d'avril 2004 |
À LA UNE |
À la Compagnie des hôtels de montagne
Jocelyne Sibuet, adepte de la culture d'entreprise et du management participatif
Avec son mari, Jean-Louis, elle a créé un petit empire : la Compagnie des hôtels de montagne. Neuf adresses de charme dont cinq à Megève, où l'aventure a débuté modestement. La société compte aujourd'hui entre 300 et 350 collaborateurs contre une petite vingtaine il y a 15 ans. La culture d'entreprise n'en est pas moins intacte. La recette ? Miser sur le bien-être de ses collaborateurs.
Claire Cosson
1. Après les
cimes, le couple Sibuet se devait d'avoir une adresse au bord de la mer. C'est chose faite
depuis 2003 avec la Villa Marie, splendide demeure implantée sur la colline de
Ramatuelle-Saint-Tropez.
2. La saga des Sibuet a
démarré avec le rachat de l'hôtel Au Coin du feu, à Megève. Les nouveaux
propriétaires ont transformé ce grand chalet vieillissant en une véritable maison
d'amis où il fait bon souffler après avoir dévalé les pistes.
3. Les Fermes de Marie
ont séduit d'entrée de jeu tous les magazines de décoration. C'est vrai qu'il y a de
quoi craquer.
On cherche en
vain une trace, une marque, un signe... Rien ne transparaît. Le maquillage est parfait,
discrètement apposé (ses premières amours étaient la beauté). Le sourire
resplendissant, l'il d'un vert limpide. Les mains qui papillonnent révèlent
peut-être une très légère tension, ou bien est-ce plutôt le signe d'une femme
passionnée qui déteste les temps morts... La voix tinte, claire et nette. Avec les mots
pour le dire, Jocelyne Sibuet se livre au rite de l'interview en toute sérénité.
Pourtant, la période ne s'y prête a priori pas vraiment. Nous sommes en effet en
plein mois de février. Mois où, d'ordinaire, la présidente du directoire de la
Compagnie des hôtels de montagne n'a pas une seule minute à perdre. Et pour cause : elle
et son mari, Jean-Louis, créateurs de ladite compagnie, possèdent cinq établissements
dont les très chics Fermes de Marie, le mythique Hôtel Mont-Blanc et le Lodge Park à
Megève. Des 'maisons' qui font un véritable tabac hiver comme été. 'People' et grands
capitaines d'industrie ne jurant que par le couple Sibuet en matière de décoration, de
confort, de discrétion et, bien sûr, de convivialité.
Autrement dit, la gracieuse Jocelyne a probablement mieux à faire en ce moment que
de discuter avec une journaliste. D'autant plus que, comme tout perfectionniste qui se
respecte, cette jeune quinqua aime être disponible pour ses clients. "Avoir leur
avis est un élément capital", confie ainsi d'emblée l'intéressée. Reste que
cette femme-là affiche en fait les qualités d'un manager efficace. En d'autres termes,
elle se repose pleinement sur ses collaborateurs. "Quelles que soient les
difficultés liées à la délégation, elle est incontournable",
explique-t-elle. Déléguer, c'est néanmoins parfois difficile à mettre en uvre,
parce que cela suppose une capacité de remise en cause permanente.
A Lyon, La Grande Cour accueille brunches et concerts nocturnes.
Management coopératif
a La confiance a Le respect mutuel a La considération a La transparence a La responsabilité a Le coaching mutuel sont les principaux éléments de la démarche managériale de Jocelyne Sibuet. |
Capacité dont
Jocelyne Sibuet fait apparemment preuve à chaque instant. En témoigne cette réflexion
faite lors de notre entretien par son associé de La Cour des Loges à Lyon, Georges-Eric
Tischker : "Je ne sais pas ce que tu as dit à la réceptionniste ce matin... Mais
elle n'a pas apprécié." Et Jocelyne de répondre du tac au tac : "Je
vais aller la voir, parce que je n'ai pas eu l'intention de la blesser." A
l'évidence, cette Savoyarde, élevée au milieu des casseroles et autres rondeaux (son
père était chef de cuisine), dont les colères sont décrites comme étant mémorables,
sait faire amende honorable lorsqu'il le faut. Mieux ! Elle semble complètement acquise
aux nouvelles méthodes de management. "On peut tout lui dire. Elle sait combien
il est important de mettre son personnel en situation de bien faire pour obtenir le
meilleur d'eux-mêmes", précise Guy Lombard, responsable de la qualité pour la
Compagnie des hôtels de montagne. "Entre nous, on se parle d'adulte à adulte.
Madame Sibuet a une capacité de remise en question extraordinaire. Cela permet d'avancer
toujours plus loin", indique Brigitte Flament, directrice des Fermes de Marie.
Alors comment Jocelyne Sibuet est-elle parvenue à opposer finalement au management
classique un style de management "coopératif", basé sur le relationnel et la
responsabilité individuelle ? Sachant qu'à ses débuts, mieux valait ne pas lui marcher
sur les pieds.
Des enfants délaissés
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Jocelyne et
Jean-Louis ont 20 ans et des poussières quand ils débarquent à Megève au début des
années 1980. Personne ne les attend. Pire, certains rigolent lorsque le jeune couple
reprend Au Coin du feu, un hôtel vieillissant. "J'étais jeune. Pour m'imposer,
je considérais alors qu'il fallait que j'affiche haut et fort mon autorité", se
souvient Jocelyne, le sourire aux lèvres. Une autorité qui demeure aujourd'hui toute
naturelle, mais ne s'exprime plus du tout de la même manière.
La maturité et le travail sur soi y sont certainement pour quelque chose. Tout comme
l'évolution rapide de la compagnie. En moins de 15 ans, la Compagnie des hôtels de
montagne est de fait passée d'une vingtaine de collaborateurs à plus de 300 à 350 selon
la saison. Un bond en avant qui a nécessité une profonde réflexion en matière de
gestion des ressources humaines. "Durant de longues années, je ne me suis pas
penchée sur ce qui se passait au sein de mes équipes", raconte avec sincérité
Jocelyne. Et de poursuivre : "L'entreprise se développait à la vitesse grand V.
Nous gérions au quotidien sans véritablement anticiper nos besoins de personnel."
Jusqu'au jour où son instinct lui révèle qu'il y a des choses qui ne tournent pas
très rond parmi ses collaborateurs. "Les responsables des différents sites se
sentaient comme des enfants délaissés. Ils avaient du mal à travailler ensemble. Dans
certains cas, ils étaient en compétition les uns avec les autres", avoue la
présidente du directoire de la Compagnie des hôtels de montagne. A ce rythme-là,
l'esprit familial qui caractérisait l'entreprise n'en avait plus pour très longtemps.
Quant à la satisfaction des clients, elle pouvait, elle aussi, être mise à mal.
A Lyon, La Grande Cour accueille brunches et concerts nocturnes.
Coaching
individuel et collectif
D'autant plus aisément que le groupe s'adresse à une
clientèle haut de gamme qui exige une qualité homogène et irréprochable à tous les
niveaux. "La qualité, c'est le cadre exceptionnel de nos établissements, bien
entendu ! Mais c'est aussi la qualité des personnels à l'écoute et au service des
clients. Manager des hommes et des femmes, c'est l'avantage concurrentiel de demain",
se dit avec conviction Jocelyne Sibuet.
Cette incroyable 'bosseuse' se lance alors dans l'action. Heureux hasard, elle
rencontre parmi ses clients Raymond Maugey, patron d'une société de conseils (Over
Management), dont la vocation est d'accroître la performance des entreprises par la
valorisation et le développement du potentiel humain. Ainsi, en amont des procédures
qualité auxquelles les entreprises souscrivent pour gagner, Jocelyne met en place, avec
son nouveau partenaire, une démarche qualité personnelle et professionnelle à
l'attention de son encadrement.
Cela se traduit d'une part par une méthode de recrutement basée sur les techniques
de l'Ennéagramme ; d'autre part par l'organisation de stages de cohésion d'équipe ainsi
que par du coaching collectif et individuel. "L'ensemble de cette démarche
contribue à remettre le client au centre des préoccupations de l'entreprise tout en
réduisant le stress inhérent à cette profession et en libérant les énergies
individuelles et collectives", commente Raymond Augey. Paroles, paroles...
avancent déjà certaines mauvaises langues. Loin s'en faut ! "Au début, je
n'étais pas favorable à ce travail. Aujourd'hui, j'ai revu mon point de vue. Tout ce
travail mené à titre personnel ou en groupe m'a permis de prendre conscience que chacun
est artisan du succès collectif de l'entreprise", confesse Brigitte Flament.
Développer
des valeurs communes
"Nous sommes maintenant capables de dire ce qui va ou ne
va pas sans porter de jugement de valeur. Cette transparence renforce énormément les
coopérations et nous permet d'intégrer les principes d'une communication efficace",
ajoute Guy Lombard. Qu'on le veuille ou non, il n'y a donc pas de résultats
extraordinaires sans relations extraordinaires. Pas plus qu'il n'y a de clients heureux
sans collaborateurs bien dans leur tête. Une philosophie dont Jocelyne Sibuet a fait son
leitmotiv en développant des méthodes, disons-le franchement, originales dans le secteur
de l'hôtellerie et de la restauration.
Méthodes dont les clients paraissent bénéficier pleinement. De fait, ce n'est pas
le fruit du hasard si la Compagnie voit son chiffre d'affaires sans cesse progresser :
19,43 Me en 2003. Idem pour le succès des Fermes de Marie, qui réalisent un taux
d'occupation de 83 % avec un prix moyen de 390 e. Méthodes qu'elle n'entend d'ailleurs
pas abandonner de sitôt, malgré un coût élevé. Outre les 30 000 e alloués à la
formation (contribution légale), la Compagnie des hôtels de montagne dépense
effectivement quelque 120 000 e supplémentaires pour ce poste dont 40 % sont destinés au
développement personnel. "Je ne souhaite pas que mes collaborateurs fassent
seulement ce qui me plaît. Surtout si j'ai tort", déclare Jocelyne. "Je
veux qu'ils partagent des valeurs communes et qu'ils puissent évoluer dans une
atmosphère chaleureuse", insiste-t-elle. En clair, qu'ils appartiennent à la
famille Sibuet. C'est pratiquement gagné, puisque certains de ses proches collaborateurs
définissent leur patronne "comme étant une mère professionnelle". < zzz36v
Compagnie des hôtels de montagne
Jocelyne et Jean-Louis Sibuet
Chemin de Riante Colline
74120 Megève
Tél. : 04 50 93 03 10
Fax : 04 50 93 09 84
www.c-h-m.com
L'ascension rapide de la Compagnie des Hôtels de Montagne 1981 |
Pure Altitude L'hôtellerie, Jocelyne Sibuet en connaît un
rayon. Elle tient également la dragée haute à qui veut bien l'écouter dans le domaine
de l'esthétique. Et pour cause, son premier métier était la beauté. D'ailleurs, dès
1989, lorsqu'elle ouvre Les Fermes de Marie à Megève, Jocelyne crée La Ferme de beauté
(spa) pour procurer bien-être et sérénité à ses clients. Reste qu'elle revient
véritablement à ses premières amours il y a 4 ans, en lançant sur le marché français
une ligne de soins baptisée 'Ferme de Marie'. Produits de beauté à base de plantes
naturelles et notamment d'edelweiss : le lancement connaît un rapide et franc succès, à
tel point qu'une importante société américaine s'intéresse de près à cette 'Frenchy'
dynamique. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2866 Magazine 1er avril 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE