rencontre où l'on passe des heures à discuter, avec, à disposition, un étalage de parfums qui permet de se rafraîchir entre deux tours de piste de danse.
Urinoir sans eau Duravit a élaboré 'McDry', un urinoir en porcelaine sanitaire, équipé d'une technique innovante : le siphon céramique est rempli d'un fluide occlusif qui ne se dilue pas dans l'eau et qui, grâce à sa plus faible densité que l'urine, reste en surface. A chaque utilisation, l'urine traverse le liquide occlusif et s'évacue par le siphon. Simple et facile à installer, cet urinoir ne nécessite pas l'installation de conduites d'eau et de robinetterie. |
Starck, premier révolutionnaire
Ainsi, les W.-C. sont-ils engagés dans une grande mutation, au risque de choquer. Et le
premier à l'avoir compris, c'est Philippe Starck qui, dès 1982, décorait le premier
Café Costes à Beaubourg. Les urinoirs tapissés de miroirs ont indéniablement
participé à son accession à la notoriété. Tout le monde en parlait. Certains s'en
amusaient, d'autres s'en offusquaient. Mais personne ne restait indifférent. "Je
me suis fait connaître grâce aux toilettes du premier Café Costes, explique le
designer. J'y ai introduit l'urinoir commun que j'ai tapissé de miroirs, un principe
de 'réflexologie' qui a été source de plaisir pour certains et a posé des problèmes
psychologiques à d'autres. C'était la première fois que quelqu'un osait faire preuve de
créativité dans cet endroit. Des étrangers sont venus du monde entier visiter ce lieu
de curiosité. Les gens disaient : "Va voir les toilettes, elles sont incroyables
!". Le tabou était brisé. Je pense que s'attaquer au réaménagement des
sanitaires dans les hôtels et restaurants est une bonne stratégie. Mais l'esthétique
m'importe moins que l'aspect humain. On ne peut respecter un lieu négligé. A l'inverse,
les gens prennent soin des endroits propres où ils se sentent bien. Il n'existe pas de
zone maudite. Tout est terrain d'expérimentation. Et partout, on peut susciter la
surprise, y compris dans les W.-C."
Plus tard, fidèle à sa doctrine de "rendre les gens plus heureux en améliorant
leur vie quotidienne", Starck s'attelle à faire évoluer cette sphère très
privée et provoque des remous en dessinant un seau et un porte-balayette pour Duravit.
Depuis, tous les fabricants ont adopté une politique de design en matière de W.-C. Pour
preuve, le succès des cuvettes suspendues qui font du trône classique une vasque à
l'esthétique aérienne.
Couleurs flashy et ambiance excentrique au Nirvana à Paris.
Surprise et féerie
Exit les toilettes utilitaires, aseptisées, exemptes d'originalité. Aujourd'hui, les
endroits à la mode rivalisent d'imagination pour surprendre, voire provoquer.
Au Belga Queen à Bruxelles, les portes individuelles des toilettes sont parfaitement
transparentes, une transparence qui en surprend plus d'un. Mais lorsque l'on ferme la
targette, la lumière s'éclaire et le verre s'opacifie. Du côté de la Bastille, le
restaurant Les Grandes Marches, aménagé par Christian et Elisabeth de Portzamparc,
propose un mur d'eau incliné en guise d'urinoir. Chez Trésor, toujours à Paris, la
surprise, ce sont les poissons rouges dans le réservoir d'eau. Stupeur et hésitation
quant à tirer la chasse. Mais la vraie réserve d'eau est cachée dans la double paroi
des toilettes. Les poissons rouges ont encore de beaux jours à vivre.
Et encore dans la capitale, rue Boissy d'Anglas, l'Italien Francesco Passaniti a créé,
grâce aux fibres optiques, un univers tout simplement féerique dans les toilettes du
restaurant L'Envue. "J'ai voulu créer un univers ludique et récréatif, raconte
le plasticien. Pour complètement dépayser les clients, on leur raconte une histoire :
les lumières s'allument au fur et à mesure qu'on avance. Il y a aussi des sons (bruit de
la mer, des vagues et des mouettes), de la musique, des miroirs à illusion. Tel un
tableau surréaliste, votre visage apparaît surmonté d'une perruque. Les toilettes
hommes et femmes sont séparées par un mur d'eau, clin d'il coquin qui permet
d'attraper la main du voisin sans le voir... Il existe une véritable interactivité entre
l'utilisateur et le lieu. Et pas un seul bouton grâce à la fibre optique !" <
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'Starck 3'
Design sans superflu pour cette série d'éléments sanitaires dessinée par Philippe
Starck. Pour davantage d'hygiène et de confort, la cuvette est suspendue, aérienne.
'Starck 3' de Duravit.
Petit tour du monde En France, le modèle à la turque - la risée des touristes - tend à disparaître, mais certains cafés continuent de le privilégier pour des soi-disant raisons d'hygiène. La capitale chinoise, longtemps laxiste sur la propreté de ses W.-C., vient de lancer un vaste programme de rénovation. Une politique qui a valu à Pékin de décrocher l'organisation du Sommet mondial des toilettes en 2004. A Singapour, ville record de l'hygiénisme comme mode de vie, quiconque oublie de tirer la chasse d'eau dans les toilettes publiques est passible d'une amende de 130 $. Car, selon le Premier ministre, "on juge un endroit par la qualité de ses sanitaires". Même son de cloche au Japon où les water- closets sont l'objet de tous les raffinements. Enfin, en Inde comme en Grande-Bretagne, les lieux d'aisance ont droit à leur musée. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2846 Magazine 6 novembre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE