de mai 2004 |
MICHELIN |
William Page Le Lièvre Gourmand [Vailly-sur-Sauldre -18] |
Il ne fait pas partie du sérail, il vient de l'autre bout du monde, et pourtant, il a décroché une première étoile.
Pour William Page : "Inconsciemment, on met dans sa cuisine ce que l'on a vécu." |
Rien ne prédisposait William Page à devenir cuisinier et encore moins à se voir consacré par le célèbre guide. Né en Papouasie-Nouvelle Guinée, c'est à l'adolescence qu'il rentrera en Australie (appelée Oz par les Australiens) avec ses parents. Brillant élève, il obtient son bac à 15 ans. Ce qui ne lui laisse pas le choix. Il devra faire des études. Pendant 3 ans, il suivra des cours de droit, mais sans réelle passion. Heureusement, pour financer ceux-ci, il doit travailler 4 soirs par semaine comme serveur, et c'est là qu'il va prendre conscience de ce qu'il a vraiment envie de faire : travailler dans la restauration. Cela tombe bien, à l'issue de ses 3 ans d'études, on lui propose un poste à plein temps dans l'entreprise. Il restera en salle pendant 7 ans, gravira peu à peu les échelons. Il sera tour à tour commis de salle, chef de rang, sommelier. Il ira même un temps travailler à la réception. Cette ascension le conduira à diriger deux entreprises de restauration avec plus de 60 salariés. Son premier établissement est un club de golf, et c'est à cette occasion qu'il passera en cuisine où il dispensera même des cours pour les ménagères. Dans la seconde, il développera une affaire de traiteur. De cette expérience de directeur d'établissement, il ressortira une certitude : plus tard, il sera son propre patron.
Autodidacte
La cuisine, il l'apprendra sur le tas. "Il faut savoir qu'à cette époque,
il n'y avait pas d'école hôtelière en Australie. Mais quelques années plus tard, vers
la fin des années 1970, s'est ouverte la première école hôtelière à Adelaide. Je
suis donc allé prendre des cours accélérés en pâtisserie pendant 6 mois",
précise William Page. Il quitte ses deux affaires et part voyager. Ces tribulations le
conduiront d'Amérique du Nord en Asie et en Europe. De ces voyages, il retiendra les
techniques et les saveurs de la cuisine locale, qu'il mettra au service d'une cuisine
moderne dans une région traditionnelle. "Inconsciemment, on met dans sa cuisine
ce que l'on a vécu. Le poulpe, c'est en souvenir de mon passage en Grèce, où il est
considéré comme le homard du pauvre. Je fais ce qui me plaît avec les produits
disponibles."
Il s'arrêtera en France, où il rencontrera son épouse de l'époque.
Etre son propre patron
Son souhait, alors : avoir
sa propre affaire. "Mais je voulais être propriétaire du fonds, mais aussi des
murs. Je m'étais aussi promis, après mon expérience professionnelle australienne, que
la fois suivante, je ne ferais qu'une chose à la fois. Je voulais aussi être à la
campagne près d'un vignoble, et je n'avais pas beaucoup d'argent à investir."
Il lui faudra patienter pendant plus d'un an pour finalement trouver un établissement par
l'intermédiaire de L'Hôtellerie. L'affaire n'a plus rien à voir avec le café
qu'il a acheté, rénové et agrandi en rachetant le théâtre du village mitoyen, et
qu'il a transformé en salle de restaurant, afin de pouvoir créer un salon spacieux et
chaleureux dans l'ancienne salle où il a conservé tout le charme traditionnel de la
région. Il en profitera à cette occasion pour réduire sa capacité d'accueil afin
d'avoir une équipe plus performante. Seule façon, aussi, de concilier la forte activité
du week-end, où les tables sont réservées 3 semaines à l'avance (et ce, avant
l'obtention de l'étoile), avec une moindre activité en semaine. Les banquiers n'ont fait
aucune difficulté pour l'accompagner dans cette rénovation. "Notre métier est
considéré comme rentable quand vous montrez que vous savez lire un bilan. J'ai réduit
de 30 % la capacité d'accueil et j'ai augmenté de 40 % le chiffre d'affaires."
Seul pour diriger le restaurant, il est accompagné de son bras droit, Céline, en
cuisine, assistée d'un second et de deux jeunes au service.
"Le fric, je m'en moque. Je ne me prends pas de salaire. Tout ce qui
m'intéresse, c'est ma maison. Recevoir les clients comme je voudrais être reçu. Je suis
là depuis 12 ans et je prends du plaisir à 220 %. Je réinvestis tout ce que je gagne.
En fait, avec le restaurant, j'ai recommencé une seconde carrière professionnelle. J'ai
deux métiers. Je suis cuisinier et restaurateur, deux fonctions qui sont aussi
importantes l'une que l'autre. Si l'on veut diriger une maison en Australie, il faut avoir
les compétences dans tous les domaines. Cela m'amuse de faire un peu de tout."
Cuisinier australien ? Non, un cuisinier français avec un fort accent australien, qui
s'est parfaitement intégré dans le paysage local et culinaire. Même s'il ne faisait
pas, au début, partie du sérail. <
Pascale Carbillet zzz22i
Le Lièvre Gourmand
14 Grande Rue
18260 Vailly-sur-Sauldre
Tél. : 02 48 73 80 23 - Fax : 02 48 73 86 13
www.lelievregourmand.com
Investissements
Environ 450 000 e
Couverts
10 en moyenne par service
Capacité
20 places
Ticket
moyen
60 e
Prix
menus
28, 38 et 48 e
CA
2003
280 000 e
Effectif
5 personnes
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L'Hôtellerie Restauration n° 2871 Magazine 6 mai 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE